VETO - Après une énième proposition retoquée en décembre, la Commission européenne a subi un nouveau revers ce mardi en n'obtenant toujours pas de majorité pour son nouveau projet de réglementation des perturbateurs endocriniens, ces substances chimiques susceptibles de dérégler le système hormonal.
Retour à la case départ. La Commission européenne tente depuis des mois, en vain, de trouver un cadre réglementaire aux perturbateurs endocriniens, ces substances chimiques, Bisphénol A ou phtalates, que l’on trouve dans les objets du quotidien. Dernier round en date, mardi 28 février, date à laquelle les Etats membres étaient à nouveau réunis mais sans plus de succès. La France, le Danemark ou encore la Suède, ont refusé de voter la proposition de la Commission en faisant part de leurs désaccords sur le fond du texte, toujours inacceptable à leurs yeux.
Il faut plus que jamais maintenir la pression
Générations Futures
Si ces perturbateurs endocriniens suscitent autant le débat, c'est que les enjeux de santé publique sont de taille. Ces substances, même à des doses infimes, peuvent perturber le fonctionnement du système hormonal. Pour l'association Générations Futures, contactée par LCI, "ce recul de la Commission est une bonne nouvelle mais, encore une fois, rien n’est joué ! Il faut plus que jamais maintenir la pression". Car sans texte, aucun moyen d'encadrer, à l'échelle européenne, la commercialisation des produits contenants ces substances. Même son de cloche pour Denis Voisin, porte-parole de la Fondation Hulot qui souhaite, lui, "que la Commission européenne soit intransigeante face aux lobbies". Car c'est bien là le noeud du problème.
"Le niveau de preuves exigé est bien trop élevé"
Pour mieux comprendre, petit retour en arrière : 15 juin 2016, avec trois ans de retard par rapport aux délais fixés par la loi, la Commission européenne donne enfin SA définition des perturbateurs endocriniens qui s'appuie, selon elle, sur celle de l'OMS : "Une substance qui a des effets indésirables sur la santé humaine et qui agit sur le système hormonal, et dont le lien entre les deux est prouvé". Cette proposition essuie aussitôt un feu nourri de critiques, à l'image de l'association Générations Futures qui nous explique que "le niveau de preuves exigé (effet néfaste + effet hormonal + effet causal) pour retirer les perturbateurs endocriniens du marché est bien trop élevé".
La députée européenne écologiste Michèle Rivasi en conclut que "cette Commission n'a aucun scrupule. Sa proposition ne tient nullement compte du principe de précaution qui devrait s'imposer pour ces agents chimiques. Dans le cas par exemple du Bisphénol A (molécule scientifiquement reconnue pour ses propriétés perturbatrices du système hormonal), la proposition actuelle impliquerait de prouver l'apparition d'effets indésirables, d'identifier le mode d'action endocrinien et d'établir un lien entre ces deux critères. On est bien loin de la définition de l'OMS qui n'exige que le premier critère".
Industries phytopharmaceutiques et le lobby du tabac, même combat
Jean Lefevre, porte-parole de Santé Environnement France
Après avoir retravaillé sa copie à plusieurs reprises, la Commission européenne a finalement livré sa dernière version en décembre. Une nouvelle définition "inacceptable" pour la ministre de l'Environnement Ségolène Royal, qui interdirait encore moins de substances. En cause, un rajout de dernière minute qui "exclut les substances actives conçues volontairement pour agir sur les systèmes hormonaux des organismes cibles, insectes pour les insecticides et mauvaise herbes pour les herbicides", explique François Veillerette, le directeur de Générations Futures.
"Selon nos recherches, cette définition empêcherait d’interdire en tant que perturbateurs endocriniens au moins une trentaine de pesticides autorisés en Europe", ajoute François Veillerette. Selon l’association, cette exemption est une demande récurrente de l’industrie phytopharmaceutique (plusieurs milliards d'euros sont en jeu) à laquelle la Commission a semble-t-il cédé. L’Allemagne, pays siège des fabricants de pesticides Bayer et BASF, serait à l’initiative de cet ajout qui figure toujours dans le texte.
Pour le docteur Jean Lefevre, porte-parole de Santé Environnement France joint par LCI, "toutes les techniques sont bonnes du côté des industriels pour bloquer la situation. Leurs intérêts sont les mêmes que pour le lobby du tabac". Le tabac, dont on ne cache plus les effets néfastes, et qui est le premier polluant présent dans les logements. "Il faut savoir que la fumée de cigarette contient quatre mille substances, dont plus de quarante sont cancérigènes", rappelle Jean Lefevre.
Quelle position pour la France ?
"Fort heureusement, en décembre, les événements ne se sont pas passés exactement comme la Commission l'aurait souhaité", lance François Veillerette. "Malgré les pressions exercées , de nombreux Etats membres (dont la France et la Suède) se sont opposés à cette nouvelle proposition, la Commission n'obtenant même pas 40% des votes en sa faveur".
La France qui, comme d'autres Etats membres, demande une définition qui permette de classer les perturbateurs endocriniens selon trois cas : avérés, présumés ou suspectés (à l'image de la classification des cancérigènes). Ce dispositif permettrait de catégoriser les substances de façon graduée en fonction des connaissances scientifiques disponibles. Manifestement, elle n'a toujours pas été entendue par Bruxelles.
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