BLABLA - Vous le pratiquez tous les jours sans même vous en rendre compte : le "small talk", c'est cette conversation anodine que l'on engage avec son voisin ou son boucher. Une convention sociale perçue comme une forme de politesse et d'altruisme, mais qui peut aussi être vécue comme un handicap ou une source d'angoisse.
Parler de vos vacances au chauffeur taxi ? Impossible. Discuter de la pluie et du beau temps avec la gardienne ? Pas le temps. Bavarder avec le coiffeur ? Même pas en rêve. Discuter du menu de la cantine à la machine à café avec Francis de la compta ? No way. Ne cherchez plus, vous avez du mal à composer avec ce que l’on appelle communément le "small talk", ce processus de "conversation anodine" destiné à briser la glace, qui relève des conventions sociales. Un art qui, chez certains, demande un effort surhumain tant la banalité des amorces les consternent et qui, chez d’autres, se révèle une seconde nature sur le mode "parler de comment j’ai beurré la tartine de Nutella de Kevin pour le goûter ? Mais bien sûr que je le peux !".
Selon Laurie Hawkes, psychologue et auteure de La force des introvertis (éd. Eyrolles), les adeptes du small talk sont "dans une sorte de boucle vertueuse" : "Plus ils papotent, plus ils savent échanger ainsi, mieux ça se passe." Et les autres, où se situent-ils ? "Les réfractaires à cet art sont ceux qui détestent notoirement le bavardage, ils préfèrent le silence ou bien une conversation importante. Ils s’expriment en réaction aux façons de vivre des extravertis, qui étaient il y a encore peu la norme ; quand on ne parle pas et qu’on préfère le retrait, on est vu comme asocial, bizarre, etc." D’où une aversion grandissante pour la norme du "small talk".
Génération sans contact
Et vous, vous en avez marre de cette injonction sociale du small talk ? La chaîne de salons de coiffure britannique Bauhaus a pensé aux gens dans votre cas en offrant à ses clients un service d’un nouveau genre, le "fauteuil silencieux", avec ce message en exergue : "Nous ne vous poserons aucune question, sauf pour vous proposer un deuxième café". Une belle idée ou pas ? "On tient davantage compte des besoins des rétifs au 'small talk' dans notre société, et ce depuis les livres sur le sujet, notamment celui de Susan Cain (La force des discrets. Le pouvoir des introvertis dans un monde trop bavard, 2012). La part négative, c’est que si les personnes qui s'installent sur les "fauteuils silencieux" en profitent pour aller sur Facebook avec leur smartphone, au lieu de parler avec un être humain, c’est navrant."
Certains exégètes vont même plus loin, évoquant le refus du small talk comme un reflet de la "génération sans contact", soit les millenials qui préfèrent scroller leur smartphone que parler. La psychanalyste nuance : "Il ne faut pas confondre ceux qui ont du mal avec les contacts superficiels, la jovialité, les embrassades et autres exclamations, et ceux qui ont perdu l’habitude du contact à cause du smartphone et autres nouvelles méthodes de communication. Pour ces derniers, il faut réapprendre le contact "IRL" ("In Real Life", dans la vie réelle en français) tant ils perdent l’habitude des contacts réels, de visu mais aussi avec possibilité de toucher — se serrer la main, toucher l’épaule ou le bras de l’autre, etc. Or, perdre ces contacts physiques n’est pas une bonne chose pour la plupart des gens. On le constate dans les EHPAD par exemple, ou les personnes âgées, peu touchées, sont comme des plantes assoiffées lorsque quelqu’un prend le temps de leur caresser la joue, le bras ou les cheveux."
Small talk, big effort
Mais pourquoi certains ont-ils tant de mal avec le small talk ? Timidité, orgueil ou autre ? "Mieux vaut parler de personnes naturellement extraverties ou introverties, nous assure la psychiatre. Les extravertis, si l'on se fie aux stéréotypes, ont besoin de plein d’échanges, en personne, ils parlent fort, se tapent dans le dos, et après avoir participé à une fête bien bruyante, ils rentrent chez eux tout rechargés, ont envie de ressortir ou de continuer jusqu’au matin. Tandis que les introvertis préfèrent un peu de contact avec des proches, ou de la réflexion avec une ou deux personnes, et après avoir vu du monde, ils sont fatigués et se ressourcent dans la solitude"
Bien, mais quelles sont les vertus du "small talk", pour donner envie à ceux qui aimeraient "composer" avec ce petit échange courtois destiné à briser la glace ? La première, la plus simple : créer du lien social, ce qui correspond à un besoin essentiel qu’est le contact humain. L'anthropologue britannique Robin Dunbar appelle cela du "toilettage verbal", l’équivalent du "grooming" pour les grands singes, c’est-à-dire les séances d’épouillage mutuel.
On peut avoir besoin d’aide de la part de nos voisins, alors mieux vaut cultiver de bonnes relations avec eux
Laurie Hawkes, psychanalyste
Et pour y parvenir, il ne faut pas s’enfermer dans l’idée que l'on n'en est pas capable et écarte toute forme de mépris. "Nos voisins, nos commerçants nous apprécient notamment parce que nous répondons à leurs messages : "Ah, ce qu’il a fait chaud, cet été"…, relève Laurie Hawkes. Si on se contente de hausser les épaules en regardant le voisin comme s’il était idiot, il ne nous aimera guère. Alors qu’échanger quelques remarques sur la météo nous met en relation. Il est donc judicieux d’apprivoiser doucement cette capacité. Déterminer quelques sujets sur lesquels on pourrait échanger avec un relatif plaisir, apprendre à orienter les bavardages sur nos sujets de prédilection pour pouvoir y participer de bon cœur. Egalement avoir quelques répliques un peu automatiques suffisantes pour ne pas vexer les interlocuteurs. Ma tante préférée, quand on lui parlait longuement de choses qui ne l’intéressaient pas, m’a conseillé de dire en hochant la tête, 'Ah, ça…' En fait, c’est assez pratique !"
Hans Selye, "inventeur" de la notion de stress, disait que, pragmatiquement, le small talk reste dans notre intérêt. "On peut avoir besoin d’aide de la part de nos voisins, alors mieux vaut cultiver de bonnes relations avec eux", confirme la psychologue.
"Sans contact, notre moelle épinière se flétrit"
Bien sûr, l'art du small talk réclame d'oublier tous les sujets risqués (famille, santé, argent), négatifs (accident, conflit, problème) et les tabous (politique, religion, sexe). Accessoirement, n’oublions jamais cette inéluctable vérité de mortels : hormis quelques vrais sages capables de mener des vies d’anachorète sans dépérir, eh bien non, les humains ne peuvent pas se passer de contacts humains : "Eric Berne, qui a créé l’analyse transactionnelle, disait que sans contacts, 'notre moelle épinière se flétrit'. Une image, bien sûr, mais elle est parlante. On dépérit, on se déprime, sans contacts en suffisance."
Ne soyez donc pas surpris si, selon les travaux de la linguiste Véronique Traverso, les Français demandent trois fois des nouvelles de la santé de leur interlocuteur avant de se lancer dans une discussion et si, selon une étude réalisée en 2010 par l’anthropologiste anglaise Kate Fox, plus de neuf personnes sur dix admettent avoir parlé de la météo lors des six dernières heures. Comment ça, vous avez-vous dit "y a plus saison" à votre collègue il y a moins d’une heure ?
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