Peut-on transmettre le virus même si l'on a été vacciné ?

Publié le 11 mai 2021 à 13h05, mis à jour le 11 mai 2021 à 13h19
La vaccination est aussi un moyen de casser les chaînes de contamination.
La vaccination est aussi un moyen de casser les chaînes de contamination. - Source : RAPHAEL LAFARGUE / POOL / AFP

LES VÉRIFICATEURS AVEC L'INSERM – De multiples messages remettent en cause l'utilité des vaccins, assurant que les personnes ayant reçu des injections peuvent tout de même transmettre le virus. Des affirmations que les études tendent pourtant à infirmer.

Reste-t-on potentiellement dangereux pour autrui une fois que l'on a été vacciné ? Dans la sphère "antivax", on assure que recevoir un vaccin ne vous empêchera pas de transmettre à quelqu'un le virus. Une position reprise notamment par le député européen du Rassemblement National, Nicolas Bay. Sur France Info, il a assuré que "aujourd'hui, il n'y a aucune étude qui établit que la vaccination vous empêche de porter le virus et de le transmettre". 

Très affirmatif, l'élu a toutefois été contredit par Karine Lacombe, infectiologue et épidémiologiste, cheffe de service des Maladies infectieuses de l'Hôpital Saint-Antoine (AP-HP). "On sait maintenant que les vaccins préviennent la transmission du virus", assurait-elle deux jours auparavant en direct sur BFMTV. Pour faire le point sur la question et s'intéresser aux données disponibles, Les Vérificateurs ont sollicité Marie-Paule Kieny. Directrice de recherche Inserm et membre du comité scientifique sur les vaccins, elle indique que les premiers éléments à notre disposition tendent à montrer une réduction notable de la transmission du virus chez les personnes vaccinées.

Merci Israël !

En préambule, la spécialiste estime qu'il est délicat de répondre à cette question en évoquant tous les vaccins dans leur intégralité. En effet, nous ne disposons pas d'études "pour tous les vaccins disponibles" à l'heure qu'il est. Celui développé par Pfizer-BioNTech est le mieux documenté, notamment parce que ces laboratoires "publient beaucoup d'informations relatives à leurs résultats".

Marie-Paule Kieny souligne que "pour disposer de données sur la transmission, il faut pouvoir en récolter dans la vie réelle", et pas uniquement se contenter d'éléments récoltés lors d'essais cliniques. D'où l'importance pour elle des travaux qui ont été menés en Israël. À la pointe de la vaccination, le pays a eu très largement recours aux doses de Pfizer, permettant aux chercheurs de s'appuyer sur une "très large évaluation, auprès de personnes jeunes autant que sur d'autres plus âgées". Les résultats, mis en avant dans une étude sortie fin mars, se sont révélés plus qu'encourageants : la charge virale mesurée chez les personnes ayant reçu une dose du vaccin Pfizer se révélait 3 à 4,5 fois plus faible que chez les non-vaccinés. Cette charge virale étant directement liée à la contagiosité d'un individu, on peut ainsi observer que la vaccination réduit de manière notable la transmission du virus.

"Cela ne veut pas dire que seul le Pfizer affichera de tels résultats", glisse Marie-Paule Kieny, "on peut notamment supposer que celui de Moderna affichera une efficacité similaire, sachant qu'il est conçu à partir d'une plateforme similaire". À défaut de pouvoir le certifier, la spécialiste estime qu'il est raisonnable de juger cette hypothèse très crédible. Quant aux autres vaccins, développés sur la base de technologies différentes, elle admet volontiers qu'il est encore "un peu tôt pour se prononcer".

"L'investigation scientifique" réalisée en Israël nous apporte de nombreux enseignements. Des résultats qu'il aurait sans doute été plus difficile de récolter ailleurs dans le monde. L'experte de l'Inserm insiste en effet sur le fait que l'État hébreu ne compte que 9 millions d'habitants, ce qui permet de vacciner assez rapidement toute une population. Par ailleurs, en échange d'approvisionnements massifs et rapides, le gouvernement de Netanyahu a accepté de fournir à Pfizer de multiples informations sur les effets de la vaccination. Des éléments d'autant plus faciles à compiler que le pays dispose de données médicales digitalisées pour la totalité de sa population. "Mettre à disposition tout cela, ce serait probablement compliqué, voire impossible dans de nombreux pays dont la France", juge Marie-Paule Kieny.

S'attaquer aux chaînes de transmission

À mesure que l'impact des vaccins sur l'incidence se précise, il est possible de faire évoluer la stratégie de lutte contre le Covid. Contre d'autres agents pathogènes, certains vaccins protègent en effet des formes graves, sans pour autant empêcher la transmission. Si cela permet de réduire la mortalité, la circulation d'un virus ne sera que partiellement ralentie. Dans le cas du SARS-CoV-2, les données dont nous disposons semblent plus encourageantes, puisque vacciner revient non seulement à protéger des formes graves, mais également à diminuer de façon massive la propagation du virus d'une personne à l'autre. D'où une forme de "pivotement" des autorités sanitaires, selon Marie-Paule Kieny. Si ce dernier ne dit pas son nom, elle observe qu'à "l'objectif premier de protéger les plus vulnérables" s'en substitue désormais un nouveau : vacciner largement pour "diminuer l'incidence et casser les chaînes de transmission". 

À défaut de disposer de données aussi précises qu'en Israël, la France cherche également à effectuer un suivi précis de la campagne de vaccination, constate la chercheuse de l'Inserm. "Santé Publique France est en train de travailler pour faire communiquer entre elles les différentes bases de données". Une "interconnectabilité" indispensable pour parvenir à "consolider" les éléments récoltés, condition sine qua non à la réalisation d'analyses détaillées par les scientifiques à l'avenir. 

En résumé, on constate donc qu'à l'heure actuelle, les études disponibles mettent en avant une réduction très nette de la charge virale chez les personnes qui seraient vaccinées. Un point essentiel puisqu'il est synonyme également de réduction de la transmissibilité du virus. Si les travaux dont nous disposons portent aujourd'hui essentiellement sur le vaccin Pfizer-BioNTech, les chercheurs estiment que des résultats similaires pourraient être attendus avec les autres vaccins développés. En particulier ceux qui s'appuient sur la technologie de l'ARN messager. Pour en avoir la confirmation, il faudra disposer de plus de données, des informations qui seront récoltées et analysées à mesure que les campagnes de vaccination progresseront en France et dans le reste du monde. 

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Thomas DESZPOT

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