INÉGALITÉS - Alors que les premières vaccinations ont commencé au Royaume-Uni, des ONG alertent sur les risques d'inégalités en matière d'accès aux vaccins. "9 personnes sur 10 n’auront pas accès au vaccin contre le COVID-19 l’année prochaine", redoutent-elles. Qu'en est-il ?
Âgée de 90 ans, la britannique Margaret Keenan s'est fait connaître il y a quelques jours en devenant la première personne à se faire vacciner contre le Covid-19. Une protection dont vont bénéficier des millions d'autres personnes dans les semaines et mois à venir, en Europe notamment. La Commission européenne, qui a sécurisé jusqu'à présent environ 2 milliards de doses, n'a pas attendu que les essais cliniques soient terminés et souhaite qu'un maximum de citoyens européens puissent avoir accès à une vaccination dans le futur. Les Français, Belges, Grecs et autres Portugais sont-ils des privilégiés ? Des ONG le laissent entendre, malgré une mobilisation initiée par l'ONU visant à offrir un large accès aux vaccins.
Des milliards de doses déjà commandées
Les pays les plus pauvres doivent-ils redouter un approvisionnement limité ? Une étude relayée au Royaume-Uni estime qu'au moins 80% des commandes ont pour l'heure été réalisées par des pays riches. Des ONG ont par ailleurs pris la parole ces derniers jours pour alerter les populations et les responsables politiques. "9 personnes sur 10 n’auront pas accès au vaccin contre le COVID-19 l’année prochaine", lance ainsi The People’s Vaccine Alliance, une coalition d'organisations spécialisées dans les domaines de l'humanitaire et de la santé.
Oxfam, qui en est membre, relaie ce constat et prévient : "70 pays pauvres ne pourront vacciner qu’un(e) habitant(e) sur dix contre la COVID-19 l’année prochaine, à moins que les gouvernements et l’industrie pharmaceutique ne prennent d’urgence des mesures pour garantir une production de doses en quantité suffisante". Dans le même temps, "les pays riches ont acheté assez de doses pour vacciner l’ensemble de leur population près de trois fois avant la fin 2021, si tous les vaccins qui font actuellement l’objet d’essais cliniques sont approuvés". Le Canada, apparaît comme l'un des plus prudents : il "arrive en tête avec suffisamment de doses pour vacciner chacun-e) de ses citoyen(ne)s cinq fois. Des données actualisées montrent que les pays riches, qui ne représentent que 14 % de la population mondiale, ont réservé 53 % des vaccins les plus prometteurs jusqu’à présent."
Les pays riches, où se concentrent la recherche et la production de vaccins, ont été les premiers à se positionner pour s'assurer l'approvisionnement de doses par millions. "Comme toujours, il y a un principe de réalité qui s'impose. Les vaccins vont d'abord aux pays riches pour des raisons financières et de capacité à les distribuer", a remarqué dans les colonnes du Parisien l'économiste Frédéric Bizard, professeur à l'ESCP et président de l'Institut de santé. Le quotidien précise que "rien que pour le futur produit de Pfizer/BioNTech, les pays riches ont déjà réservé 85 % du nombre de doses produites l'an prochain".
Des réponses timides
Face à la puissance économique des pays les plus développés, est-il possible de lutter ? Oxfam veut y croire, et réclame notamment que "toutes les sociétés pharmaceutiques et tous les instituts de recherche qui œuvrent actuellement à la mise au point d’un vaccin" se décident à "partager les connaissances scientifiques, le savoir-faire technologique et la propriété intellectuelle qui sous-tendent leur vaccin afin que suffisamment de doses sûres et efficaces puissent être produites". Dépasser le cadre très contraignant des brevets, donc, de sortes que les vaccins puissent en quelque sorte devenir un bien commun.
Il y a quelques jours, une source proche de la Commission européenne indiquait à LCI que les approvisionnements massifs sécurisés ces dernières semaines ne seraient pas forcément réservés aux seuls habitants du Vieux Continent. "Une partie pourrait être envoyée vers les pays pauvres, en Afrique notamment", nous disait-on. Malgré une seconde vague virulente au Maghreb, les pays pauvres ne se trouvent pas dans une position très favorable aujourd'hui : relativement peu touchés par l'épidémie, ils risquent de ne pas être perçus comme prioritaires dans l'accès au vaccin. Si l'on additionne le nombre de décès au Nigeria, en RDC, en Tanzanie et en Éthiopie, 4 des 5 pays les plus peuplés d'Afrique (et dont la population est quasi égale à celle de l'UE), on recense au total 3.324 morts de l'épidémie. 1.000 de moins qu'au Portugal, où vivent 10 millions d'habitants.
Bien que certains pays pauvres semblent moins exposés ou touchés en apparence, ils espèrent ne pas être laissés sur la touche et pourraient compter sur un soutien structuré par l'ONU. L'organisation internationale a en effet mis sur pied un programme intitulé COVAX, conçu "pour garantir un accès équitable aux vaccins anti-coronavirus". Codirigé par une alliance internationale pour les vaccins (GAVI), l’OMS et la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI), "il est conçu pour garantir un accès équitable au niveau mondial des vaccins, une fois qu’ils sont développés et autorisés à être utilisés". L'objectif affiché est de sécuriser l’approvisionnement et de fournir 2 milliards de doses dans les pays prenant part au programme d’ici la fin 2021. Ce qui doit leur permettre de vacciner au moins 20 % de la population, en particulier au sein des pays les moins développés.
Plus de 150 pays participent à cette initiative, mais il faut souligner que les États-Unis ont officiellement renoncé à y prendre part. Une décision analysée par des observateurs comme une forme de "nationalisme vaccinal", et qui pourrait engendrer une forme de compétition sur le plan diplomatique. La Chine, dans ce contexte, souhaite en effet renforcer ses liens avec l'Afrique, où elle concentre des investissements massifs. "Les pays africains seront parmi les premiers bénéficiaires d'un vaccin fabriqué en Chine", a ainsi lancé le dirigeant Xi Jinping. Une illustration de la dimension tout aussi politique que sanitaire aujourd'hui prise par l'épidémie.
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