Après les pénuries de paracétamol et d'amoxicilline cet hiver, des tensions sur l'approvisionnement de pilules abortives ont été constatées ces dernières semaines.Des situations récurrentes qui interrogent sur la politique du médicament en France.Laurence Cohen, rapporteuse de la commission d'enquête sur le sujet au Sénat, fait le point pour TF1info.
Après le paracétamol et l'amoxicilline cet hiver, la pilule abortive. Depuis plusieurs semaines, professionnels et associations féministes constatent des difficultés pour obtenir des produits contenant du misoprostol, nécessaire pour les IVG médicamenteuses. Si le ministère de la Santé et l'Agence nationale de sécurité du médicament (Ansm) assurent que des mesures ont été prises pour que la situation s'améliore, ces tensions récurrentes interrogent.
Pour la sénatrice PCF Laurence Cohen, ces pénuries ont les mêmes causes. Rapporteuse de la commission d'enquête sur la pénurie de médicaments et les choix de l'industrie pharmaceutique française actuellement en cours au Sénat, l'élue du Val-de-Marne fait le point pour TF1info.
Comment jugez-vous les tensions sur les pilules abortives dans certains territoires ? Le ministre de la Santé récuse le terme de pénuries, tandis que les associations s'inquiètent...
Je partage les inquiétudes. Le ministre Braun a essayé de minimiser les choses. Il a tenu les propos qu’il avait déjà tenus lorsque nous étions en pénurie de paracétamol ou d’amoxicilline. Ce sont des éléments de langage qui sont repris, mais il n’y a pas grand-chose dans les actes pour remédier à cette situation. Donc oui, c’est inquiétant. L’Ansm signale qu’elle a été alertée d'un retard de fabrication par le laboratoire, fin 2022. On est mi-avril et on est difficulté. Or cela remet en cause l’intervention volontaire de grossesse, un droit fondamental pour les femmes. Il y a des sources d’inquiétude.
La sénatrice EELV Mélanie Vogel a appelé le gouvernement à activer le mécanisme de licence obligatoire pour les pilules abortives, le misoprostol étant toujours sous brevet. Que pensez-vous de cette solution ?
Oui, il y a des dispositifs aujourd’hui, comme la licence obligatoire. Je suis frappée par le fait qu’il y ait une inertie en France pour ne pas utiliser les mécanismes qui sont à disposition. C’était pareil pendant la pandémie de Covid, quand il pouvait y avoir des réquisitions au niveau des laboratoires, cela n’a pas été fait. Il y a des outils qui ne sont pas utilisés. Malheureusement, si des solutions extrêmement urgentes ne sont pas prises, cela va se poursuivre pour d’autres molécules. Il y a eu le paracétamol, l’amoxicilline, maintenant la pilule abortive. Cela peut toucher tous les médicaments. On voit bien qu’il y a une faille au niveau du système tel qu’il est aujourd’hui.
Les pénuries touchent de plus en plus de molécules
Laurence Cohen, sénatrice PCF
Vous craignez que d'autres pénuries se déclarent ?
Évidement puisque c'est la même politique qui est menée. On voit bien que les pénuries touchent de plus en plus de molécules. Si on remonte à la source, on voit bien que ce sont les mêmes politiques qui provoquent les mêmes effets puisque c’est la même politique qui est menée au niveau national, au niveau européen, au niveau mondial. Quand on assiste à des situations de tensions, on est toujours sur les mêmes causes : la concentration sur un site unique, ce qui rend vulnérable la production, et le fait qu’au niveau de la propriété intellectuelle, souvent, c’est un brevet qui est détenu par un laboratoire, ce qui empêche de pouvoir faire, par exemple, des génériques.
Or, aujourd'hui, il y a une concentration des productions. Il y a quelques années, il y avait de nombreux sites de production en France, qui produisaient, fabriquaient, distribuaient les médicaments. Pour augmenter les marges bénéficiaires, ces sites ont été fermés et délocalisés en Chine et en Inde parce qu’il y a une main d’œuvre beaucoup moins chère, des normes environnementales beaucoup moins exigeantes. Mais en concentrant la production sur un seul site, dès qu’il y a un petit problème d’impureté, dès qu’une chaine ne fonctionne pas, cela stoppe tout et cela impacte celles et ceux qui utilisent ce médicament.
Vous êtes rapporteuse depuis janvier de la commission d'enquête sur la pénurie de médicaments et les choix de l'industrie pharmaceutique française qui est actuellement en cours au Sénat. Les conclusions vont être présentées en juillet, mais quelle solution proposez-vous d'ores et déjà ?
Nous travaillons et je ne veux pas anticiper les conclusions de la commission d’enquête. Pour ce qui me concerne, à ce moment de la réflexion, je pense qu'il faut au moins, sur un certain nombre de médicaments qu’on identifie comme critiques, avoir une action de relocalisation publique, pour avoir une production et une distribution à disposition du public. Il y a besoin de réfléchir à court, moyen et long terme. Pour moi, cela passe par une relocalisation au niveau de la France pour partie, mais aussi au niveau européen, de façon coordonnée, pour avoir ces productions dans un périmètre de proximité.
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