La Suède fait-elle vraiment "machine arrière" dans sa gestion du Covid-19 ?

Publié le 20 novembre 2020 à 7h10
La Suède reste fidèle à sa stratégie et n'envisage pas de confiner sa population.
La Suède reste fidèle à sa stratégie et n'envisage pas de confiner sa population. - Source : ERIK ABEL / TT NEWS AGENCY / AFP

PERSISTANCE - L'annonce ces derniers jours de mesures plus restrictives par les autorités suédoises est parfois décrite comme une évolution majeure. Pour autant, le pays scandinave se refuse toujours à confiner sa population ou à imposer le port du masque. Et reste globalement fidèle à sa stratégie.

Le 16 novembre, le Premier ministre suédois Stefan Löfven annoncé lors d'une conférence de presse que les rassemblements de plus de 8 personnes seraient désormais interdits. Une décision qui prendra effet le 24 novembre, pour une durée théorique d'un mois. Le chef du gouvernement a qualifié cette mesure de "très intrusive" et de "sans précédent", mais "nécessaire". 

Présentée comme un modèle à part dans sa gestion de l'épidémie depuis le mois de mars, la Suède a connu une forte hausse des contaminations et franchi la barre des 6.000 morts, un total conséquent pour un pays de 10,2 millions d'habitants. Les médias français se sont assez largement fait écho de ces dispositions plus restrictives, n'hésitant parfois pas à affirmer que la Suède "se rend compte que sa stratégie ne fonctionne pas" et "fait marche arrière". Lorsque l'on observe les décisions gouvernementales, on constate pourtant qu'il faut nuancer très largement cette analyse, puisque la population dispose encore aujourd'hui d'une grande liberté et ne fait pas face à des autorités coercitives.

Aucun confinement à l'horizon

Alors que la 2e vague touche toute l'Europe et que de nombreux pays reconfinent leur population, la Suède se distingue. Enfermer la population n'est pas à l'ordre du jour, malgré le tour de vis annoncé par le Premier ministre. Si cette limitation à huit personnes maximum est vécue comme une évolution majeure, il convient de souligner que les restrictions sont moins marquées qu'ailleurs.

L'ambassade de France souligne que l'abaissement de la jauge concerne "tout évènement qui requiert une autorisation (manifestation, rassemblement politique, etc.)", mais également les conférences, les évènements sportifs, les rassemblements religieux ou les évènements culturels (théâtre, concert, cinéma, etc.). "La limite maximale de huit personnes ne doit pas être interprétée comme signifiant qu'un dîner pour huit est acceptable", indique le média Svenska Yle. "Ne pas aller au gymnase, ne pas aller à la bibliothèque, ne pas organiser de fêtes à la maison, pas de dîners, voilà le sens du message adressé aux Suédois", résume-t-il.

Alors que les déplacements sont déconseillés et que le télétravail demeure très largement encouragé, la ministre des Affaires sociales Lena Hallengren a aussi pris la parole. "N'excusez pas la négligence, ne cherchez pas les échappatoires", a-t-elle déclaré, s'adressant aux citoyens qui chercheraient à contourner les règles. 

Quoi qu'il en soit, "les restaurants, salles de sport, piscines, bibliothèques, centres commerciaux ne sont pas concernés par cette limitation", signe que l'activité se poursuit. L'ambassade note en revanche que des "restrictions locales dans de nombreuses région ont entraîné la fermeture des bibliothèques, piscines et salles de sport communales (ou ouverture restreinte)". Notons aussi que ce jeudi, des interdictions de visites dans les maisons de retraites ont été de nouveau rendues possibles à l'échelle régionale, alors qu'elles avaient été levées en octobre.

Covid-19 : revirement de stratégie en Suède ?Source : JT 20h Semaine

De fortes incitations

Plutôt que de fixer des règles strictes et de menacer de sanctions en cas de leur non-respect, les autorités ont misé sur l'auto-discipline. Ainsi, de multiples recommandations restent en vigueur : limiter les contacts avec ses proches, éviter de faire les boutiques pour des achats non urgents, ne pas se rendre dans des lieux qui accueillent du public... L'AFP note qu'à Stockholm ou dans le reste de la Suède, ces recommandations "ont valeur de règles mais ne sont pas assorties de mesures coercitives ni de sanctions"

"N’allez pas à la gym, ni à la bibliothèque, n’organisez pas de dîner, ni de fête à la maison", a demandé le Premier ministre. "Si nous faisons des sacrifices communs, nous sauverons des vies", a pour sa part lancé le ministre de l'Intérieur Mikael Damberg. Pour limiter les rassemblements, les autorités avaient annoncé début novembre interdire la vente d'alcool à partir de 22 heures. 

Avec des commerces ouverts, des écoliers qui se rendent en classe et une liberté de circulation maintenue, le royaume scandinave n'a donc pas totalement chamboulé sa ligne de conduite. La correspondante du Monde résume la situation en expliquant que la Suède "adopte un « lockdown lagom », terme utilisé pour décrire le caractère suédois, qui veut dire « ni trop ni trop peu »". Elle précise également que le port du masque n'est toujours pas recommandé par les autorités sanitaires. Tout juste le Premier ministre a-t-il fait remarquer "qu’il n’était « pas interdit » dans les transports en commun".

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Thomas DESZPOT

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