Le four micro-ondes est-il néfaste pour la santé ?

par Charlotte ANGLADE
Publié le 10 septembre 2018 à 10h36, mis à jour le 19 décembre 2022 à 14h03

Source : Sujet TF1 Info

Le micro-ondes est largement implanté dans nos cuisines depuis une trentaine d'années.
Il fait pourtant toujours l'objet de méfiance concernant ses effets sur la santé.
On démêle le vrai du faux avec un physicien.

Avec son plateau tournant et son doux vrombissement, il fait partie intégrante de notre quotidien. Inventé après la Seconde guerre mondiale et populaire depuis les années 90, le four à micro-ondes a su s'imposer comme un élément indispensable dans nos cuisines. Mais alors que près de 90% des foyers français en possèdent un à l'heure actuelle, cet appareil simple et rapide d'utilisation est toujours soupçonné par bon nombre d'entre nous d'avoir des effets néfastes sur la santé. Faut-il continuer à l’utiliser ? Vaut-il mieux s’en éloigner lorsqu’il est en marche ? Jean-Michel Courty, physicien et professeur de physique à Sorbonne Université, répond à nos questions pour savoir s’il est, oui ou non, objectum non grata dans notre cuisine.

Un aliment tout aussi transformé qu'avec un autre mode de cuisson

Le four à micro-ondes utilise des ondes radio de haute fréquence, produites par un tube électronique appelé magnétron. Ces ondes, totalement réfléchies par les parois en métal, sont en revanche absorbées par les molécules d’eau qui composent nos aliments ou nos boissons. Réagissant à ce champ électrique qui change de direction un milliard de fois par seconde, celles-ci se mettent à pivoter sur elles-mêmes et entrent en collision avec leurs voisines. "C’est la même chose que lorsque vous avez des valseurs sur une piste de danse un peu encombrée : si vous tournez vite et que vous entrez en collision avec un couple qui est à côté, vous avez tendance à le projeter", explique Jean-Michel Courty, co-auteur du livre "En avant la physique !". C'est cette agitation qui créé finalement la chaleur recherchée.

Mais alors, une nourriture dont les molécules ont été agitées par des ondes radio est-elle dénaturée, transformée ? "Quand vous faites cuire quelque chose, quel est votre objectif ? Ce que vous voulez, c’est transformer votre aliment. Donc bien sûr que l’aliment est transformé lorsque vous placez votre aliment au micro-ondes !", répond le physicien. Pour autant, explique-t-il, la transformation d'un aliment cuit au micro-ondes n'est aucunement différente d'un aliment cuit au four ou à la casserole. Celle-ci dépend uniquement de la température à laquelle est chauffée la nourriture. Ainsi, un aliment cuit à 100 degrés au four, à la casserole ou au micro-ondes aura subit les mêmes transformations chimiques. 

"La seule différence, c’est la façon dont les différentes parties de l'aliment sont cuites. Lorsque vous placez un rôti dans un four, la surface, qui va être chauffée par l'air et le rayonnement infrarouge, va être très marron, craquelée et un peu grillée, et vous allez avoir l'intérieur plus saignant. Si vous mettez le même rôti dans un four à micro-ondes, vous allez avoir une cuisson uniforme car le micro-ondes a la particularité de chauffer et de cuire toutes les parties de l'aliment de la même manière", indique Jean-Michel Courty.

Le four à micro-ondes, garant d'une bonne conservation des nutriments

Le seul "danger" qui puisse guetter votre assiette est la perte de la qualité nutritionnelle des aliments chauffés. Mais, comble pour les phobiques du four à micro-ondes, celui-ci représenterait en fait l'une des meilleures options pour préserver au mieux les nutriments. "Si vous cuisez à l’eau, le problème c’est que les bons nutriments vont aller dans l’eau de cuisson. D’où l’intérêt de cuire à la vapeur… ou au micro-ondes !" Les antioxydants, qui préviennent du vieillissement prématuré de la peau ou encore de certaines maladies comme le cancer, vont, eux, être détruits en partie. Mais en même proportion qu'avec une cuisson à la vapeur ou à l'eau, assure le physicien.

Quand l'appareil est éteint, il n’y a plus de micro-ondes ni dans le four, ni dans la nourriture
Jean-Michel Courty, physicien

Aucun danger non plus de la part des ondes qui ont servi à chauffer votre plat une fois celui-ci sorti, assure Jean-Michel Courty. "Quand l'appareil est éteint, il n’y a plus de micro-ondes ni dans le four, ni dans la nourriture. C'est comme lorsque vous éteignez votre téléphone : il n’émet plus", donne pour exemple celui qui est aussi professeur à la Sorbonne. Dans un document spécialement dédié à l'appareil électro-ménager, l’Organisation Mondiale pour la Santé (OMS) insiste également sur ce point : "Il est important de prendre conscience que la nourriture cuite dans un four à micro-ondes ne devient pas 'radioactive'". Autrement dit, vous n’avez aucun risque de vous irradier le corps en mangeant de la nourriture chauffée au four à micro-ondes.

Le scientifique avertit en revanche sur un risque réel : celui de l'ébullition tardive. Les parois des récipients n'étant pas chauffées par les micro-ondes, elles n'offrent aucune accroche aux bulles de vapeurs pouvant se former lors d'une ébullition. Mais le moindre élément s'introduisant dans le liquide chauffé quelques secondes après sa sortie du micro-ondes, comme un carré de sucre, permet à ces bulles de se former, entraînant une ébullition tardive susceptible de faire déborder le liquide de son contenant et de vous brûler. "S’il faut attendre une trentaine de secondes avant de manger ou de boire un aliment qui sort du micro-ondes, c’est à cause de ce type de phénomène qui reste, en pratique, très rare", explique Jean-Michel Courty.

Quand contenants en plastique et chaleur ne font pas bon ménage

Attention en revanche à ne pas placer vos aliments dans des contenants inappropriés pour les faire chauffer au micro-ondes (c'est aussi valable pour une cuisson au four ou encore à la casserole). Évitez par exemple absolument les boîtes de conservations et autres plats en plastique, qui peuvent relâcher des substances toxiques tels que des perturbateurs endocriniens sous l'effet de la chaleur. Si vous n'avez pas d'autre choix, assurez-vous au moins que le plastique soit le plus sûr possible en vérifiant qu'il comporte les chiffres 2, 4 ou 5, entouré d'un triangle. Les récipients portant le chiffre 7 contiennent du Bisphenol A, un perturbateur endocrinien désormais interdit à la vente en France, mais qui peut toujours être en circulation. "Si vous en avez, ne vous en servez pas", avertit l'UFC-Que Choisir sur son site.

Approcher un micro-ondes en marche ? Pas dangereux non plus

D'autres craintes concernent le fait d'approcher un micro-ondes en marche. Là encore, les risques seraient en fait inexistants pour un four en bon état, bien que les fuites soient possibles. Plusieurs pays et institutions comme la Commission électrotechnique internationale (CEI) et le Comité européen pour la normalisation électrotechnique (CENELEC) ont fixé une limite d’exposition à "50 watts par mètre carré en n’importe quel point distant de 5 cm des surfaces extérieures du four", indique l'OMS, qui précise qu'en pratique, ces émissions sont "considérablement en-dessous de cette limite internationale".  "Cinquante watts, ce n’est pas beaucoup, estime Jean-Michel Courty. Quand vous êtes au soleil sur la plage l’été, vous vous prenez 1.000 watts par mètre carré d'énergie solaire." 

Ces niveaux de radiation, loin de ceux auxquels des dommages corporels ont été observés chez l'humain, diminueraient de plus rapidement avec la distance. "Par exemple, une personne située à 50 cm du four ne reçoit qu’environ un centième de l’exposition d’une personne qui serait située à 5 cm", déclare l'OMS.

Ce n’est pas comme avec les téléphones portables pour lesquels on a moins de recul
Jean-Michel Courty, physicien

"Sachant que le micro-ondes a commencé à se développer dans les années 70-80, nous en sommes tout de même à 40 ans d'utilisation intensive. S’il y avait des vrais soucis de santé publique causés par le micro-ondes, les statistiques l’auraient montré. D'autant que cette utilisation n’a pas été uniforme au sein des populations, ce qui offre la possibilité de faire des comparaisons entre ceux qui l’ont utilisé ou pas. Et là-dessus, il n’y a aucun effet mis en évidence. Ce n’est pas comme avec les téléphones portables pour lesquels on a moins de recul", conclut le physicien.

Quelques associations, comme le Centre de recherche et d’information sur les rayonnements électromagnétiques (Criirem), reprochent tout de même à la communauté scientifique de ne pas avoir assez mené d'études sur le sujet. "Par rapport à l'alimentation, nous n'avons absolument aucune donnée qui nous permette de dire si c'est dangereux ou pas", note  Catherine Gouhier, la présidente du Criirem. "Deuxième chose : le four à micro-ondes émet des rayonnements dans un rayon de 2,5 mètres autour du four lorsqu’on est à pleine puissance. Il y a, certes, une norme d'émissions maximales, mais elle ne prend en compte que les effets à court terme. Il n'y a aucune norme concernant le long terme, alors que l'OMS a placé ce type de rayonnements dans la catégorie des agents physiques potentiellement cancérigènes". Pour éviter de prendre des risques inutiles, elle conseille de placer son micro-ondes dans une zone éloignée des lieux de vie, tels que dans le garage ou l'arrière-cuisine.


Charlotte ANGLADE

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