Les symptômes du "Covid long" sont-ils surtout psychologiques ?

Publié le 19 novembre 2021 à 15h30
2% des patients ayant été hospitalisés à cause du Covid ont dû retourner à l'hôpital à cause du virus dans les 6 mois qui ont suivi.
2% des patients ayant été hospitalisés à cause du Covid ont dû retourner à l'hôpital à cause du virus dans les 6 mois qui ont suivi. - Source : JEFF PACHOUD / AFP

DÉBATS HOULEUX - Les résultats d'une étude suggèrent que les symptômes des "Covid longs" pourraient en grande partie être décorrélés d'une infection par le virus du SARS-CoV-2. Des conclusions loin de faire consensus.

On évalue aujourd'hui à environ 700.000 en France le nombre de personnes atteintes par un "Covid long", sur la base des estimations de l'OMS. Un chiffre qui interpelle et sur lequel une récente étude apporte des éclairages. Sur le plateau de LCP, le consultant en santé publique Martin Blachier a évoqué les travaux de chercheurs français, publiés le 8 novembre dans le Journal of the American Medical Association.

Les auteurs mettent en avant que "les symptômes physiques persistants après l'infection au COVID-19 ne devraient pas être automatiquement attribués au SRAS-CoV-2" et recommandent "une évaluation médicale complète peut être nécessaire pour éviter d'attribuer à tort des symptômes au virus". Ils mentionnent en passant des "croyances concernant les causes de ces symptômes", susceptibles "d'influencer leur perception". Des observations qui mettent en avant une forte dimension psychologique à ces symptômes et remettent en cause l'impact direct du virus, mais qui sont aujourd'hui source de controverses.

Des critiques quasi immédiates

Avant d'observer les réserves évoquées rapidement suite à la publication de cette étude, commençons par la décrire brièvement. Elle a impliqué près de 27.000 personnes, qui ont reçu un questionnaire à remplir en marge de la réalisation d'un test sérologique. Il leur a été demandé s'ils pensaient avoir été infectés par le virus et en cas de réponse positive si un test l'avait confirmé. Un autre volet de questions portait alors sur les symptômes ressentis à long terme, que ce soit des douleurs musculaires, de la fatigue ou encore des troubles de la concentration.

Les auteurs ont mis en avant un lien statistique notable entre le fait de penser avoir contracté le virus et celui de déclarer des symptômes durables après plusieurs mois. Dans le même temps, ils n'ont pas isolé un lien marquant entre le fait de présenter une sérologie positive et la manifestation de symptômes à long terme. À une exception près : la perte du goût et de l'odorat. Sans nier l'existence des Covid longs, les chercheurs souhaitent mettre en garde contre des symptômes que l'on tendrait à considérer naturellement comme la conséquence d'un Covid long, tout en suggérant qu'une large part d'entre eux pourraient en réalité être en partie somatisés.

Si des associations de patients souffrant de Covid long sont vite montées au créneau, des critiques ont aussi émané du monde médical, pour remettre en cause les interprétations de l'étude ou sa méthodologie. Parmi les points saillants, le fait que des tests sérologiques soient utilisés comme marqueur d'une précédente infection. L'équipe de chercheurs "ne prend pas en compte le fait maintenant admis que certains sujets ayant fait un Covid avéré ne développent pas d’anticorps, ou les perdent très vite", a déploré dans les colonnes du Monde Dominique Salmon-Ceron, infectiologue à l’Hôtel-Dieu (AP-HP).

D'autres spécialistes, appelés à réagir à cette publication, ont émis des réserves importantes. Soulignant les limites d'une étude observationnelle (et non randomisée), ils ont aussi noté que les patients interrogés sont issus d'une même cohorte. Des personnes qui se montrent volontaires pour prendre part à cette étude et dont le profil peut entraîner des biais. Il s'agit ainsi généralement d'individus intéressés par les questions relatives à la santé, "un problème potentiel lorsque, comme ici, on s'intéresse à qui pourrait résulter de l'attitude elle-même des gens vis-à-vis de leur propre santé". Sans compter le fait que les participants aient été informés du résultat de leur test sérologique avant de répondre au questionnaire, pouvant ainsi en théorie altérer la fiabilité des résultats.

Des souffrances bien réelles

Si l'influence des facteurs psychologiques constitue un véritable sujet d'étude et que leur impact potentiel pourrait expliquer partiellement certains symptômes, c'est en grande partie contre l'interprétation de cette publication que des voix se sont élevées. Des raccourcis pourraient en effet conduire à résumer l'étude en concluant que le Covid long relève en réalité d'une maladie imaginaire, et ce malgré les souffrances endurées par des centaines de milliers de personnes.

Une étude de l'Inserm, toujours en cours, a mis en évidence que "60% des patients sont toujours affectés par au moins un symptôme six mois après infection et un quart d’entre eux par trois symptômes ou plus".  Par ailleurs, "2% des patients ont dû être hospitalisés à nouveau". Les équipes de l'institut ont souligné "une corrélation entre la sévérité initiale de la maladie et la persistance à long terme de symptômes semble également se dessiner".

Notons enfin que la Haute autorité de santé, ce 19 novembre, a annoncé avoir mis à jour des fiches relatives aux symptômes associés aux formes de Covid long. Et en a ajouté pas moins de 3, concernant "les symptômes digestifs, les lésions oculaires et les troubles cutanés". Ces fiches spécifiques par symptômes, glisse la HAS, "sont désormais au nombre de 13".

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Thomas DESZPOT

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