Nanoparticules dans les aliments, dans les cosmétiques... Pourquoi ces substances inquiètent

par Amandine REBOURG
Publié le 13 mars 2017 à 7h30, mis à jour le 13 mars 2017 à 7h39
Nanoparticules dans les aliments, dans les cosmétiques... Pourquoi ces substances inquiètent

SANTÉ - Alimentation, cosmétiques... Controversées depuis plusieurs années, les nanoparticules sont de plus en plus présentes dans nos produits quotidiens. Alors qu'une étude vient de montrer leur nocivité chez le rat, certains candidats à la présidentielle en ont fait un thème de campagne. De quels dangers sont soupçonnées ces particules infiniment petites ?

C'est un débat dont on risque d'entendre parler de plus en plus souvent. Dans son programme, Benoît Hamon, candidat PS à l'élection présidentielle, propose d'interdire les "perturbateurs endocriniens, les nanoparticules et les pesticides dangereux" dans l'alimentation au nom du principe de précaution. De quoi parle-t-on au juste lorsqu'on évoque les nanoparticules ?

En juin dernier, l'ONG Agir pour l'environnement avait déjà alerté sur la présence de nanoparticules, dont le dioxyde de titane, dans de nombreux produits du quotidien et en particulier dans les produits alimentaires. Leur étude démontrait que ces particules étaient présentes dans plus d'une centaine de confiseries, sans que cela soit signalé sur les étiquettes. 

En janvier dernier, une étude de l'INRA menée sur des rats a démontré la toxicité du dioxyde de titane (E171), un additif utilisé dans l’industrie agroalimentaire. Dans la foulée de sa publication, le gouvernement a saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) afin de déterminer si l’additif alimentaire E171 présente un éventuel danger pour les consommateurs. D'après le communiqué du gouvernement, les résultats seront connus fin mars. 

Les nanoparticules, c'est quoi ?

On parle de nanoparticule pour une particule dont le diamètre est inférieur à 100 nanomètres. En d'autres termes, entre la taille d'une molécule et celle d'un cheveu. Naturelles ou artificielles, ces substances sont utilisées par les industriels pour colorer les aliments, en améliorer la texture ou la conservation. 

On les trouve aussi dans les produits du quotidien comme les matelas, les raquettes de tennis ou le dentifrice. Si l’utilisation des nanoparticules n’est pas nouvelle, l'enquête de l’association Agir pour l’environnement a démontré que les industriels ne les mentionnent pas sur les produits commercialisés, alors que la législation les y oblige. 

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Où les trouve-t-on ?

Les nanoparticules se trouvent un peu partout dans notre quotidien. Dans l'alimentation tout d'abord. Agir pour l'environnement a établi une liste de 200 produits suspects qu'elle a remis au gouvernement. Parmi ces denrées alimentaires, on trouve du guacamole de marque distributeur, des bonbons, des chewing-gums. En octobre dernier, l'association a même démontré que plus de 100 sucreries en contiendrait. 

On en trouve également au rayon cosmétiques, notamment dans les dentifrices, où le E171 est utilisé pour ses "vertus" de blanchissement et dans les crèmes solaires. L'UFC-Que choisir affirme par ailleurs qu'on en trouve dans près de 4000 médicaments

Au quotidien, on en trouve également dans des peintures, dans nos vélos pour les rendre plus rapides, dans des raquettes de tennis, pour les rendre plus légères, dans des chaussettes ou des sous-vêtements, car elles seraient "anti-bactériennes", dans les emballages également. Bref, elles sont partout et sont censées améliorer notre quotidien. 

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En quoi, ça pose problème ?

L'argument des anti-nano pour les faire interdire se base sur leur toxicité encore mal connue chez l'homme. En effet, la dimension microscopique des nanoparticules leur permet de pénétrer dans nos organismes lorsque nous respirons ou lorsque nous ingérons des produits en contenant. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) considère ainsi que certaines sont "toxiques" pour l’homme et l’environnement. De son côté, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le dioxyde de titane comme "cancérigène possible" lorsqu’on le respire dès 2006. 

Pour l’association AGIR, l'utilisation des nanoparticules est si répandue qu’elle demande au gouvernement un moratoire en raison d'un danger potentiel, notamment pour les personnes les plus fragiles : les enfants notamment et les femmes enceintes. Leur toxicité est encore mal connue mais la récente étude de l'Inra a alerté les ministères de la Santé, de l'Agriculture et de l'Economie. 

Ces ministères "ont décidé de saisir conjointement l'Anses afin de déterminer si l'additif alimentaire E171 présente un éventuel danger pour les consommateurs", précisent-ils dans un communiqué conjoint. Le but : tenter de savoir si une extrapolation à l'homme des résultats est possible. Ce que n'affirment pas les deux directeurs de recherches de l'Inra, Fabrice Pierre et Eric Houdeau. Pour eux, "on ne peut pas conclure sur la base de cette étude au caractère cancérigène du E171". 

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Que dit la législation ?

Un règlement européen impose la mention "nano" depuis le 11 juillet 2013 pour les cosmétiques et le 1er septembre 2013 pour les biocides. En ce qui concerne l'alimentation, elle est entrée en vigueur en décembre 2014 mais seulement pour les aliments qui contiennent des nanoparticules mesurant entre 1 et 100 nanomètres. En 2017, où en est-on ? 

On est pas beaucoup plus avancé. En effet, de nombreuses marques n'indiquent pas sur les produits de consommation qu'ils contiennent des nanoparticules. Si la législation européenne les y oblige, elle est suffisamment floue pour que certains produits passent à travers les mailles du filet. Comment ? Une petite astuce toute simple qu'il faut aller chercher dans la définition même de la nanoparticule. 

D'après le règlement INCO, un nano matériau est un "matériau produit inten­tionnellement présentant une ou plusieurs dimensions de l’ordre de 100 nm ou moins, ou composé de parties fonc­tionnelles distinctes (...) qui peuvent avoir une taille supérieure à 100 nm mais qui conservent des propriétés typiques de la nanoéchelle". Il suffit alors aux industriels de dire que la nanoparticule est arrivée là par accident pour éviter de devoir la mentionner sur l'étiquette. Pas vu, pas pris. 


Amandine REBOURG

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