"L'hôpital arrive à un point de rupture, ça craque de partout", alerte Rémi Salomon

par Charlotte ANGLADE
Publié le 7 avril 2022 à 17h18, mis à jour le 7 avril 2022 à 19h01

Source : JT 13h Semaine

Dans une série de tweets publiée ce jeudi, le président de la Commission médicale d'établissement (CME) de l'AP-HP, Rémi Salomon, alarme sur la situation critique du secteur hospitalier.
Interrogé par TF1info, il revient sur les multiples difficultés de l'hôpital et sur ses craintes pour les semaines à venir.
Il évoque aussi quelques mesures qui permettraient de faire rapidement baisser la tension.

Pour le gouvernement, le pic de la nouvelle vague de Covid-19 est désormais derrière nous. Pour l'hôpital cependant, le pire pourrait encore être à venir. Dans une série de tweets postés jeudi 7 avril, le président de la Commission médicale d'établissement (CME) de l'AP-HP, Rémi Salomon, alerte sur l'état de santé des services hospitaliers.

"Ce que vous voyez sur ces courbes Covid Tracker, c'est une vague moins importante à l'hôpital que la précédente. Ce que vous ne voyez pas, c'est la grippe et le reste, l'afflux important aux SAU (services d'accueil des urgences, ndlr.), l'épuisement des soignants. Les vagues passent et on s'use. Danger pour l'hôpital !!", écrit celui qui est aussi président de la Conférence des Présidents de CME des CHU de France. 

Il y a une usure qui s’opère au fil des vagues sur un hôpital.
Rémi Salomon, président de la CME de l'AP-HP

"Du fait de la vaccination contre le Covid-19, il y a moins de formes graves que lors des précédentes vagues, mais beaucoup de patients arrivent encore dans les services d’urgence", explique le professeur, soulignant aussi le grand nombre de patients hospitalisés ou de passage aux urgences en raison de la grippe. "Les gens sont se sont peut-être moins faits vaccinés et ont été moins immunisés lors des hivers précédents", soulève-t-il.

Si les vagues de Covid-19 comme de grippe devraient bientôt s'estomper, Rémi Salomon se dit malgré tout extrêmement inquiet pour l'hôpital. "Il y a une usure qui s’opère au fil des vagues sur un hôpital, qui n’était déjà pas très en forme avant la pandémie", assure-t-il. "Il y a eu les mesures du Ségur, mais elles ne suffisent vraiment pas et beaucoup de professionnels commencent aujourd’hui à jeter l’éponge", ajoute-t-il. "L'hôpital arrive à un point de rupture, ça craque de partout." 

En témoigne la situation du service des urgences de l'hôpital d'Orléans notamment, où plus de 90% des infirmiers et des aides-soignants sont en arrêt maladie. Lundi, seules deux infirmières et une seule aide-soignante étaient présentes dans le service contre, d'ordinaire, respectivement dix et sept. Face à ce manque de personnel, en grande souffrance, le centre hospitalier régional demande aux patients de ne venir, si possible, qu'en cas d'urgence vitale. 

Au-delà de la fatigue, il y a aussi le découragement et le sentiment de ne pas faire son travail comme il le faudrait.
Rémi Salomon, président de la CME de l'AP-HP

"Il y a plein de services d’urgence qui ne s’en sortent pas, les prises en charge des patients sont moins bonnes. On fait attendre les gens très longtemps sur des brancards. Et pour un soignant, au-delà de la fatigue, il y a aussi le découragement et le sentiment de ne pas faire son travail comme il le faudrait. C’est dur de laisser des personnes âgées sur un brancard dans un couloir des urgences pendant parfois plus de 24h, parfois 2 ou 3 jours", témoigne Rémi Salomon. 

À l'hôpital de Strasbourg, une enquête administrative a récemment été ouverte après le décès d'un homme atteint d'une hémorragie digestive, jeudi 17 ou vendredi 18 mars. Admis aux urgences, il avait attendu plus de 12 heures avant d'être pris en charge.

Il faut revoir beaucoup de choses.
Rémi Salomon, président de la CME de l'AP-HP

"Comme c’est la période des élections, on ne décide plus de grand-chose. Or, on ne tiendra pas jusqu'à la formation d'un gouvernement", soutient le professeur. Pour lui, "il faut revoir beaucoup de choses, mais dans l’urgence il faudrait commencer par revaloriser les salaires de nuit". "Les jeunes ne veulent plus travailler la nuit et les anciens s’épuisent."

De plus, déclare le président de la CME de l'AP-HP, "la permanence des soins ne peut pas être assurée par l’hôpital seul". Alors qu'il est difficile de trouver un médecin, en ville, à partir de 18h, il est selon lui nécessaire de revoir "les missions des uns et des autres" afin que tout ne retombe pas sur l'hôpital.

Rémi Salomon appelle enfin à faire "un effort sur les effectifs". "Il faut qu’on soit en nombre suffisant pour soigner. Une infirmière prend en charge douze patients, parfois plus. Alors que dans beaucoup d’autres pays, une infirmière ne prend en charge que six à huit patients."

Le 31 mars, un rapport du Sénat avait appelé à un "électrochoc" pour venir à bout de la "dégradation de la situation financière", des "effets pervers du mode de financement, de l'organisation interne et management" et de la "perte d'attractivité des carrières". Auditionné pendant la confection de ce document, Rémi Salomon se dit néanmoins dubitatif quant à ses possibles issues. "C’est intéressant à lire, mais il y a eu tellement de rapports que je ne suis pas sûr que ça va déboucher sur quelque chose", assène-t-il.


Charlotte ANGLADE

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