MISE AU POINT - Il y a quelques jours, l'Académie nationale de pharmacie déclarait dans un communiqué que l'usage des pictogrammes de grossesse sur les médicaments était, selon elle, trop fréquente. Faut-il pour autant arrêter de s'y fier ? Nous avons posé la question à la chef de service du Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT).
Dans un récent communiqué, l'Académie nationale de pharmacie disait juger trop fréquente l'apposition de pictogrammes signalant le danger de certains médicaments pendant la grossesse. "À ce jour, 60 à 70 % des spécialités sont dotées de l’un de ces pictogrammes, alors que seules 10 % des spécialités disponibles sur le marché français devraient être concernées par une telle mesure en raison d’un risque embryonnaire ou fœtal avéré chez l’humain", estimait-elle.
Les pictogrammes spécifiant "Danger" ou "Interdit" ne sont apparus qu'en 2017, à la suite du scandale de la Dépakine. Pour autant, aucune liste officielle spécifiant quels types de médicaments sont concernés n'a été établie. "Maintenant, les fabricants ont tellement peur que pour se couvrir, ils apposent ces pictogrammes sur un nombre de spécialités tel que les femmes ne peuvent pratiquement plus se soigner", regrette auprès de LCI Liliane Grangeot-Keros, secrétaire perpétuel adjoint de l'Académie de pharmacie. Et d'ajouter : "C’est finalement le principe de précaution qui joue." Cela veut-il pour autant dire que les femmes enceintes ne devraient pas autant se méfier des médicaments de leur pharmacie ? Elisabeth Elefant, chef de service du Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT), nous répond.
Pictogramme ou pas, aucun médicament n'est inoffensif
Selon des remontées d'expériences de médecins de différentes spécialités, certaines patientes refusent de prendre des traitements prescrits à la vue des pictogrammes sur les boîtes, "alors qu'il n'est en réalité pas dangereux dans leur cas et leur est indispensable", affirme notre interlocutrice. "Cela inquiète à tort, et on peut le comprendre, les femmes enceintes".
Mais "dire qu’un médicament est absolument sans danger, même le paracétamol, n’est pas possible", explique celle qui est aussi membre de l'Académie nationale de médecine. "Il s'agit de substances chimiques destinées à soigner, ce ne sont pas des bonbons. Les médicaments possèdent des propriétés pharmacologiques, mais aussi des risques associés, et ce de façon systématique".
Lors de la prise d'un médicament, la balance bénéfices/risques entre toujours en jeu. Le médecin est donc chargé de choisir le plus sûr et le plus adapté à sa patiente et à sa condition, mais rares sont les médicaments qui ne peuvent absolument pas être prescrits pendant la grossesse. Ceux-ci sont listés sur le site du Crat. "Par exemple, dire qu'une femme enceinte ne peut pas prendre d'antibiotiques est archi-faux. Lors de leur grossesse, les femmes sont sujettes à de nombreuses infections qu’il faut absolument soigner, au risque que cela s’aggrave. Ces femmes sont susceptibles d’être malades comme tout le monde et nous n'allons pas les priver de traitement parce qu’elles sont enceintes", fait remarquer Elisabeth Elefant.
L'automédication pendant la grossesse à bannir
Lorsqu'une femme est enceinte, elle n'engage pas seulement l'intégrité de sa propre personne lors de la prise d'un médicament, mais aussi celle de son fœtus. Une substance pharmacologique passe en effet systématiquement le placenta, puis dans le sang du fœtus. Si l'automédication est déjà fortement déconseillée en temps normal, elle l'est donc d'autant plus lors de la grossesse. Et ce même avec des médicaments que l'on a l'habitude de prendre. "De principe, il faut toujours demander conseil parce que les médicaments anodins peuvent s’avérer dangereux pendant cette période. Si l'on possède une boîte depuis longtemps, il se peut aussi que la notice ait depuis été réactualisée avec de nouvelles préconisations concernant la grossesse", note la chef de service du Crat.
Bien que de nombreux médicaments soient évalués sur le site du Crat, celui-ci n'a pas vocation à servir de support d'automédication. "Nous avons souhaité qu’il soit accessible à tous afin que les patientes disposent de la même version que celle du corps médical, qui réalise son suivi. Comme ça, il n’y a pas d’inquiétude ou de phénomène de défiance", explique Elisabeth Elefant.
Interviewée par l'AFP, Marine Martin, la présidente de l'Apesac, association qui a œuvré pour la création d'un des pictogrammes de grossesse, estime quant à elle que le but principal de ceux-ci "est d'attirer l'attention de la patiente, pour qu'elle lise le contenu de la notice et, le cas échéant, pose des questions à son médecin".
Sur le
même thème
Tout
TF1 Info