Le contact avec des acariens pourrait déclencher dans certains cas des poussées de vitiligo, une maladie auto-immune qui entraîne des dépigmentations de la peau, selon une étude l'Inserm.L'exposition aux arachnides semble aussi aggraver la pathologie chez les patients déjà atteints.En cause, la production d'une protéine par les acariens qui pourrait affecter le fonctionnement des cellules.
Invisibles à l'œil nu, mais bien coriaces, les acariens ne seraient pas uniquement des nids à allergies : ils pourraient aussi avoir une incidence sur la peau. L'exposition à ces arachnides microscopiques pourrait provoquer du vitiligo chez certaines personnes, révèle une étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), dévoilée ce jeudi. Nichés dans les lits, les fauteuils, les canapés ou encore les rideaux, les acariens semblent en effet "contribuer à l’induction de poussées" de dépigmentations et à "l’aggravation de la maladie", explique l'établissement public dans un communiqué.
Le vitiligo, liée à un dysfonctionnement du système immunitaire, conduit à l'apparition de taches blanches sur la peau. Si elle est considérée comme bénigne, la pathologie peut avoir des "répercussions psychologiques considérables", notamment à cause de la stigmatisation, "qui peuvent fortement altérer la qualité de vie des personnes qui en souffrent", note l'Inserm.
Des protéines sécrétées à l'origine de la dépigmentation ?
Cette maladie est due à la disparition du principal pigment à l'origine de la coloration de la peau : les mélanocytes, des cellules de l’épiderme produisant la mélanine. "Les dépigmentations peuvent survenir à n’importe quel moment de la vie, à n’importe quel âge, quelle que soit la couleur de la peau et sur toutes les parties du corps y compris au niveau du visage", souligne le communiqué.
La cause initiale de la pathologie reste toutefois inconnue. Chez certains patients, un stress, comme un choc physique violent ou un évènement d'ordre psychologique ou même physiologique (une grossesse, une chirurgie ou une infection par exemple), peut précéder l'apparition du vitiligo. Mais les scientifiques suspectent aussi le rôle des facteurs environnementaux, et notamment donc la présence d'acariens. "Ces organismes microscopiques peuvent déclencher des allergies, et cela nous a conduit à soupçonner qu’ils pourraient avoir un lien avec les anomalies du système immunitaire observées dans le vitiligo", souligne dans le communiqué Méri Tulic, chercheuse Inserm au Centre méditerranéen de médecine moléculaire à Nice et membre du groupe de recherche à l'origine de cette étude.
Si ces petits arachnides présents partout dans nos intérieurs sont mis en cause, c'est qu'ils sécrètent des substances spécifiques qui pourraient entrer en jeu dans l'apparition de la maladie. "Les acariens produisent un grand nombre de protéases, des protéines qui en dégradent d'autres. Or le détachement des mélanocytes de la peau des patients passe par la destruction des E‑cadhérines, des protéines qui permettent aux cellules d’adhérer les unes aux autres", poursuit la scientifique. De précédentes recherches de l'Inserm ont en effet permis de montrer que cette perte d'adhésion entre les cellules serait impliquée dans l'apparition de dépigmentations.
"Susceptibilité accrue de certaines peaux"
Pour mener ses travaux sur les acariens, le groupe de recherche a étudié des échantillons d'épiderme prélevés sur des patients atteints de vitiligo et des volontaires qui ne l'étaient pas, qu'il a exposé dans les deux cas à des acariens. Cette mise en contact a provoqué pour tous les échantillons la sécrétion de molécules d'inflammation et une hausse de la concentration en protéases. Plus la quantité d'acariens utilisée était élevée, plus ces quantités augmentaient. Une protéase produite par l'acarien en particulier a entraîné "le détachement des mélanocytes", et donc des pertes de pigmentations, pointe Méri Tulic.
Une réaction bien plus vive chez les patients atteints de vitiligo que les autres. "Si ce phénomène a été observé dans tous les échantillons, il était environ cent fois plus important dans ceux issus de patients atteints de vitiligo qu’avec les prélèvements de peaux non malades", explique la chercheuse. "Il y aurait donc une susceptibilité accrue de certaines peaux aux acariens, avec des jonctions cellulaires plus fragiles au niveau de l’épiderme et un système immunitaire plus réactif." Les scientifiques cherchent désormais à savoir si les patients allergiques aux acariens seraient "particulièrement vulnérables au vitiligo", et risquent donc davantage de contracter cette maladie, qui plus est "sous une forme plus sévère".
Partant de ces résultats, l'équipe de recherches s'est aussi penchée sur des solutions pour protéger au mieux l'épiderme des effets des acariens. Selon elle, l'utilisation d'une crème à base de céramides, "des lipides naturellement présents dans la peau et importants pour le fonctionnement normal de la barrière cutanée", serait efficace.
Appliquée après un contact avec les arachnides, elle permet de réduire les inflations et la perte des mélanocytes, et ainsi de "consolid(er) la barrière cutanée", appuie la chercheuse. D'après ces travaux, cette crème pourrait plus largement être utilisée par les patients pour limiter la progression de la pathologie et éviter les rechutes, s'ils ont bénéficié d'un traitement permettant de repigmenter les lésions.