INFODÉMIE - Alors que les cas de coronavirus en Europe ne cessent d'augmenter, il en va de même pour l'activité des groupes Facebook dédiés au sujet. Entre conseils et revue de presse s'y glissent aussi un bon nombre de fausses informations. Le chercheur Tristan Mendès France, spécialiste des cultures numériques, nous décrypte ce phénomène que l'OMS qualifie d'"infodémie".
"J'ai créé un groupe pour s'informer et échanger sur le coronavirus." C'est ainsi qu'un internaute résume les raisons qui l'ont poussé à lancer un groupe Facebook le 25 janvier dernier. Un mois après, son activité explose, si bien qu'il admet lui-même que sa création est désormais "polluée par des fake news et des rumeurs".
Alors, comment expliquer qu'encore ce mercredi, plus de 280 publications y ont été partagées ? Pourquoi les Français se ruent-ils sur ces groupes pour y lire des "témoignages" et des "actualités" en se détournant des médias ? Nous avons posé ces questions à Tristan Mendès France. Maître de conférences associé à l'Université de Paris, il est spécialisé dans les cultures numériques.
Les groupes Facebook, terrains de la suspicion
LCI : Comment expliquer ce phénomène de ruée vers les groupes Facebook?
Tristan Mendès France : Ce phénomène s'explique tout d'abord de façon assez basique, par le fait qu'il y a une défiance générale des Français envers les médias. On le voit, notamment dans les derniers sondages [71 % des Français n'ont pas le sentiment que les médias rendent "mieux et davantage compte" de leurs préoccupations, selon le dernier Baromètre annuel de La Croix, ndlr]. Dès lors, ils cherchent à se tourner vers des sources d'informations alternatives. Pour certains d'entre eux, le réflexe est donc de se rendre sur les plateformes sociales.
A cette explication s'ajoute la nature du sujet, qui est ici la santé. Il y a une certaine défiance envers le discours public sur la santé, qui pousse malheureusement beaucoup de gens à basculer sur les plateformes sociales. C'est un schéma semblable que nous avons observé lors de l'incendie de l'usine Lubrizol, mais aussi avec la question des vaccins. Tous les mouvements qu'on appelle "anti-vax" [les milieux antivaccinalistes, ndlr] pullulent et se développent essentiellement sur ces plateformes car les réseaux sociaux sont des accélérateurs de cette défiance de la parole d'autorité.
Enfin, ce qui est assez significatif sur ces espaces sociaux, c'est que la crédibilité du témoignage d'individus lambda prévaut. Ils sont supposés être plus sincères, et donc plus crédibles, que les discours provenant de sphères publiques ou de spécialistes. La parole d'experts soulève en effet des suspicions. On questionne cette parole, en supposant qu'il y a un agenda derrière ce discours.

LCI : Pourquoi "l’infodémie" se propage-t-elle essentiellement sur ces groupes ?
Le vrai problème, ce ne sont pas les plateformes en elles-mêmes mais le mélange des genres. Un groupe sur lequel il y de la veille, un travail du revue de presse, avec éventuellement des questions que chacun peut se poser entre eux, c'est parfaitement légitime ! Le problème, c'est lorsque toutes les paroles ont le même poids. Ces dérives, nous les trouvons aussi sur des plateformes comme doctissimo. Cet espace d'échanges peut devenir un espace de débat, ou la simple question soulève des suspicions. C'es le cas quand quand quelqu'un demande : "Et si le coronavirus était créé dans un laboratoire ?"
Ces groupes sont propices à la désinformation
Tristan Mendès France, maître de conférences associé à l'Université de Paris.
En plus, dans les groupes Facebook, le travail fait par les plateformes pour contrer les fausses informations est inutile. D'une part parce que le contenu dépend de la modération [gérée par les administrateurs du groupe, ndlr]. Et d'autre part parce que la population du groupe en elle-même est propice à ce types de fausses informations. Quand on se rend dans des groupes, c'est qu'il y a déjà un manque ou une posture de défiance. Les membres trouvent insuffisante l'information officielle, ou ont des doutes. De quoi en faire un terreau assez favorable à tous ceux qui veulent pousser des narrations alternatives.
LCI: Vous parlez de personnes désireuses de pousser des "narrations alternatives". Qui sont-elles?
Je pense qu'il y a différents types d'acteurs. Tout d'abord, des personnes convaincues par ce qu'elles lisent, qui ne savent simplement pas estimer et différencier la qualité des sources en ligne. Elles n'ont pas réellement d'intérêt à la publication de fausses informations. D'autres, par contre, peuvent avoir des agendas : ils sont soit idéologiques, soit économiques. Le premier permet de souffler sur les braises. En exagérant le danger du coronavirus, on alimente une idéologie de fermeture des frontières, par exemple. Certains milieux d'extrême droite peuvent donc pousser ces discours. D'autres peuvent être anti-système ou contre le gouvernement. Pour décrédibiliser l'action publique de l'Etat en place, ils mettent en doute toutes les paroles gouvernementales. Enfin, dans le second cas, il peut s'agir de promoteurs de thèses complotistes et conspirationistes. Ces individus cherchent alors simplement à se faire de l'argent. En profitant des craintes des individus, ils créent des contenus qu'ils partagent sur ces groupes afin de monétiser les venues sur leur site. Quoi qu'il en soit, c'est bien sur ce terreau de suspicion que tous ces acteurs prospèrent. Malheureusement, souvent, il y a peu de moyens pour les contredire.
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