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Les capacités cardiovasculaires des jeunes en baisse de 40% en 40 ans ? Gare à ce chiffre cité par Pap Ndiaye

Publié le 7 février 2023 à 18h49, mis à jour le 11 février 2023 à 21h50

Source : JT 20h WE

Le ministre de l'Éducation nationale souhaite instaurer davantage d'activité physique à l'école.
Il assure que les jeunes Français ont perdu 40% de leurs capacités cardiovasculaires en quarante ans.
Ce chiffre est en réalité erroné et partagé à tort par le ministère.

En début de semaine, le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye s'est rendu avec sa consœur des Sports dans une école de Nogent-sur-Marne (94) afin de promouvoir l’activité physique en milieu scolaire. L'occasion, également, de réaliser un point d’étape sur la mise en place généralisée des 30 minutes d’activité physique quotidienne pour les élèves. Sur les réseaux sociaux, le ministre a assuré que cette dépense d'énergie supplémentaire était bénéfique pour "leur santé, leur bien-être et aussi leur concentration en classe"

Cette opération est aussi un moyen de lutter contre les conséquences néfastes d'une trop grande sédentarité. Pap Ndiaye l'affirme : "les jeunes Français sont de plus en plus sédentaires", et ajoute qu'en l'espace de "40 ans, ils ont perdu 40% de leurs capacités cardiovasculaires". Un chiffre que TF1info a voulu vérifier... Et qui se révèle faux.

"Quelqu'un a dû taper trop rapidement"

D'où vient ce chiffre de 40% ? Le ministère de l'Éducation nationale, contacté par l'équipe des Vérificateurs, note que le ministre n'a fait que partager via son message un élément mis en avant dans le dossier de presse qui accompagnait son intervention dans le Val-de-Marne lundi. Ce document de 22 pages, dont TF1info a pu prendre connaissance, met en effet en avant les fameux 40% et suggère qu'il émane d'une "étude inédite menée en 2022 sur les capacités physiques des collégiens français et les effets d’un entraînement individualisé". 

Intitulée "Inverser les courbes", cette étude a été coordonnée par le cardiologue et médecin du sport François Carré. Rattaché au CHRU Pontchaillou, à Rennes, l'intéressé s'étonne qu'une telle donnée ait été relayée par Pap Ndiaye et qu'elle figure dans le dossier transmis aux journalistes. "On n'a jamais parlé de 40%", nous confie-t-il au téléphone, évoquant des services du ministère qui semblent avoir "un peu tout mélangé". L'étude à laquelle il a contribué n'a en effet pas quantifié directement la diminution des capacités cardiovasculaires des jeunes, mais a mis en lumière un recul de l'endurance au sein d'un panel de plus de 9.000 élèves. Pour parcourir une distance identique, ceux-ci ont mis en 2022 un temps supérieur à celui que l'on pouvait enregistrer en 1987. Leur vitesse moyenne était ainsi inférieure d'environ 1 km/h. 

François Carré note que les derniers travaux d'ampleur qui cherchaient à évaluer précisément la baisse des capacités cardiovasculaires remontent à 2013. Une étude internationale menée par des chercheurs australiens et qui rassemblait des données dans une multitude de pays. C'est alors qu'une évolution sur 40 ans se voyait présentée : on apprenait alors que les jeunes Français avaient perdu non pas 40, mais 25% de leurs capacités. Des observations dont la Fédération française de cardiologie se faisait d'ailleurs l'écho à l'époque. 

Les résultats, qui remontent à 10 ans désormais, sont-ils encore fiables ? "D'autres études ont montré que la capacité physique avait continué à baisser depuis, mais moins fortement", ajoute le spécialiste, laissant entendre que le recul ne pourrait dans tous les cas pas être de 40%. "Je n'étais pas très content" en voyant qu'un tel chiffre était relayé, confie-t-il, glissant qu'une telle erreur s'explique sans doute par le fait que "quelqu'un a dû taper trop rapidement" lors de la rédaction des documents officiels. 

Quoi qu'il en soit, François Carré reconnaît que l'attention portée à la condition physique des jeunes est essentielle, notamment en raison du nombre "croissant d'enfants en surpoids". Il évoque au passage la situation "d'adolescents qui présentent maladies d'adultes telles que le diabète de type de 2". Deux décennies en arrière, "cela touchait les hommes de 40 ans, mais aujourd'hui, on voit des patients de 16 ans qui en souffrent !"

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Thomas DESZPOT

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