ZEN - Comment aborder sereinement les hauts et les bas de l'existence ? Voilà un thème qui colle parfaitement à l'actualité alors que le "Grand débat national" bat son plein. Ça tombe bien, c'est aussi celui abordé dans le livre "A nous la liberté !", écrit à trois voix, par le psychiatre Christophe André, le philosophe Alexandre Jollien et le moine bouddhiste Matthieu Ricard. L'occasion de demander à ce dernier son sentiment sur la crise qui embrase le pays.
Il y a trois ans, avec deux amis, le psychiatre Christophe André et le philosophe Alexandre Jollien, le moine bouddhiste Matthieu Ricard s'était donné pour mission de partir en quête de sagesse dans un livre devenu best-seller. Il a décidé de reprendre son bâton de pèlerin avec ses deux compères pour se lancer cette fois dans l'aventure de la liberté intérieure, celle qui nous permet d'aborder sereinement les hauts et les bas de l'existence, dans un ouvrage paru mercredi 23 janvier, "A nous la liberté !" (Editions L'Iconoclaste-Allary).
Un livre qui fait écho à l'actualité avec le mouvement des Gilets jaunes et le lancement depuis une semaine d'un "Grand débat national" tentant d'enrayer cette crise. Car finalement, cette fronde ne se limite pas à des revendications politiques, elle distille également des réactions émotionnelles, comme la colère ou la haine, qui cachent bien des peurs et des souffrances. "Mais attention à ne pas mettre toutes ces émotions dans le même sac, prévient Matthieu Ricard : péter les plombs parce qu'on est énervé, ce n'est pas la même chose qu'une colère froide qui a l'intention de nuire à la personne", nous dit-il. Le moine bouddhiste distingue ainsi une colère "profondément indésirable, qui se traduit en animosité et en haine, et une autre qui peut mener, avec bienveillance et compassion, à faire ce qu'il faut pour remédier aux causes de l'injustice ou de la souffrance".
Une crise du "superflu"
Une nuance qu'il est bon de préciser, car on l'a vu ces dernières semaines, la colère peut aussi se transformer en violence. Face aux casseurs qui ont rejoint l'ire populaire, celui qui porte la voix du Dalaï Lama se montre sans concession. "L'indignation ou la non-acceptation d'une oppression, c'est un sentiment justifié. En revanche, aller brûler les voitures des copains qui, entre nous soit dit, ont probablement autant de mal à gérer leur fin de mois, pour protester contre le fait qu'on est un peu laissé pour compte socialement, ce n'est pas un très bon exemple de solidarité".
Sans remettre en cause les difficultés que bien des gens rencontrent pour boucler leur fin de mois, notre moine bouddhiste a bien envie de relativiser les atermoiements de la société actuelle. "C'est plutôt une crise du 'superflu' quand, par exemple, on n'a pas assez d'argent pour changer de voiture... tous les trois ans. Et que dire des immenses files d'attente pendant les soldes. J'étais récemment à New York, et des dizaines de personnes attendaient devant un magasin. Quand j'ai demandé ce qui se passait, on m'a répondu que dans deux heures des foulards en soie d'une grande marque allaient être mis en vente pour 300$ au lieu de 600 !", raconte-t-il.
Une société du consumérisme qui lui paraît bien futile face à une réalité qu'il croise au quotidien au Népal, pays où il vit depuis les années 70 : "Là-bas, il y a des femmes qui dès 7 h du matin font la queue pour avoir un peu de kérosène pour faire la cuisine à leurs enfants. Il n'y a pas de sécurité sociale, d'allocations familiales, de chômage, ou de retraite, zéro pointé. Se dire que l'on peut se faire soigner en France, avec une simple carte Vitale, c'est quand même un incroyable privilège. L'Etat providence, ça veut bien dire quelque chose", s'agace-t-il, tout en reconnaissant qu'il y a tout de même un malaise dans notre pays. "Encore une fois, je ne parle pas des gens qui ont vraiment du mal à joindre les deux bouts, mais n'y aurait-il pas un peu d'individualisme dans tout ça, d'enfants gâtés qui veulent toujours plus ? Ceci dit, lorsque je suis en France, je vis à la campagne, et je vois bien la désertification médicale dans certaines régions, la perte d'emplois dans certains secteurs. C'est une réalité, il y a une négligence d'une France invisible qui souffre".
On a parfois oublié que la politique, c'est être au service de la population. Lancer un "Grand Débat", c'est une bonne chose si c'est fait avec de la bonne volonté, sans démagogie.
Matthieu Ricard, moine bouddhiste
Une négligence que le gouvernement tente, tant bien que mal, de réparer. A l'image des débats qui se multiplient un peu partout en France depuis une semaine. Permettront-t-ils d'apaiser les choses ? Matthieu Ricard l'espère : "Pourvu qu'Emmanuel Macron mène cette entreprise jusqu'au bout avec bon sens et empathie", lance-t-il. "On a parfois oublié que la politique, c'est être au service de la population. Lancer un "Grand Débat", c'est une bonne chose si c'est fait avec de la bonne volonté, sans démagogie. Les Français doivent s'exprimer mais après, il faut en tenir compte". Le moine bouddhiste prend l'exemple de la crise financière islandaise de 2008, "quand les banques ont fait tellement de bêtises que le pays était quasiment en faillite" : "Il y a eu des consultations à tous les niveaux, des représentants de chaque village ont été nommés et ils ont changé le gouvernement en fonction de ce qu'ils voulaient vraiment. Il faut se dire qu'on est tous dans le même bateau et que si on fait le couler parce qu'on n'est pas raisonnable, ça n'arrangera personne".
A-t-il un petit conseil à donner au chef de l'Etat ? "En règle général, il faut vraiment qu'on ait de la bienveillance à l'égard des citoyens qu'on représente. Je ne doute pas qu'il en ait mais plus il l'exprimera, mieux ce sera. Je l'ai rencontré quelquefois et les personnes qui le côtoient disent de lui qu'il est méthodique et qu'il voit loin. C'est peut-être très froid et raisonné, mais c'est l'opposé de Donald Trump qui prend des décisions au réveil de façon totalement déraisonnable, non informé et grotesque. Maintenant, est-ce que les directions qu'il veut donner au pays procèdent d'une plus grande justice sociale pour réduire les inégalités ? Je n'en sais rien. On peut être visionnaire et pas forcément aller dans la bonne direction". A bon entendeur...
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