ÉPIDÉMIE - Appliquée en Nouvelle-Zélande ou en Chine, la méthode consistant à réduire à néant les contaminations par des mesures strictes et localisées sur un temps court pose question en Europe.
Et si vivre avec le virus n’était pas une fatalité ? Les Européens, touchés par une deuxième vague épidémique qui n’en finit pas, ont peu de signes d’amélioration à l’horizon, si ce n’est la vaccination qui commence à trouver son rythme de croisière. Les confinements se succèdent, les mesures se prolongent et face à la menace des variants, 2021 semble aussi peu réjouissant que 2020. Pourtant, selon certains spécialistes, une autre voie est possible : "Viser l’objectif 'zéro Covid' constitue un moyen clair de traverser la pandémie en minimisant les dégâts. L’Europe ne peut pas laisser passer l’occasion et doit tirer parti de sa puissance et de son unité."
Dans une tribune publiée le 15 février dans Le Monde et dans la presse étrangère, des scientifiques et des économistes plaident pour un changement radical de stratégie sur le Vieux Continent. Plutôt que de faire la balance entre vie économique et sécurité sanitaire en prenant des mesures durables et a minima, il vaudrait mieux, selon eux, frapper vite et fort là où des nouveaux malades du Covid-19 sont détectés. Et ainsi réduire à zéro les contaminations plutôt que de les diminuer le plus possible.
Dans une autre tribune, publiée mercredi 3 mars, toujours par le journal du soir, la maire de Paris Anne Hidalgo s'est, elle aussi, prononcée en faveur d'une stratégie "zéro Covid" qui "doit être menée au niveau de l'Union européenne" en évitant le recours au confinement selon elle. "Nous avons huit semaines devant nous pour accélérer drastiquement la vaccination et notre immunité collective et engager une stratégie 'zéro Covid' en évitant des confinements. Travaillons en concertation et donnons-nous rendez-vous en mai pour préparer l'avenir. Les premiers résultats nous permettront alors de mettre en œuvre une stratégie 'zéro Covid' pour reprendre le cours normal de nos vies", écrit l'élue socialiste.
Des confinements de quelques jours à Auckland
La stratégie dite "zéro Covid" doit passer par trois mesures, argumentaient les signataires du texte publié mi-février : "la vaccination, l’instauration de zones vertes, et un renforcement des modalités de dépistage et de traçage, y compris par le recours aux nouvelles technologies". Elle a été théorisée notamment par un groupe d’experts allemands sous l’étiquette "No Covid" ou avant cela par l’épidémiologiste néo-zélandais Michael Baker, qui a pu l’appliquer dans son propre pays. En Nouvelle-Zélande, qui dénombre 25 morts depuis le début de l’épidémie pour 5 millions d’habitants, la vie normale est la règle et les restrictions sont l’exception.
Auckland, ville la plus peuplée du pays, a connu trois confinements, à chaque fois plus courts : sept semaines au printemps 2020, deux semaines cet été et puis trois jours depuis le 15 février. Ce dernier confinement a été décidé la veille pour le lendemain suite à la découverte de seulement trois nouveaux cas dans la ville, dont deux du variant anglais, et sera levé le 17 février au soir. Dans le pays, il suffit de peu pour que le niveau d’alerte sanitaire soit relevé. Dans ce cas, le dépistage est massif et le traçage des cas-contact est rapide grâce à l’application Bluetooth que "quasiment tout le monde utilise", nous confie Matthieu F, expatrié français à Auckland.
Un objectif qui parait lointain en Europe
Mais la Nouvelle-Zélande n’est pas seule à avoir "battu le virus", comme se félicitait la Première ministre Jacinda Ardern en octobre dernier. Sa voisine l’Australie, mais aussi la Chine ou encore le Vietnam appliquent eux-aussi avec succès la méthode "zéro Covid". Alors, si la stratégie porte ses fruits dans plusieurs pays, pourquoi ne pas l'appliquer en Europe ?
Tandis que certains la brandissent comme la solution miracle, d’autres sont plus sceptiques, arguant que la situation de ces pays n’est pas transposable chez nous. "Ce serait plus difficile en Europe", avance ainsi le Pr Archie Clements auprès de l’AFP. Selon cet épidémiologiste australien, plusieurs raisons font que les Européens ne vaincront pas l’épidémie de cette manière : "La mobilité bien plus importante en Europe, la densité de population des villes bien plus élevée, la dépendance de l’économie européenne aux voyages transfrontaliers et le fait que l’Europe est une destination de voyage majeure". Le simple fait que l’Australie et la Nouvelle-Zélande soient des îles faciliteraient l’isolement et donc le contrôle du virus, précise le Pr Clements.
De plus, l’objectif "zéro Covid" semble bien loin des préoccupations de l'Europe, encore confrontée à une circulation importante du virus. Lorsque la France dénombre en moyenne 21.000 nouveaux cas par jour (au 28 février), l’Espagne assiste à une baisse, mais se situe encore à quasiment 10.000 nouveaux malades chaque jour et l’Allemagne, qui connait aussi une décrue, ne descend pas en dessous des 7000 nouveaux malades quotidiens.
Le "zéro Covid", une stratégie manquée ?
Autre argument opposé aux partisans du "zéro Covid" : des confinements stricts et localisés coûteraient trop cher. En France par exemple, malgré le "quoi qu’il en coûte" prôné par le gouvernement en mars dernier, le choix a été fait de maintenir une activité pendant la deuxième vague, avec un confinement allégé sur de nombreux points comme les écoles. "Le zéro Covid n’est pas compatible avec les droits et libertés individuels qui caractérisent les démocraties d’après-guerre", souligne le Pr François Balloux de l’University College de Londres, à la BBC. L’enjeu pour les pays européens serait donc de "garder une longueur d’avance sur le virus", tout en conservant une vie économique et sociale.
Et puis, face à la propagation de nouvelles souches du virus, n’est-il pas déjà trop tard ? C’est ce que pensent certains spécialistes. Le Pr Antoine Flahault, directeur de l’Institute of Global Health en Suisse, considère auprès de l’AFP que "l’Europe a manqué l’occasion d’adopter une stratégie de type 'zéro Covid' à la fin du premier confinement" et a "préféré profiter de l’été" en dépit du contrôle du virus. Signataire de la tribune du Monde, l’épidémiologiste pense toutefois que le combat n’est pas perdu pour autant, se disant convaincu que "plusieurs pays européens arriveront à une décrue épidémique notable dans quelques semaines et devront bien se poser la question" du "zéro Covid", appelant ainsi à ce que "nos démocraties ouvrent un véritable débat", pour éviter de "répéter les erreurs passées".
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