Pourquoi, quand un voyageur se lève le premier pour descendre d'un train, tout le monde se précipite comme lui ?

Publié le 23 août 2019 à 13h06, mis à jour le 23 août 2019 à 13h20
JT Perso

Source : JT 20h Semaine

IMITATION - Nombreux sont ceux qui se lèvent précipitamment avant l’arrivée d’un train en gare ou l’arrêt complet d’un avion pour suivre le premier passager debout. Mais, au fait, d’où vient ce réflexe pavlovien ?

Vous n’êtes pas du tout arrivé à destination que, déjà, un mouvement se créé, une file de voyageurs prend forme... De plus en plus nombreux, les impatients stagnent debout, lourd bagage à la main. Si désœuvrés qu’ils regardent ce que font les autres passagers assis, affalés sur les accoudoirs. Leur dessein : être les premiers à sortir du train. 

Bien sûr, certains ont de très bonnes raisons de se précipiter dans le sas, comme nous le confie Amandine : "Moi, c’est pour arriver à la borne de taxi avant tout le monde et, justement, éviter d’attendre quarante minutes ensuite". Certes, mais quand tout un wagon s’y met de concert ? Besoin impératif de prendre une correspondance ? D’attraper un taxi ? D’aller aux toilettes ? Ou c’est juste pour-faire-comme-tout-le-monde ? 

Selon le psychologue Samuel Comblez, sollicité par LCI jeudi 22 août, "beaucoup d'études montrent qu'un individu dans un groupe ne se comporte pas de la même manière que lorsqu'il est seul. Cela se confirme quand on constate qu'il suffit qu'un seul voyageur se lève dans le couloir pour le voir suivi par tous les autres passagers. Si les autres le font, l'être humain pense que ce comportement est adapté et donc qu'il doit le reproduire."

Par extension, il y a une nécessité de retrouver l'extérieur pour ne pas laisser une minute d’ennui supplémentaire à ce trajet : "De manière générale, on se dépêche de se lever pour atteindre plus vite son objectif de sortie et de liberté afin de reprendre sa vie mise entre parenthèse durant le voyage", poursuit-il. "Tout ce qui empêche cette libération devient alors un obstacle qui génère de l’énervement." En somme, "je suis un passager, sortez-moi de là". La réciproque s’avère valable de la même façon pour ceux qui veulent rapidement monter dans le train alors qu’ils sont placés. L’enjeu est absurde mais personne n’y résiste. 

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"À expérience particulière, comportement particulier"

Ce besoin de se dégourdir ne concerne pas seulement les longues minutes avant l’arrivée du train dans la gare. L’avion, aussi, se révèle fort révélateur de cette contagion. Tout d’abord, chez ceux qui ne peuvent patienter avant d’embarquer : "les voyages aériens nous conduisent souvent vers la plage, les vacances, la détente... Mais avant d'atterrir, il faut supporter le passage obligé de l'aéroport et accepter de se retrouver coincé dans un espace très petit dans lequel nous n’accepterions pas de rester si longtemps et avec autant de personnes si nous étions à terre. En bref, prendre l'avion est une expérience singulière dont la majorité des êtres humains n'a pas l'habitude. Et à expérience particulière, comportement particulier."

D’où l’incapacité de rester assis au moment de l’atterrissage et du fameux "désarmement du toboggan" : "Rester si longtemps enfermé donne des envies de libertés et de grands espaces", poursuit-il. "L'impression du voyageur est qu'en se plaçant dans le couloir de l'avion sitôt qu'il a touché terre, il pense qu'il aura plus rapidement accès à l'air libre ; et peu importe s'il bloque le passage des autres."

S’ajoute à l’avion un paramètre non négligeable : la trouille ! Les statistiques s'accordent à dire que le décollage et l'atterrissage sont les moments les plus à risques d'un voyage aérien : "Si les accidents sont très rares, la montée d'angoisse qui parcourt les voyageurs doit pouvoir expliquer cette empressement à quitter au plus vite l'espace dans lequel ils viennent de vivre une expérience de grande inquiétude", constate le psychologue. "La peur explique aussi la raison pour laquelle les voyageurs s'agglutinent les uns aux autres lors de l'embarquement. La proximité corporelle avec les autres voyageurs crée une sorte d'enveloppe protectrice qui semble nous protéger et ainsi nous rassure. Nous sommes des Terriens et être dans les airs n’est pas naturel. Nous maîtrisons peu de choses, nous sommes soumis aux aléas météorologiques, aux retards, à la promiscuité... Et la seule chose que nous pouvons contrôler librement, ce sont nos déplacements, en dehors des périodes de turbulences." Tout s’explique donc, même les comportements les plus déconcertants qui, de toute façon, ne vous feront pas arriver plus tôt.  


Romain LE VERN

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