L'Amérique du Nord frappée par une canicule sans précédent

49,6°C enregistrés au Canada : jusqu'à quelle température notre corps peut-il résister ?

Charlotte Anglade & Frédéric Senneville
Publié le 1 juillet 2021 à 17h52, mis à jour le 2 juillet 2021 à 8h50
JT Perso

Source : JT 13h Semaine

DÔME DE CHALEUR - Alors que la côte pacifique du nord-ouest du continent américain suffoque sous un "dôme de chaleur" meurtrier, nous nous sommes demandé quelles étaient les limites du corps humain face à ces températures extrêmes.

Bien qu’il soit trop tôt pour dire combien de personnes ont été les victimes de cette vague de chaleur au Canada, la province de Colombie-Britannique enregistre une surmortalité de près de 200% ces cinq derniers jours, par rapport aux moyennes de la même période de l’année, soit près de trois-cents décès supplémentaires. Sans précédent dans la région, la hausse vertigineuse des températures a pris tout le monde de court. Les habitants se ruent sur les ventilateurs et les climatiseurs, déjà en rupture de stock. Les organismes sont mis à l’épreuve, en frôlant les limites théoriques de la résistance du corps humain à la chaleur, tandis que la faible baisse des températures la nuit empêche le repos.

En juillet 2019, en pleine canicule en France et alors que tous les records de chaleur avaient été battus le 28 juin précédent, nous avions demandé à Rémy Slama, directeur de recherche à l'Inserm et auteur du livre "Le mal du dehors, L’influence de l’environnement sur la santé" (éditions Quae), quels étaient les effets physiologiques de telles températures, et jusqu'à quel niveau notre corps pouvait y résister.

Une dépense d'énergie due à la chaleur dangereuse sur le long terme

"Notre organisme dépense beaucoup d’énergie et d’eau pour maintenir la température interne à 37°C", indique Rémy Slama. Car, explique l'épidémiologiste environnemental, les protéines de l’organisme se dénaturent et nos cellules ne survivent pas si la température interne avoisine 41°C. "Cette dépense d'énergie, déclenche, dans le corps, des réactions assez similaires à celles d'un exercice physique", telles qu'une perte excessive d'eau et de sels ou encore une élévation de la température corporelle. D'où l'importance de bien s'hydrater et de bien manger en cas de canicule.

Malgré l'observation des préconisations pour se préserver de la surchauffe, l'effort que doit fournir le corps devient de plus en plus important à mesure que la vague de chaleur se prolonge. De fortes chaleurs, supérieures à 31°C pendant plus de trois jours sans refroidissement sensible nocturne (moins de 21°C), peuvent dont avoir de graves conséquences sur la santé, tels qu'un syndrome d'épuisement physique ou encore de déshydratation, entraînant des désordres métaboliques avec retentissement rénal et cardiaque.

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"Pour cette raison, le risque le plus élevé à l’échelle des populations ne vient pas des coups de chaud dus à une exposition brève à une température très élevée, mais de l’exposition prolongée à des températures chaudes", affirme le chercheur. Le risque de décès est alors plus élevé en raison de l'épuisement de l'organisme et de la survenue de troubles, comme l'infarctus. Pour Rémy Slama, ceux-ci ne seront pas forcément "identifiés par le médecin comme une conséquence directe de la température élevée". Pour autant, si "la cause proche de la maladie peut être la manifestation d’une pathologie qui pré-existait chez l’individu, la cause 'lointaine' sera l’épuisement de l’organisme lié à la canicule."

Jusqu'à 100°C, mais pas plus de quelques minutes

Ainsi, les températures auxquelles l'organisme est capable de résister dépendent de la durée à laquelle il est confronté à celles-ci. "Si l’air est sec, l’organisme peut résister, au moins pour un temps très bref, à des températures très élevées", assure Rémy Slama. Il est effectivement tout à fait possible de supporter une température allant jusqu'à 100°C dans un sauna pendant quinze minutes.  Si l'air est chargé d'humidité en revanche, la résistance de l'organisme est bien moindre, l'eau étant un bon conducteur de la chaleur. "Des températures de 35 à 40°C sont très difficiles à supporter plus de quelques minutes en milieu très humide", souligne le chercheur. Quant à l'immersion, dans un bain par exemple, l’hyperthermie, voire la cuisson, peuvent se produire si l'eau dépasse les 40°C.

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La résistance de l'organisme à la chaleur dépend donc de quatre paramètres : la température, l'humidité, la durée à laquelle l’organisme est soumis à ces conditions et la santé ainsi que la fragilité de l'individu. Les enfants, les personnes âgées de plus de 65 ans et les malades chroniques sont les personnes les plus à risques.

Vers une adaptation aux fortes chaleurs ?

Pour l'Inserm, qui publie un document sur le sujet, "nos gènes ont plutôt été sélectionnés par l'évolution pour résister au froid des dernières glaciations". L'Institut estime cependant qu'une évolution vers une meilleure résistance à la chaleur est possible, mais qu'elle prendra beaucoup de temps.

Cette adaptation peut cependant déjà s'observer entre les populations du sud de l'Europe, plus résistantes à la chaleur, et celles du nord. Mais elle n'est pas forcément physiologique et s'explique plus probablement par une adaptation des modes de vie en termes de chauffage, d’isolation, ou encore de solidarité. Les Français eux-mêmes ont tendance à mieux supporter les vagues de chaleur depuis celles de 2003, notamment grâce à la modification "des comportements vis-à-vis des personnes âgées et par d’autres changements dans notre société", indique Rémy Slama dans un article publié dans The Conversation. Ainsi, alors que la canicule de 2003 avait causé une surmortalité de 15.000 personnes, celle de 2006 avait engendré un excès de mortalité de 2000 personnes grâce, notamment, à un plan de prévention efficace.


Charlotte Anglade & Frédéric Senneville

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