Non, Pfizer n'a pas commandé des milliers de flacons de vaccin avant l'apparition du coronavirus

Publié le 12 janvier 2021 à 15h27, mis à jour le 12 janvier 2021 à 15h32
Le vaccin de Pfizer et BioNTech aurait un taux d'efficacité de 95% contre le Covid-19.
Le vaccin de Pfizer et BioNTech aurait un taux d'efficacité de 95% contre le Covid-19. - Source : JUSTIN TALLIS / AFP

BIG PHARMA - Un avocat a affirmé ce vendredi que Pfizer avait commandé un demi-milliard de flacons en verre pour contenir un vaccin contre le coronavirus quelques jours avant son apparition à Wuhan. Une information démentie.

C'est une énième rumeur supposée démontrer que derrière la pandémie se cache l'industrie pharmaceutique. Alors que le coronavirus est officiellement apparu à Wuhan le 16 novembre 2019, des internautes assurent que Pfizer aurait commandé dès le 2 novembre des flacons pouvant contenir le vaccin contre le Covid-19. Un achat auprès du groupe allemand Schott qui aurait poussé les autorités allemandes à mener l'enquête. Le siège de l'entreprise et son usine à Mayence aurait été "perquisitionnés"

Aucune commande jusqu'en juin

Cette affirmation a d'abord été publiée sur Facebook, en français, principalement à partir du 31 décembre. "Ceci est une bombe",  prévient une internaute, en majuscule, dans un texte qui révèle que le "BND" - le Bundesnachrichtendienst, service de renseignement allemand - a "entendu les patrons du verrier Schott dont il a perquisitionné le siège et l'usine de Mayence ce jour". "Pourquoi la perquisition ?", poursuit l'autrice. En résumé, celle-ci explique que Pfizer et BioNTech, qui ont développé ensemble le premier vaccin contre le coronavirus approuvé en Europe, lui auraient commandé des "flacons pour vaccin, résistants à une température de moins 100 degrés", quelques jours avant l'apparition du coronavirus. Un achat qui n'aurait rien d'anodin, étant donné qu'il prévoirait "deux fois 800 millions de flacons". Raison pour laquelle cette internaute conclut que l'industrie pharmaceutique "savait ce qui se préparait".

Une affirmation relativement partagée, mais qui a pris une toute autre ampleur ce week-end. Invité sur Cnews dans le cadre d'un "débat" entre défenseurs et opposants au vaccin,  l'avocat Me Carlos Brusa s'interrogeait sur la manière dont les laboratoires ont pu trouver aussi rapidement ce produit. Une temporalité qui n'a en fait rien de surprenant, comme nous l'avons déjà expliqué ici. Mais pour ce défenseur des anti-vaccins, cette vitesse est suspecte. Et fait partie de ces "choses très ambiguës" qu'il relève dans la recherche médicale. Elle s'ajoute à cette fameuse "perquisition" réalisée en Allemagne. S'il n'accuse pas directement le laboratoire américain de complot, il s'interroge : "Comment se fait-il que le 2 novembre 2019 Pfizer commande déjà des flacons pour un pseudo vaccin qu'aujourd'hui on nous vend comme une création faite pour venir nous sauver ?"

Pourtant aucune source ne prouve que cet événement a réellement eu lieu. Tout d'abord car Schott n'a jamais fait cette commande. Contacté par LCI.fr, le groupe technologique international spécialisé dans le verre dément. Si l'entreprise ne peut pas "confirmer à quels projets" elle livre ses flacons, elle assure que "les premiers contacts avec l'industrie pharmaceutique concernant l'approvisionnement en flacons de verre n'ont eu lieu qu'en 2020, lorsque la pandémie a frappé l'Europe". Une échéance qui coïncide avec le début de la course au vaccin. 

Ce n'est qu'en janvier que Pfizer et BioNTech ont lancé la première phase d'essai de leur vaccin. Et même à ce moment-là, l'entreprise ne disposait pas d'accord pour recevoir des fioles allemandes. Face à un marché qui s'apprêtait à devenir ultraconcurrentiel, le leader mondial dans le secteur de la production de flacons ne voulait pas s'engager avec un laboratoire en particulier. C'est pourquoi, jusqu'en juin 2020, le directeur général de Schott déclarait qu'il refusait encore toute demande de réservation pour de grandes entreprises pharmaceutiques. "Nous devons garder la porte ouverte pour donner des capacités à ceux qui réussiront vraiment", arguait Frank Heinricht auprès de l'agence Reuters.

L'entreprise dément

Quant à une éventuelle perquisition, nos recherches dans la presse allemande ne permettent pas non plus d'avoir de plus amples informations sur cette prétendue opération des renseignements allemands. À noter d'ailleurs que, s'il fallait qu'il y ait enquête, celle-ci ne viendrait probablement pas de la Bundesnachrichtendienst. Équivalent de la DGSE en Allemagne, ce service ne s'occupe que du "renseignement extérieur civil et militaire" et non pas des affaires nationales. Schott a également assuré à LCI.fr n'avoir eu "aucun contact" avec les enquêteurs. Cette rumeur, démentie et infondée, semble donc avoir été construite de toute pièce. 

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Felicia SIDERIS

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