RÉCIT - Il y a un an, Emma, 34 ans et atteinte d'endométriose, a fait congeler ses ovocytes. Une démarche qui n'est pour le moment autorisée en France que dans certains cas et qui, comme elle le raconte à LCI, est loin d'être facile et accessible.
Le 25 septembre, le Conseil consultatif national d'éthique (CCNE) a rendu un rapport dans lequel il se disait favorable, entre autres, à l'extension de la congélation d'ovocytes pour toutes. Car aujourd'hui, seules les femmes présentant une maladie compromettant leurs chances de procréer peuvent en profiter et être (quasi-intégralement) remboursées par la Sécurité sociale. Emma, 34 ans, en fait partie. Atteinte d'endométriose, une maladie chronique qui touche une femme sur dix en âge de procréer, elle a congelé ses ovocytes il y a un an pour se garder une chance d'avoir un enfant.
Le début d'un long chemin
"J’ai été diagnostiquée au bout de dix ans de douleurs infernales. Et il a fallu m’opérer à 25 ans", raconte-t-elle. Si son opération s'est dans l'ensemble bien déroulée, elle garde en revanche un souvenir amer du spécialiste qu'elle a rencontré juste avant. "[Il] m'a dit : 'De toute façon, il faut vous opérer et si vous n’avez pas d’enfant l’année prochaine, c’est mort.' J’avais 25 ans donc c’était un peu difficile." La suite s'avère compliquée. Emma a ses règles en continu et aucun traitement ne parvient à les arrêter. Un état, cumulé à des problèmes familiaux suivis d'un deuil, qui ne favorise pas les relations amoureuses. "Donc les années ont passé. J’ai eu des histoires longues mais qui n’ont finalement pas marché", explique-t-elle.
J’ai choisi d’aller à Bondy
Emma
Célibataire, la trentaine passée et "les ovaires fatigués", Emma décide finalement de s'intéresser à la congélation de ses ovocytes. "J’ai retrouvé un post-it que mon chirurgien m'avait donné pour une gynécologue de ville. Je suis allée la voir et elle m’a dit que dans les cas d’endométriose, on faisait maintenant une ponction ovarienne avant l’opération. Donc j’étais bien dégoûtée parce qu’on aurait pu faire une pierre deux coups si cela avait été le cas à l'époque." Emma apprend cependant que dans le cadre de sa maladie, l'intervention et la congélation seront prises en charge par la Sécurité sociale. "J’ai choisi d’aller à Bondy, qui est certes un peu loin de Paris, mais j’y ai trouvé un docteur très ouvert et ne portant pas de jugement moral", dit-elle.
Des piqûres tous les soirs et 7 kilos en plus
Après une première consultation, la trentenaire doit faire une prise de sang pour évaluer sa fertilité, non remboursée par la sécurité sociale précise-t-elle. "Après, et ça coûte aussi très cher, je suis allée chez un gynécologue pour vérifier le nombre d’ovocytes qui sont potentiellement plus féconds que les autres. Ce n’était pas glorieux étant donné que j’ai une endométriose depuis longtemps et que j’ai une pilule en continu qui empêche toute ovulation", se souvient-elle. Emma arrête ensuite la pilule et fait une cure d'hormones. "Ça veut dire que tu te fais une piqûre tous les soirs à la même heure jusqu’à ce que tes ovocytes soient matures et atteignent un certain diamètre. Pour moi ça a duré dix jours. Pendant ce temps-là, tu es dans une fatigue extrême tout le temps. Je me couchais à 20h."
Le service ouvrait à 8h, mais il y avait déjà la queue à 7h
Emma
Les "doses de cheval" qu'elle doit s'administrer lui font prendre sept kilos. Son ventre gonfle, tant et si bien qu'elle finit par avoir du mal à grimper les cinq étages qui la mènent chez elle. Dans le même temps, la jeune femme doit se rendre à l'hôpital tous les deux jours pour faire une prise de sang et une échographie. "Il fallait arriver très tôt parce que je crois que le service ouvrait à 8h mais il y avait déjà la queue à 7h. Donc le temps d’aller à Bondy, je partais vers 4h30-5h." De nombreux rendez-vous que sa profession libérale lui permet heureusement d'honorer.
Ça fait comme une décharge à l’intérieur
Emma
Lorsque ses ovocytes sont décrétés assez matures, Emma peut enfin subir, sous anesthésie locale, ses ponctions. Quatorze au total. "Une seringue t’absorbe ton ovocyte. Il ne vaut mieux pas regarder l'aiguille tellement elle est grosse. Ça fait comme une décharge à l’intérieur, tu as des spasmes." Après cette intervention, Emma ne reste que deux heures à l'hôpital et repart sans arrêt de travail. Un manque de recul et de repos après ces épreuves qu'elle regrette aujourd'hui, même si cela est compensé par le fait, rassurant, que treize de ses ovocytes sont maintenant congelés. Cela lui assure environ 70% de chance d'avoir un enfant. "Là, ils sont dans un énorme frigo à Bondy", explique-t-elle. Ils y resteront pour l'heure, la jeune femme attendant de voir comment évoluera sa vie amoureuse. "Mais il fallait que je le fasse, et que je m’allège de ce poids là".
Une intervention réservée à une certaine classe ?
Si la jeune femme est désormais soulagée d'avoir pu bénéficier de cette intervention, elle se pose tout de même la question de son accessibilité. "A Bondy, dans le département de gynécologie-obstétricienne où je me rendais, j'avais tout de même l'impression que ceux qui venaient pour une congélation d'ovocytes étaient des gens qui avaient les moyens d'en être informés, de passer des échographies à 170 euros... Il faut vraiment aller chercher l'information, avoir les gens qui conseillent. Et malheureusement j'ai l'impression que c'est plus réservé à des gens qui ont les moyens." En tout, tous ces rendez-vous médicaux lui ont coûté 1500 euros. Un coût cependant majoré par sa volonté de se diriger vers des consultations privées suite à sa mauvaise expérience de public, lors de son opération à l'âge de 25 ans.
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