"Il n’est pas obligatoire de tout dire à l’autre" : comment gérer le (petit ou gros) mensonge dans le couple ?

Publié le 28 septembre 2018 à 13h32, mis à jour le 28 septembre 2018 à 14h42
"Il n’est pas obligatoire de tout dire à l’autre" : comment gérer le (petit ou gros) mensonge dans le couple ?

ACTION OU VÉRITÉ - Mentir à l'autre fragilise le "contrat de confiance". Pour autant, le mensonge condamne-t-il inéluctablement le couple ? Comment arriver à avancer sereinement lorsqu'on a soi-même été trahi ? Nous avons interrogé un sexothérapeute.

Enfants, nos parents nous assénaient : "C'est pas beau de mentir !". C'est vrai que ce n'est pas beau, et pourtant on adore ça : le mensonge, qu'il soit égoïste (se mettre en valeur pour donner une meilleure image de soi) ou altruiste (ne pas faire de peine à l'autre), est l'un des sports préférés des adultes. Et lorsqu'il touche la sphère privée, intime du couple, attention, on flirte avec le sacré. 

"Soit je mens et on passe à autre chose, soit je m’énerve parce qu’il me flique… Il vaut mieux mentir, non ?" peut-on lire sur le forum de discussion d'un mensuel féminin, parmi les nombreuses confessions de ce genre qui pullulent sur Internet. Preuve que les couples se mentent beaucoup au quotidien, la psychologue Lisa Letessier, auteure de l’essai "Le Mensonge dans le couple", rapportait cette semaine dans Madame Figaro un sondage de l’institut Harris révélant que 10 % des propos échangés entre époux dans une journée sont constitués de mensonges propres à la petite dissimulation (celle dont on usait face à nos parents entre 3 et 13 ans) ou de mensonges par omission (ne rien dire pour cacher la vérité). 

Nécessité du mystère à l'heure de la transparence

Mentir pour des futilités, est-ce tromper l'autre ? Sommes-nous sommés de tout raconter à notre conjoint ? Peut-on s'autoriser à mentir par facilité ? Faut-il absolument être irréprochable et transparent dans un couple ? Selon Alain Héril, psychanalyste et sexothérapeute, auteur de Je fantasme donc je suis (Editions Eyrolles), "le couple ne doit pas être [contrairement à ce que l'on croit] le lieu des transparences tant il est construit sur une dose nécessaire de mystère pour durer. Si tout se dit, alors ce mystère disparaît et laisse la place à une "dictature" de l’aveu, qui pour le coup peut faire beaucoup de dégâts relationnels." 

Le sociologue Michel Fize va encore plus loin dans son livre Les menteurs : pourquoi ont-ils peur de dire la vérité ?, assurant que "l'autre, en effet, n'a pas nécessairement le droit de connaître tout ce que je sais de moi. Garder pour soi certaines choses privées, ce n'est pas mentir, quand ces choses sues ne sont pas nuisibles à celui à qui on les tait. Cela fait partie au contraire de notre intimité, qui mérite le respect".

Il n'est pas obligatoire de tout dire à l'autre
Alain Héril, psychanalyste et sexothérapeute

De là à dire que ces petits mensonges du quotidien peuvent être sains pour un couple ? "Oui, nous répond Alain Héril. Ils sont l’expression d’une communication (même difficile). Et il n’est pas obligatoire de tout dire à l’autre. Nous sommes dans une époque où la surveillance de l’autre devient une preuve d’une paranoïa relationnelle qui empêche les couples d’être dans une certaine légèreté. Le mensonge amène chacun a plus de responsabilité dans sa relation à l’autre". Mais ne nous voilons pas la face, il est des mensonges dont un couple peut ne pas se relever...

La relation extra-conjugale, le mensonge le plus redouté

Quid du "gros mensonge", celui qui nourrit les vaudevilles français depuis la nuit des temps et qui peut sérieusement ébranler la solidité d'un couple ? Soit les relations extra-conjugales (ou le désir même non acté pour quelqu'un d'autre). C'est, sans surprise, ce mensonge-là, bien loin d'un faux retard en métro ou d'une envie de rester plus longtemps en terrasse avec ses amis, qui mine le plus le couple, qui constitue "sa grande affaire" et qui, pour la personne trompée, se révèle une "blessure narcissique". 

Sur le forum du site "MagicMaman", une femme vide son sac, appelant d'autres témoignages : "Cela fait 6 semaines que j'ai découvert l'infidélité de mon mari. Il a fini par avouer. Il a donc eu une liaison avec une collègue, cela a duré quelques mois (je ne sais pas combien exactement). Nous avons beaucoup parlé au début, du pourquoi, du comment, de que faire maintenant. Je lui ai dit que je pardonnais à condition qu'il mette fin à cette liaison et que cela ne se reproduise pas (classique !). Il semble avoir pris sa décision : reconstruire avec moi (...) mais, depuis une quinzaine de jours (...) c'est physique, je me réveille avec une boule au ventre et elle me poursuit une bonne partie de la journée. Je suis dans la peur qu'il me quitte."

Que faire pour que la peur et la culpabilité ne déploient pas leurs litanies ? Comment réagir lorsque l’on réalise soudain que la personne avec laquelle on vit depuis des années vous ment sur son amour, sur son désir ? Pour le sexothérapeute, "le travail doit se faire à deux niveaux : retrouver l'estime de soi et remettre de la confiance et du désir au sein de la relation. Mais parfois, le ressentiment reste longtemps et les couples ont du mal à trouver des espaces de pardon qui soient réels et dynamiques." 

Mentir est une caractéristique si centrale de l’existence que mieux la comprendre éclaire presque toutes les affaires.
Paul Ekman, psychologue américain

Le mieux reste alors d’en parler ouvertement : "Il faut tenter de trouver (ou de retrouver) une possibilité de comprendre ce qui est en jeu dans ce mensonge. Et ne pas hésiter à faire appel à un thérapeute de couple qui sera impartial et pourra aider le couple à mettre du sens. A partir du moment où le mensonge a un sens, qu’il correspond à une difficulté relationnelle reconnue ou qu’il est l’expression d’un malaise profond, on peut refaire confiance." 

Et si, petit ou grand, le mensonge faisait au final plus de mal à celui qui ment qu'à celui à qui on a menti ? : "Mentir n’est pas grave en soi. En revanche, savoir pourquoi l’on ment me semble beaucoup plus efficace et preuve d’une prise en considération réelle des enjeux d’une relation", conclut le sexologue. Plus grave que de mentir à l'autre, il y a se mentir à soi-même donc. 


Romain LE VERN

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