SANTÉ - La ministre de la Santé Agnès Buzyn a dévoilé ce lundi douze mesures destinées à remédier à la crise qui secoue les urgences des hôpitaux depuis plus de six mois. 750 millions d'euros ont été débloqués pour appliquer ce plan prévu sur trois ans.
Comment remédier à la crise des urgences ? Ce lundi, la ministre de la Santé a présenté son plan d’action. A l'issue d'une réunion avec des représentants des personnels, des dirigeants hospitaliers, des syndicats de médecins libéraux et le collectif Inter-Urgences, Agnès Buzyn a dévoilé douze mesures censées réformer les services d'urgences sur trois ans, pour un budget de 750 millions d'euros.
- Mise en place d’un service d’accès aux soins (SAS) :
Ce service accessible 24/24h, informera et orientera les malades pour leurs questions de santé. En fonction de leurs besoins, il leur permettra d’obtenir un conseil médical et paramédical, de prendre rendez-vous pour une consultation chez un généraliste dans les 24 heures, d’être orienté vers un service d’urgence ou de recevoir une ambulance. Le service, disponible par téléphone ou en ligne, intégrera une carte recensant les structures disponibles à proximité de chez soi (cabinet médical ou paramédical, pharmacie de garde, urgences avec estimation du temps d’attente…). Le SAS devra être effectif à l’été 2020.
- Renforcer l’offre de consultations médicales sans rendez-vous en cabinet, maison et centre de santé :
Cela passera via les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui devront initier une organisation des soins sans rendez-vous dans leur territoire dans les 18 mois. Un soutien financier va leur être apporté ; l’objectif est que 100 CPTS soient financés dès la fin de cette année et 300 d’ici fin 2020, pour atteindre 1000 CPTS en 2022.
Aussi, tous les ARS devront s’assurer de la présence d’une maison médicale de garde (MMG) à proximité de tous les services d’urgence les plus importants (50.000 passages par an), pour accueillir les patients réorientés vers le libéral. 50 seront créées.
- Donner à la médecine de ville les mêmes outils de prise en charge que les urgences :
Le SAMU devra pouvoir solliciter un transport sanitaire pour conduire un patient à un rendez-vous en libéral ; et les médecins libéraux participant à la permanence des soins ambulatoires pourront bénéficier d’un financement de l’ARS pour proposer à leurs patients le tiers-payant (certains choisissent de se rendre aux urgences car ils n'ont pas à y avancer de frais). La ministre souhaite aussi permettre un accès direct à des examens de biologie dans le cadre de consultations sans rendez-vous en libéral.
- Elargir les compétences des professionnels non médecins :
Les masseurs-kinésithérapeutes pourront soigner la traumatologie bénigne (lombalgie aiguë et entorse de cheville), et les pharmaciens et infirmiers prendre en charge des pathologies simples. La vaccination sera rendue possible en officine de ville, et les pharmaciens correspondants seront généralisés pour leur permettre de renouveler ou adapter des ordonnances prescrites avec l’accord des médecins traitants. Enfin, le suivi en routine des maladies chroniques pourra être effectué par des infirmiers.
Zéro personnes âgées aux urgences
- Plus de personnes âgées aux urgences :
Les personnes âgées doivent pouvoir être admises directement dans des services de soins. Des équipes hospitalières en charge d’assurer leur accueil seront créées. L’objectif est qu’aucune personne âgée ne passe par les urgences d’ici 5 ans.
Pour éviter ce recours aux urgences, des équipes mobiles de gériatrie seront créées, et le dispositif d’astreinte d’infirmières de nuit mutualisées en Ehpad sera généralisé.
- Intégrer la vidéo à distance dans tous les SAMU :
Toutes les personnes appelant le SAMU pourront basculer vers un appel vidéo, pour que le médecin au bout du fil puisse mieux orienter les patients, y compris vers une prise en charge alternative aux urgences. Les SAMU seront équipés dès début 2020.
- Mieux utiliser les compétences médicales et soignantes rares :
Agnès Buzyn souhaite renforcer les ressources en médecins urgentistes dans les points clés d’accès aux soins urgents. Les services d’urgences doivent être mieux adaptés aux fluctuations d’activité, et notamment garder des antennes ouvertes sur une partie des 24h. Elle veut créer des structures mobiles prenant en charge et transportant des patients.
- Renforcer et reconnaître les compétences des professionnels des urgences :
Les infirmiers auront la possibilité de demander eux-mêmes des examens d’imagerie pour des patients atteints de traumatisme des membres. A terme, ils pourront aussi orienter des patients vers la ville, faire des demandes de bilan biologique, et suturer des plaies simples. Cela pourrait leur permettre de toucher une nouvelle prime de 80 euros nets mensuels.
Un nouveau domaine d’activité "urgences" sera ouvert aux infirmiers souhaitant exercer en pratique avancée aux urgences. Ils bénéficieront d’un statut reconnaissant la spécificité de leurs responsabilités.
La ministre veut aussi valoriser les nouvelles compétences des assistants de régulation médicale (ARM) par le versement d’une prime de 100 euros nets mensuels versée à compter de novembre 2019.
Cumul d'emploi interdit pour les médecins dans le secteur public
- Lutter contre les dérives de l’intérim médical :
Au premier semestre 2020, le cumul d’emplois sera interdit dans le secteur public. Les médecins intérimaires devront fournir lors du recrutement une attestation sur l’honneur sur le cumul d’activités. Agnès Buzyn souhaite développer l’entraide inter-hospitalière, et pousser les médecins à intervenir au-delà de leurs obligations de service dans d’autres établissements du territoire.
- Réformer le financement des urgences :
Les urgences seront financées majoritairement par une enveloppe forfaitaire dépendant de l’importance de la population qu’ils couvrent et de ses caractéristiques socio-économiques ; et de la densité médicale libérale dans leur territoire.
Une part de financement continuera de dépendre de l’activité effective, mais des indicateurs seront intégrés pour attribuer des financements complémentaires aux hôpitaux dont les services d’urgences sont vertueux.
Un forfait offrant des parcours alternatifs aux patients se présentant aux urgences sera expérimenté dans une vingtaine d’établissements pendant un an.
- Renforcer la sécurité des professionnels exerçant aux urgences :
Les chefs d’établissements pourront déposer plainte et se constituer partie civile.
- Fluidifier l’aval des urgences grâce à l’engagement de tous en faveur de l’accueil des hospitalisations non programmées :
Chaque service devra coopérer et faire en sorte de libérer des places et des lits nécessaires. Tous les établissements devront se doter d'un logiciel de gestion de lits.
21,4 millions de passages aux urgences en 2017
Toutes ces mesures sont censées limiter la saturation de services dont la fréquentation a plus que doublé en vingt ans, atteignant 21,4 millions de passages en 2017.