Pourquoi les femmes ne peuvent (et ne doivent) pas toutes ressembler à Kate Middleton après leur accouchement

par Charlotte ANGLADE
Publié le 12 octobre 2018 à 16h05, mis à jour le 12 octobre 2018 à 16h13
Pourquoi les femmes ne peuvent (et ne doivent) pas toutes ressembler à Kate Middleton après leur accouchement

RÉALITÉ VS MISE EN SCÈNE - L'image de Kate Middleton, sortant de la maternité toute pimpante sous les flashes des photographes en 2015 a marqué les esprits. A tel point que l'actrice britannique Keira Knighley a récemment dénoncé cette mise en scène, l'accusant de déformer la réalité. Une sage-femme ainsi que la secrétaire générale de l'Ordre des sages-femmes nous donnent leur opinion sur cette image de contes de fées.

Son air si reposé, son sourire figé, sa silhouette filiforme perchée sur des talons aiguilles... Keira Knighley n'a pas supporté de se les voir imposer à la télévision de sa chambre de maternité, où elle venait d'accoucher. L'actrice britannique de 33 ans et maman d'une petite fille a signé au début du mois un essai dénonçant la première apparition publique de Kate Middleton après la venue au monde de sa fille, Charlotte, en 2015. "Cache donc notre douleur, nos corps déchirés, nos poitrines tombantes, nos hormones en furie. Soit belle, bien habillée et surtout ne montre pas le champ de bataille qu'est devenu ton corps, Kate", fustige-t-elle dans ce texte, paru dans Feminist Don't Wear Pink and Other Lies [Les Féministes ne s'habillent pas en rose, et autres mensonges, ndlr.], l'ouvrage de l'auteure et militante féministe Scarlett Curtis.

Cette image de conte de fée, cette apparition rayonnante, la rédaction de LCI l'a soumise au jugement d'une sage-femme, Anne-Laure Froment, ainsi qu'à celui de la secrétaire générale de l'Ordre des sages-femmes, Isabelle Derrendinger. Elles nous expliquent pourquoi les femmes ne doivent absolument pas s'identifier à ce genre "d'idéal".

Une réalité bien loin du monde des princesses

"Lorsque j'ai vu les images de sa sortie, je me suis dit que ça n’était juste pas possible, se souvient Anne-Laure Froment, sage-femme à Rouen. Ce n’est pas du tout la réalité." Pour cette professionnelle libérale, un accouchement est une véritable épreuve qui nécessite du repos. "Le corps de la femme doit s’ouvrir pour laisser passer le bébé. Il a besoin de temps pour s’en remettre", insiste-t-elle. Lors du suivi de ses patientes, la préparation à l'après, le post-partum, fait d'ailleurs l'objet d'une séance à part entière. "Il faut absolument que les femmes soient préparées à la réalité et pas au rêve."

Parfois des femmes enceintes se voient demander quand elles vont accoucher alors qu’elle viennent de le faire.
Anne-Laure Froment, sage-femme

"En termes de confort et d’image de soi au niveau corporel, ce n’est quand même pas très facile après un accouchement", assure Anne-Laure Froment, qui décrit les valises sous les yeux, les cicatrices, les jambes un peu gonflées, des sensations de pesanteur "extrêmement désagréables" au niveau de l'utérus, et bien sûr le ventre "flasque", voire encore aussi gros que pendant la grossesse. "Parfois les femmes se voient demander quand elles vont accoucher, alors qu'elles viennent de le faire. D'autres fois, elles se lèvent après l’accouchement et se demandent s’il n’y avait pas un jumeau", raconte-t-elle. 

Dans le corps d'une femme, le bébé, le placenta et le liquide amniotique pèsent environ six kilos. Pour autant, explique la sage-femme, ce poids ne sera pas forcément perdu lors de l'accouchement, à la grande déception de certaines femmes. "On ne sait pas expliquer pourquoi. Cela peut être un petit peu d’œdèmes [courants lors de la grossesse, ndlr] ou tout simplement la prise de poids qui accompagne l’allaitement. Cela dépend aussi de l'organisme. Il y a des personnes qui prennent deux kilos en regardant une boulangerie et il y a celles qui mangent comme des ogres et qui ne prennent rien. Pour les premières, il est clair que la perte de poids va probablement être plus difficile que pour les deuxièmes." En moyenne, les femmes parviennent à reprendre leur poids d'origine au bout de neuf mois.

Assumer son corps de maman, le secret d'une beauté rayonnante ?

Si Anne-Laure Froment assure que les femmes ne doivent pas se sentir obligées, après cette épreuve, de se regarder dans le miroir dès le premier jour, Isabelle Derrendinger, secrétaire générale de l'Ordre des sages-femmes et directrice de l'école de sages-femmes de Nantes, les y encourage au contraire.

La beauté, c’est la façon dont on porte son histoire de vie.
Isabelle Derrendinger, secrétaire générale de l'Ordre des sages-femmes et directrice de l'école des sages-femmes de Nantes

"Aimez-vous comme vous êtes, lance-t-elle. Faites quelque chose de peut-être un peu gonflé une fois rentrée chez vous : regardez-vous dans le miroir. Examinez ce que vous aimez, n'aimez pas et vous verrez que tout n'est pas à jeter ! Vous verrez sûrement qu'il y a même des choses chez vous qui sont plus belles qu’avant." Et d'ajouter : "La beauté, c’est la façon dont on porte son histoire de vie."

Pour celles qui font de la restauration de leur silhouette une priorité, Isabelle Derrendinger conseille de patienter au moins deux mois. "Le périnée a connu une grande modification, même si cela est peu visible. Il s'est étiré pour laisser le passage au bébé et il lui faut du temps pour revenir à sa position de départ. On va d’abord le faire travailler grâce à de la rééducation périnéale et une fois ce travail débuté, on peut reprendre le sport", explique-t-elle. Dans les premiers mois, il est cependant déconseillé de faire des sports d'impact, comme la course à pied. Mieux vaut reprendre progressivement, par exemple avec de la marche active.

Celle qui rend le plus hommage aux femmes, c’est Serena Williams
Isabelle Derrendinger, secrétaire générale de l'Ordre des sages-femmes et directrice de l'école des sages-femmes de Nantes

Mais selon la professionnelle, les femmes doivent avant tout croire en elles, faire confiance en leur statut "de femme et de mère". "La nuit, Kate Middleton ne se lève pas toutes les 3 heures. Nous n'avons pas non plus de couturier, de relookeur, de conseiller, de coach particulier qui nous assistent. Avant la grossesse, nous ne sommes toutes de Kate Middleton, donc nous ne le serons pas non plus après", insiste-t-elle.

La spécialiste se dit d'autre part "heurtée" par les photos post-partum de femmes que l'on peut trouver sur les réseaux sociaux, déplorant la culpabilisation qu'elles engendrent, elles aussi, en imposant idéal "définit par on ne sait qui". "Celle qui rend le plus hommage aux femmes, c’est Serena Williams, estime la secrétaire générale de l'Ordre des sages-femmes. Elle montre bien que même pour une athlète de haut niveau, dont c’est le métier, le corps subit des modifications liées à la maternité et qu’il va retrouver, ou pas un état antérieur mais que cela suppose en tout cas un travail diététique, sportif."


Charlotte ANGLADE

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