Levée des brevets sur les vaccins : le gouvernement fait-il machine arrière ?

Publié le 7 mai 2021 à 13h20, mis à jour le 7 mai 2021 à 14h44

Source : TF1 Info

BRAS DE FER - Le soutien d'Emmanuel Macron à une levée des brevets sur les vaccins est analysé à gauche comme un retournement de veste. Si le gouvernement s'en défend, on observe que sa position a très largement évolué ces derniers mois.

"Papa Biden a parlé. Mini Macron s'aligne." C'est par ces mots qu'a réagi Jean-Luc Mélenchon aux récentes prises de position d'Emmanuel Macron au sujet des brevets entourant les vaccins. Le chef de l'État s'est en effet déclaré "très favorable" à leur levée, s'alignant sur la position défendue par Joe Biden aux États-Unis. Si la France insoumise raille un changement de discours et s'étonne de ce qu'elle analyse comme un complet revirement, un membre du gouvernement comme Clément Beaune assure que la majorité est restée fidèle à sa position.

Déjà évoquée depuis de longs mois, la question de la levée des vaccins a été étudiée au niveau international. Un contexte dans lequel la France a fait valoir une position différente de celle aujourd'hui mise en avant, et qui traduit une évolution dans l'approche du gouvernement. 

Une simple question de timing ?

Secrétaire d’État chargé des affaires européennes, Clément Beaune a fait l'objet d'une série de tacles sur les réseaux sociaux. L'une de ses interventions a ainsi été exhumée, au cours de laquelle il livrait un message clair à l'Assemblée. "Si lever les brevets avait une quelconque utilité, nous le ferions immédiatement, mais ça ne sert à rien aujourd'hui", assurait-il le 30 mars. Quelques semaines plus tôt, c'est la ministre de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher qui s'exprimait sur le sujet. Tenant un discours similaire et estimant que "supprimer les brevets est une fausse bonne idée parce que ce n’est pas le sujet aujourd’hui".

Le ministère de l’Industrie a confié à Libération que son point de vue restait identique, puisque "d’un point de vue industriel, la situation n’a pas changé". À ses yeux, "le principal facteur limitant, c’est d’avoir les capacités de production suffisantes pour répondre à une situation inédite. Qu’on ait les brevets ou pas, le problème reste le même : l’enjeu, c'est d’augmenter collectivement les capacités de production de vaccin."

Pour autant, force est de constater que la position de la France a évolué. Au Financial Times qui s'est entretenu avec lui en février, Emmanuel Macron a indiqué se montrer favorable au concept de propriété intellectuelle, jugé essentiel pour soutenir l'innovation. Il envisageait aussi que si les fabricants de vaccins n'affichaient pas une coopération suffisante, alors "inévitablement, la question politique de la propriété intellectuelle" serait posée dans tous les pays. 

Des propos tempérés dans la foulée puisque le président de la République a enchaîné ainsi : "Je ne pense pas que ce soit le bon débat, ce n'est pas utile, mais cela se produira", évoquant les débats autour des profits des firmes pharmaceutiques. À cette époque, il n'envisageait donc pas de sortir du cadre des brevets.

Devant l'OMS, le chef de l'État avait expliqué mi-avril que "nous entendons beaucoup parler en effet de transfert ou d’absence de propriété intellectuelle". Pour autant selon lui, "le sujet, nous le savons aujourd’hui, n’est pas celui-là". La France n'a d'ailleurs pas affiché son soutien aux initiatives menées depuis des mois devant l'OMC par l’Afrique du Sud, l'Inde ou le Brésil. Ces pays, désormais soutenus par près de 60 autres, souhaitent voir une levée des brevets durant la pandémie. Bien qu'Emmanuel Macron ait évoqué le fait que les vaccins devaient devenir "un bien public mondial", cette position n'a jusqu'à présent pas été suivie de faits. 

En déclarant en ce début mai qu'il est "tout à fait favorable" à "cette ouverture de la propriété intellectuelle", le président français fait donc assez largement évoluer sa position. Jusqu'à présent, la ligne du gouvernement était plutôt en faveur d'un renforcement des capacités de production, ainsi qu'à une forme de générosité des pays les plus développés envers les plus pauvres. Des dons de doses en particulier, par l'intermédiaire notamment du programme Covax des Nations Unies.

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Thomas DESZPOT

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