Le Syndicat des professionnels de la naturopathie milite pour un encadrement plus strict de l'État et une régulation de cette pratique.Une demande qui intervient alors que sa popularité augmente depuis plusieurs années.Les Vérificateurs font le point sur ses bienfaits et ses dangers : un nouveau volet de notre série avec l'Inserm sur les médecines et pratiques "alternatives".
Le Syndicat des professionnels de la naturopathie (SPN) a lancé en ce début d'année un appel aux autorités. L'État, estime-t-il, doit réguler la profession, "agir vite" pour assurer sa reconnaissance et organiser la délivrance de "titres certifiés". La présidente de cette organisation l'assure, "il y a du ménage à faire", pointant notamment du doigt "des organismes de formation qui ne sont pas assez exemplaires sur l’éthique" associée à ce métier. Il s'agit entre autres de répondre à une série de polémiques et d'affaires judiciaires récentes qui entourent la naturopathie et nuisent à son image, suscitant la défiance chez le grand public.
Pour mieux comprendre l'essor de la naturopathie, ses fondements et ses limites, les Vérificateurs poursuivent aujourd'hui leur série sur les médecines et pratiques dites "alternatives". Un nouvel épisode après ceux dédiés au jeûne et au crudivorisme.
La naturopathie, comment la définir ?
La Fédération française de naturopathie propose une définition de cette pratique. Elle s’appuie, apprend-on, sur les "lois de la vie", dans le but "d’équilibrer le fonctionnement de l’organisme, d’optimiser la vitalité et de retrouver, de maintenir ou de renforcer la bonne santé". Une présentation assez floue, qui n'en dit pas plus sur les "lois de la vie" dont il est question. D'autres sources évoquent quant à elles, un "art de rester en bonne santé, d’être acteur de sa santé, de prendre soin de soi, par des moyens naturels".
Si la description faite de la naturopathie reste assez vague, c'est en partie car elle n'a rien d'uniforme. "On ne peut quasiment pas en parler tellement c’est varié", glisse le professeur de santé publique Bruno Falissard. Directeur d'un centre de recherche de l'Inserm en épidémiologie, il met en avant un raisonnement assez simple, sur lequel s'appuie la naturopathie dans son ensemble. "Puisque les maladies présentent des causes naturelles et que l'humain s'inscrit dans la nature, l'idée est de trouver dans la nature des remèdes". Il constate que cette vision s'accompagne souvent d'une défiance "envers la chimie", c'est-à-dire aux médicaments qui sont mis au point et fabriqués par les industries pharmaceutiques. Notons que les naturopathes affichent régulièrement plusieurs "spécialités" associées. Un large éventail de pratiques parmi lesquelles on retrouve pêle-mêle la réflexologie, la sophrologie ou la relaxologie. Le syndicat des professionnels de la naturopathie précise même sur son site qu'il accepte "sans distinction" les "esthéticiennes" ou les "coachs sportifs".
Des origines très anciennes ?
La naturopathie puise ses racines, selon ses promoteurs, "dans l’enseignement d’Hippocrate", plusieurs siècles avant Jésus-Christ. "Structurée au XIXᵉ siècle avec le courant hygiéniste", elle s'est développée conjointement aux États-Unis et en Europe, en particulier en Allemagne, où l'influence de la Lebensreform a accompagné son expansion. Un mouvement critique de l'industrialisation et de l'urbanisation dans lequel la naturopathie s'est facilement inscrite, prônant une forme de retour à la nature et l'utilisation thérapeutique de ses multiples ressources.
Si on estime aujourd'hui à environ 6000 le nombre de naturopathes en France, on observe depuis plusieurs années déjà son essor. Pour Bruno Falissard, "ce succès tient en partie au fait que l'Homme se rend compte qu'il n'est pas à l’aise avec la nature. Il la maltraite, voit se réduire la biodiversité et le climat se transformer. À cela s'ajoutent les problèmes de santé liés à la malbouffe, au tabac ou à l'alcool..." La sédentarité ou l'exposition croissante aux écrans ont contribué à faire évoluer quotidien, dans une société qui "met en avant ce qui nous fait plaisir", en matière de nourriture notamment. C'est-à-dire "le gras, le sucre, le sel", résume le spécialiste de l'Inserm. La naturopathie, dont un volet important concerne l'alimentation, cherche ainsi à répondre aux enjeux que posent nos modes de vie.
Est-ce que ça marche ?
Lorsqu'il s'agit d'évoquer l'efficacité de la naturopathie, tout se complique. "Il n’y a pas de données", tranche Bruno Falissard. "On ne sait pas qui est naturopathe, qui va les voir... Et au bout du compte, on manque d’enquêtes transversales qui évalueraient l'efficacité de ces pratiques." Scientifiquement, il est donc impossible de répondre. Puisqu'il n'existe en France aucun encadrement de cette profession et que tout un chacun ou presque peut se réclamer naturopathe, le flou demeure. "Le pire, c'est quand vous souhaitez aller consulter quelqu’un : vous n’avez jamais la moindre idée de qui vous aurez en face", poursuit l'expert. Il plaide pour que l'on "réunisse les gens autour d’une table" afin de pouvoir organiser et réglementer la profession. "D’abord on définit, ensuite on étudie", résume-t-il, tout en glissant qu'aucune étude n'a mis en avant d'éventuels bienfaits de la naturopathie. Pas plus reconnue qu'encadrée, cette médecine "alternative" n'est aujourd'hui pas remboursée par la Sécu.
Les dérives se multiplient
L'été dernier, l'une des figures de la naturopathie en France était au cœur d'une polémique, accusée de faire la promotion de soins assimilés à des "agressions sexuelles sur mineurs". Plus récemment, à la mi-janvier 2023, le naturopathe Éric Gandon s'est retrouvé dans le viseur de la justice. Connu en ligne pour sa chaîne YouTube, qui compte plus de 70.000 abonnés, ce fervent défenseur du jeûne a été mis en examen pour abus de faiblesse, homicide involontaire, mise en danger de la vie d’autrui et exercice illégal des professions de médecin et pharmacien. Avec son fils, également poursuivi, il organisait de stages/cures facturés "plusieurs centaines, voire milliers d'euros". Rien de répréhensible en apparence, à ceci près que deux personnes sont décédées des suites de leur participation à ces séjours. Les victimes, qui souffraient toutes deux d'un cancer, sont suspectées d'avoir subi une forme d'emprise, et d'avoir été détournées de traitements conventionnels qui auraient pu les soigner.
La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) met en avant dans son rapport annuel les très nombreux signalements reçus au sujet de naturopathes, ainsi que des dérives qui sont associées à leurs activités. Des noms comme ceux de Thierry Casasnovas sont notamment cités, par ailleurs promoteur du crudivorisme et poursuivi par la justice. De manière générale, la Miviludes rapporte que 70% des saisines concernent "les pratiques
de soins non conventionnelles telles que la naturopathie". Le SPN, qui se fait la voix de la profession, est conscient des dérives : "Nous voulons réguler, organiser, écrémer, c’est une urgence", lance sa présidente.
Un rejet de la médecine en toile de fond ?
Partisan d'un encadrement rigoureux de la naturopathie, Bruno Falissard, estime que sa popularité traduit pour partie une défiance vis-à-vis de la médecine dite "conventionnelle", reconnue par les autorités. Un mouvement similaire a été observé avec les "antivax", très méfiants par rapport aux vaccins contre le Covid, tandis que fleurissent les discours qui dénoncent l'influence de "Big Pharma" et la corruption dont les géants de l'industrie pharmaceutique se rendraient coupables.
Le professeur de santé publique rappelle que malgré la popularité de la naturopathie, celle-ci ne doit pas aboutir à des discours manichéens et simplistes, "revenant à dire que la nature c'est bien et que la chimie c'est mal". Il suffit en effet de se souvenir de "l’espérance de vie il y a plusieurs siècles", conclut-il : "Alors qu'on mangeait bio et faisait beaucoup d'exercice", mais cela n'empêchait pas les populations de succomber massivement aux infections, épidémie et autres maladies qui circulaient. De maux que les médicaments et autres vaccins ont contribué à combattre et parfois à éradiquer.
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