"L'implant était dans mon poumon droit" : une trentaine de femmes victimes de migration de leur contraceptif

Publié le 6 décembre 2019 à 11h28
"L'implant était dans mon poumon droit" : une trentaine de femmes victimes de migration de leur contraceptif
Source : Photo d'illustration JC Gellidon on Unsplash

CONTRACEPTION – Logés dans les bras des patientes, les implants contraceptifs Nexplanon ne sont pas censés bouger. Des femmes ont pourtant été opérées en urgence suite à la "migration" dans les poumons de leur implant. Les autorités de santé ont été alertées.

Article publié pour la première fois le 31 octobre 2019. Nous le republions ce 6 décembre alors que l'ANSM a annoncé des mesures pour limiter les risques lors de la pose d'implants contraceptifs Nexplanon.

"Je me suis fait poser un implant contraceptif en 2017, mais je ne l'ai pas du tout supporté", se souvient Alice, une jeune Francilienne. "Les saignements étaient continus, mon gynéco m'a alors demandé d'attendre six mois pour faire le point. Mais au bout de 4 mois, je n'en pouvais plus, et nous avons convenu de l'enlever." 

Comme environ un tiers des femmes , Alice n'a pas supporté la pose d'un implant, une situation en apparence ordinaire, jusqu'au moment où le praticien a souhaité effectuer le retrait. "Il a constaté que l'implant n'était plus dans mon bras, et il a fallu faire un scanner pour le retrouver." Des investigations qui mènent à un découverte surprenante : "L'implant était dans mon poumon droit."

Après deux opérations, le dispositif contraceptif (4cm de long, 2mm de diamètre) est finalement extrait, non sans mal. Des interventions lourdes, stressantes, qui laissent aujourd'hui encore des séquelles. "Je garde une cicatrice de 20 cm dans le dos, et une douleur sous le sein droit. Pour récupérer l'implant, il a fallu sectionner un nerf…"

Une erreur médicale lors de la pose

Comment expliquer qu'un petit implant, censé demeurer sous la peau au niveau du bras, se retrouve au niveau d'une artère pulmonaire ? "Apparemment, il aurait été placé directement dans la veine au moment de la pose", explique Alice. Quand il l'a appris, le gynécologue qui lui avait posé l'implant s'est montré "très choqué", se souvient Alice. Pour elle,  il s'agit d''une "d'erreur médicale". "J'ai fait une dépression suite à ça. Le laboratoire [qui produit les implants, NDLR] s'est déchargé de toute responsabilité lorsque je l'ai contacté. Pour lui, seul le praticien était concerné." 

Aujourd'hui, Alice considère qu'elle a évité le pire : la migration de son implant aurait en effet pu conduire à une ablation d'un poumon. Elle ne souhaite pas porter cette affaire en justice, mais considère qu'il est essentiel d'alerter au mieux les femmes, "pour qu'elles sachent que de telles situations peuvent arriver".

D'autres patientes ont été victimes de migrations de leurs implants. L'Avep, Association des victimes d’embolie pulmonaire et AVC, a ainsi publié le 29 octobre un communiqué pour alerter grand public et autorités de santé. Deux cas lui ont été signalés ; "des situations cauchemardesques" comme les décrit Florence Markarian, la présidente de l'association. "On a tenu à en parler publiquement", glisse-t-elle, même si "au niveau contraceptif, il n'y a pas de solution miracle, mais il faut pouvoir disposer du maximum d'informations."

L'ANSM saisie de ces dossiers

En France, un seul modèle d'implant est commercialisé, par le laboratoire MSD France. Contacté par LCI, ce dernier ne s'exprime pas sur les cas précis des victimes mais précise que "des programmes de formation clinique sont proposés aux professionnels de santé pour permettre un bon usage du produit". MSD assure rester "vigilant à la remontée d’effets indésirables" et indique déposer "régulièrement des rapports auprès de l’ANSM et d’autres organismes de régulation".

L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a en effet connaissance de ces cas de "migration". L'établissement publique nous indique qu'en 2016, "des premiers signalements de pharmacovigilance de migration de cet implant dans l’artère pulmonaire ont été rapportés", ils ont alors "conduit à la mise en place immédiate d’une surveillance renforcée de ce risque au niveau national et européen ainsi qu’à la mise en place de mesures de réduction du risque".

La première de ces mesures a été l'ajout "à la notice patient et dans le résumé des caractéristiques du produit" du risque de migration dans l'artère pulmonaire. "Une lettre a par ailleurs été envoyée en octobre 2016 aux prescripteurs (médecins généralistes, gynécologues et sages-femmes) dans le but d’informer sur le risque, les conduites à tenir et de rappeler les modalités de formation à l'insertion/retrait de l'implant. Cette missive précisait également qu'en cas d’implant non palpable au niveau du site d’insertion, une recherche est à effectuer dans l’ensemble du thorax du fait de la possibilité de migration en dehors du site d'insertion", complète l'ANSM. 

Pour compléter ces mesures, des "centres d’excellence à la pose et au retrait d’implant contraceptif", une dizaine en France, ont été créés. Ils ambitionnent de former au mieux les professionnels "volontaires à la pose". Dramatiques, ces incidents restent malgré tout très rares précise l'agence, qui fait état de 30 signalements à ce jour pour des cas de migration d'implants dans l'artère pulmonaire. 

La formation des praticiens en question ?

Maître de conférences et praticien hospitalier au CHU de Lille, Geoffroy Robin souligne qu'avec un implant contraceptif, "la problématique est de le placer vraiment sous la peau, et pas dans des zones plus profondes". Le gynécologue médical, par ailleurs président de la commission gynéco-médicale du Conseil national des gynécologues obstétriciens (CNGOF), rapporte que ce sont "généralement des problèmes lors de la pose" qui entraînent des migrations. 

Dès que l'implant est glissé sous la peau d'une patiente, "il faut bien le palper", insiste-il. "Si l'on ne parvient pas à sentir sa présence, il ne faut pas tarder à demander une échographie du bras, qui est très performante." Afin d'éviter que de tels cas soient détectés tardivement, il recommande que les praticiens et les sages-femmes – également habilitées à la pose d'implants –, n'hésitent pas à "montrer aux patientes" où ils se trouvent, "et à leur dire de régulièrement effectuer des palpations".

L'ANSM, pour l'heure, tient à rester prudente quant aux causes exactes qui conduisent à ces déplacements d'implants, ces dernières n'étant "pas établies". Des pistes sont néanmoins mises en avant :  "une insertion trop profonde au moment de la pose, directement dans un vaisseau sanguin", ou bien encore a posteriori, "soit à cause d'un choc ou de mouvements répétés ou à cause d'une particularité anatomique". Chaque année, environ 200 000 femmes ont recours à l’implant Nexplanon, un dispositif contraceptif dont l'efficacité est de trois ans. 


Thomas DESZPOT

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