La pandémie de Covid-19, une bombe à retardement pour les malades du cancer

Publié le 4 février 2021 à 18h11

Source : TF1 Info

ÉTATS DES LIEUX - Un an après l'apparition du Covid-19, les malades du cancer apparaissent comme des victimes collatérales de l'épidémie. Du nombre de diagnostics tardifs aux retards de soins en passant par la surmortalité estimée pour les années à venir, les chiffres sont éloquents.

De l'avis des spécialistes, il n'a jamais été aussi pertinent de mettre l'accent sur le dépistage et la prise en charge du cancer qu’au milieu de cette pandémie. Si la pathologie est en France la première cause de mortalité chez les hommes et deuxième chez les femmes, le Covid-19 pourrait bien alourdir ce terrible bilan dans les prochaines années. Déjà, des patients non diagnostiqués ou sur le tard au cours de l'année écoulée, mais aussi d'autres sous traitement, apparaissent comme des victimes collatérales de cette crise sanitaire.

Combien sont-ils en France à "payer le prix" de l'épidémie ? Le retard accumulé au diagnostic peut-il encore être rattrapé ou sera-t-il fatal ? Les chiffres, qui viennent appuyer les cris d'alarme des associations en cette Journée mondiale contre le cancer, font guise d'électrochoc.

"100.000 cancers n'ont pas été diagnostiqués"

La crise du Covid-19 aura des "conséquences considérables" sur la prise en charge des malades du cancer, dont beaucoup n'ont pas été dépistés en 2020, présage le généticien Axel Kahn, président de la Ligue contre le cancer. "Il y a eu un recul de 23% des diagnostics de cancers en 2020, ce qui veut dire que pratiquement 100.000 cancers n'ont pas été diagnostiqués", a-t-il affirmé ce jeudi sur Europe 1. Or rappelle-t-il, "plus un cancer est détecté tôt, plus il est guéri efficacement". Dans le cas de certaines campagnes de dépistage, comme la lutte du cancer du sein et celui du colorectal, un diagnostic précoce est "guéri dans l'immense majorité des cas" à condition, qu'il soit "pris très tôt pour être éradiqué". 

Rien qu'entre mars et avril, Jean-Yves Blay, le président d'Unicancer, pointe, lui, une "baisse du nombre de nouveaux cas diagnostiqués, de l'ordre de 20 à 50 %" qu'il explique, entre autres, "par la réticence de certains malades du cancer à consulter un médecin par peur du Covid-19, ainsi que par la fermeture de certains cabinets. "

34% de patients concernés par des retards de soins

Mais indépendamment du dépistage, le Covid-19 a eu et continue d'avoir un impact important sur la prise en charge du cancer. Celui-ci étant un facteur supplémentaire de risque face au virus, certaines interventions ont notamment été reportées pour protéger les patients du risque d'infection. "Les malades ont subi d'importants retards de traitements par chimiothérapies et radiothérapies", confirme le professeur Franck Griscelli à l'association Vaincre le cancer. Selon une enquête menée par l'Observatoire sociétal des cancers en novembre 2020, 28 % des patients interrogés ont rencontré des difficultés d'accès à des soins, et 34 % ont été concernés par le report ou l'annulation d'une consultation médicale. 

Entre 3.000 et 8.000 vies perdues ces 5 prochaines années

Si les dépistages systématiques ont repris, "il n’y a jamais eu de rattrapage des dépistages qui n’ont pas été faits", souligne par ailleurs le professeur Kahn estimant que le retard sera quoiqu'il arrive fatal.  "Les conséquences en termes de vies perdues sont considérables", prévient-il. "Selon les appréciations, il y aura entre 3.000 et 8.000 vies perdues dans les cinq années à venir, parmi les gens qui n’auraient pas dû mourir", détaille-t-il, évoquant un fardeau "insupportable" pour les patients concernés, dont les pathologies "n'ont pas pu être dépistés et traitées à temps". 

Selon Unicancer, ce sont entre 1.000 et 6.000 Français supplémentaires qui pourraient mourir du cancer à cause du Covid-19 dans les années à venir. "Le pronostic d’un cancer est en grande partie lié à la taille de la tumeur au diagnostic initial et donc, plus le diagnostic est fait tôt, meilleur est le pronostic", insiste à son tour le chirurgien Rémy Salmon, expert du cancer du sein, auprès de l'Obs. Et de clarifier : "un 'retard' au diagnostic initial permet à la tumeur de progresser et, par conséquent, impacte le traitement et le pronostic (...) le retard pris au diagnostic initial ne se rattrape pas".

Partant d'une bases de données canadienne portant sur 1,27 million de patients, un article du British Medical Journal, estimait dès novembre qu'un retard de quatre semaines pour débuter un traitement engendrerait dix décès supplémentaires, un retard de huit semaines 20 décès supplémentaires et 31 en cas de retard de douze semaines.


Audrey LE GUELLEC

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