LOVE GREEN - Dans la foulée des manifestations pour le climat, les jeunes électeurs ont massivement voté pour la liste écologiste de Yannick Jadot lors des élections européennes. Une psy et un sociologue nous éclairent sur cette dynamique croissante, marquée par une prise de conscience collective.
Le message est clair : les jeunes veulent voir leur vie en vert. Parmi les surprises offertes par le scrutin européen figure la percée incontestable d'Europe Ecologie-Les Verts, en troisième position dimanche soir derrière le RN et LREM avec environ 13% des voix. Un score qui, selon les sondages (voir l'infographie ci-dessous), a été largement porté par les 18-34 ans.
Pas besoin de sortir de Saint-Cyr pour y voir un reflet de la mobilisation d’une partie de la jeunesse, déterminée à agir contre le dérèglement climatique depuis plusieurs mois au gré de marches et de grèves étudiantes. Ce que nous confirme Louise, 27 ans, dont le choix s'est porté sur Europe Ecologie-Les Verts "par désillusion face aux autres propositions politiques" : "Le plus gros combat selon moi reste celui de l'écologie, et voter pour Les Verts aux européennes était un peu une évidence, tout en augurant beaucoup d'espoir au niveau européen." Mélanie, 18 ans, a fait de l'environnement son sacerdoce : "C'est la cause que je trouve la plus urgente et nécessaire aujourd'hui. Il y en a marre d'avoir du glyphosate dans la bouffe, de manger des tomates chimiques... Je ne suis pas d'accord sur tous les points de leur programme mais il y a chez les Verts un début de prise de conscience sur mon avenir plus qu'incertain. On nous rabâche sans cesse qu'on se dirige vers un péril et ça, je ne le veux pas."
Un phénomène générationnel de lutte contre les prédictions apocalyptiques qu’il importe de ne pas circonscrire à l’Hexagone (le parti écologiste en Allemagne, le Bündnis90/die Grünen, a notamment réalisé le meilleur résultat national de son histoire).
Un peu partout, cette génération verte fait passer le collectif avant l'individu. Un constat qui n'a rien d'étonnant selon la psychologue Laurie Hawkes, contactée par LCI : "Les prévisions pessimistes n'incitent guère les jeunes générations à rêver de se construire une vie agréable, un peu égoïste, comme avant (une maison, une famille, un chien, des week-ends…). Les angoisses sont plus grandes, voire écrasantes. Ces jeunes doivent se soucier du sort de la planète, de l’ensemble des êtres, car se préoccuper de leur seule personne et de leurs proches ne suffit plus."
Nécessité d'un "nouveau récit"
On est loin de la génération précédente, issue du cynisme des années 90, mâchouillant les restes de lointaines trente glorieuses, attendant le bug de l'an 2000 comme la fin du monde annoncée par les Mayas en 2012. Selon le sociologue Philippe Boudes, également sollicité par LCI, la destruction de notre planète bleue n'est plus un fantasme post-adolescent, mais une peur bien réelle : "Les plus de 35 ans ont grandi avec d'autres épées de Damoclès, comme celles du chômage et de la récession économique. Je dirais même qu'ils ont composé avec le récit du modèle libéral selon lequel le marché et l’économie allaient malgré tout résoudre tous les problèmes. Tandis que les 18-34 ans ont davantage grandi dans les difficultés économiques et dans une illusion de discours n’ayant jamais été satisfaisant. Mais aussi, en plus, avec les préoccupations environnementales à gérer." Des problématiques qui, selon Laurie Hawkes, sont désormais "acquises comme une norme sociale dans la vie quotidienne des jeunes."
L’écologie est un sujet dont les jeunes peuvent s'emparer facilement
Philippe Boudes, sociologue
Au-delà de cette ambition "bigger than life" consistant à sauver la planète, que réclament concrètement les 18-35 ans ? Une "transformation radicale de notre mode de vie", selon le sociologue. Soit "l'abandon du modèle capitaliste dominant, et donc du récit prométhéen faisant appel aux connaissances, à l’expertise, à la technique" : "Ces jeunes constatent que les solutions techniques sont limitées, voire contre-productives. Par leur mouvement, ils veulent proposer un nouveau discours, nous obligeant à réfléchir, passant certes par la reconnaissance des problèmes environnementaux mais aussi par une action, pas forcément définie - le vote des Verts étant simplement une alternative en attendant mieux -, qui marquerait une rupture nette dans notre société."
"L'écologie, poursuit Philippe Boudes, est un sujet dont les jeunes peuvent s’emparer facilement, ces derniers n'ayant pas assez de reconnaissance sociale comme de pouvoir sur la société pour aborder d’autres thématiques aujourd'hui largement commentées, comme le pouvoir d’achat. C'est une thématique vécue comme neutre politiquement, permettant aux jeunes de se réunir pour faire passer des idées et de s’affirmer comme des acteurs politiques, en réaction aux discours des autres partis, trop fortement ancrés dans les modèles dominants".
En somme, ce mouvement répond au besoin d'un "nouveau récit" délaissant ceux, économiques, scientifiques ou technologiques qui ne conviennent plus à la jeunesse. "C'est comme un retour au mouvement de l’écologie politique des années 70, où la société et la nature étaient les victimes du progrès", conclut le sociologue. "Cette fois, ce sont les jeunes et la nature, tous deux en souffrance et victimes d'un système moribond."
Sur le
même thème
Tout
TF1 Info