Y a-t-il eu moins de malades à l'hôpital pendant l'épidémie que les années précédentes ?

Publié le 20 janvier 2022 à 18h04
Une chambre de réanimation de la Timone, à Marseille
Une chambre de réanimation de la Timone, à Marseille - Source : NICOLAS TUCAT / AFP

ÉPIDÉMIE - Sur Internet, une publication laisse entendre que les hôpitaux ont été moins occupés pendant l’épidémie que les deux années précédentes. S’il est vrai qu’il y a eu moins de malades hospitalisés à partir de 2020, les hôpitaux ont cependant été submergés par l'épidémie.

Tout au long de cette crise sanitaire, les sceptiques et les complotistes n’ont eu de cesse de minimiser l'impact des malades du Covid sur l’hôpital. "Comment peut-on rendre les non-vaccinés responsables des déprogrammations d’opérations, alors qu’il y a eu moins de patients à l’hôpital et moins de séjours en 2020 et 2021 qu’en 2018 et 2019 ?", s’est demandé un internaute sur son compte Twitter, dimanche 16 janvier, en publiant deux graphiques représentant les nombres de patients et de séjours à l’hôpital par région, sur ces quatre dernières années. 

Derrière cette question, il y a celles des places disponibles dans les hôpitaux et de la charge de travail des soignants avant et pendant l’épidémie. Quand les professionnels de santé ont-ils été le plus débordés par l’afflux de malades ? Pour comparer le nombre d’hospitalisations depuis 2018, il faut se tourner du côté de deux organismes : la Drees, la cellule de statistiques du ministère de la Santé, et puis l’ATIH, l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation. Celle-ci est justement la source des graphiques publiés sur Twitter. En effet, un lien renvoie vers le site Scan Santé, la plateforme de restitution des données de l’ATIH. Les chiffres avancés par cet internaute sont donc vérifiables. 

11,1 millions de patients en 2020

Les données sur les admissions à l’hôpital sont triées par activité : médecine, chirurgie, obstétrique (MCO), qui représentent plus de 80% des passages, soins de suite et réadaptation (SSR), hospitalisation à domicile (HAD) ou encore psychiatrie. Pour simplifier, prenons le nombre de patients admis en MCO en quatre ans. D’après l’ATIH, la MCO a accueilli 12,3 millions de patients en 2018 et a connu 28,9 millions de séjours (hospitalisations complètes et partielles, c'est-à-dire sans nuitée). Puis 12,4 millions de malades ont été admis et 29,5 millions de séjours ont été effectués en 2019. En 2020, quand a émergé le virus, 11,1 millions de personnes ont été hospitalisées en MCO, qui a enregistré 27,5 millions de séjours. Enfin, ces services ont compté 11 millions de patients et 26,3 millions de séjours en 2021 (ces dernières données sont encore mises à jour chaque semaine).

L’affirmation relayée ci-dessus est donc vraie : le nombre de patients et de séjours a été plus conséquent en MCO avant l'épidémie. Mais cela ne veut pas dire pour autant que les hôpitaux ont été moins débordés depuis le Covid que lors des deux années précédentes. Cela s'explique d'abord par la désorganisation observée au cours de la première vague de l'épidémie, en mars 2020. En effet, si les malades du Covid n'ont représenté que 2% des malades hospitalisés au cours de cette année-là, comme nous vous l'expliquions ici, ces derniers ne sont pas arrivés tout au long de l'année, en ordre dispersé. Ce chiffre est en réalité un lissage sur l'année et ne reflète pas les périodes de tensions qu'a connu l'hôpital. Par exemple, au pic de la première vague, 7000 personnes étaient admises en réanimation pour une infection Covid. À titre de comparaison, il y en a 3852 aujourd'hui, selon le gouvernement.

Comme l'observe l'ATIH, cela a d'ailleurs conduit à privilégier le Covid sur d'autres pathologies : "La forte chute de l’activité MCO concerne principalement les mois de mars-avril-mai (1ère vague de l’épidémie), période pendant laquelle des consignes de déprogrammation des soins non urgents ont été données pour l’ensemble du territoire et des établissements de santé. Ainsi, la baisse d’activité sur ces trois mois d’activités représente 80% de la diminution globale".  C'est d'ailleurs toute l'ambition d'un plan blanc : déprogrammer des opérations considérées comme moins urgentes et mobiliser les soignants face à une situation sanitaire exceptionnelle. 

Des chambres doubles transformées en simples

De plus, des soins ont par ailleurs dû être déprogrammés par manque de lits, certains ayant dû être fermés à cause de l'épidémie. "Pour limiter la contagion, de nombreuses chambres doubles ont été transformées en chambres simples, réduisant là aussi le nombre de lits d’hospitalisation complète disponibles en fin d’année", explique ainsi la Drees qui pointe la suppression de 5000 lits d'hospitalisation complète cette année-là. 

La fermeture de lits est par ailleurs une tendance structurelle : entre 2013 et 2020, pas moins de 27.000 lits d’hospitalisation complète ont été fermés, "soit une baisse de 6,5 % en sept ans". Pour la Drees, "ce mouvement général résulte de la volonté de supprimer des lits excédentaires et de réorganiser l’offre, ou  de contraintes de personnel  empêchant  de maintenir les lits. Il traduit l’évolution structurelle des formes de prise en charge, qui se tournent de plus en plus vers des alternatives à l’hospitalisation complète". Autrement dit, l'augmentation des lits d'hospitalisations de jour (8200 places en sept ans) peut avoir participé au recul du nombre d'admissions complètes, avec nuitées.

Évolution du nombre de lits et de places à l'hôpital, de 2013 à 2019
Évolution du nombre de lits et de places à l'hôpital, de 2013 à 2019 - DREES

En résumé, le nombre de patients hospitalisés a bien baissé à partir de 2020. Mais cette baisse ne peut donc pas se lire sans l'impact qu'a créé l'épidémie sur l'hôpital. Le Covid a dans un premier temps conduit à déprogrammer des soins et donc à refuser des admissions : on le voit avec la baisse de 80% de l'activité en MCO au cours de la première vague de l'épidémie. La crise sanitaire a également conduit à supprimer des lits doubles au profit de lits simples pour limiter le risque de contagion. 

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Caroline QUEVRAIN

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