"Mes filles ne m'avaient jamais entendue parler" : une première greffe de larynx réussie en France

Publié le 20 novembre 2023 à 16h40, mis à jour le 20 novembre 2023 à 17h27

Source : Sujet TF1 Info

Une femme a recouvré la parole après une greffe du larynx, une première médicale en France.
L'intervention, rarissime, a eu lieu en septembre dernier, et a été rendue publique ce lundi.
La patiente avait perdu l'usage de son larynx il y a plus de vingt ans, à la suite de complications chirurgicales.

"Cela me fait bizarre de parler à nouveau". Une femme vient de bénéficier de la première greffe de larynx en France, une intervention présentée lundi à Lyon par l'équipe médicale qui a réalisé cette "prouesse", et espère la répéter prochainement. Identifiée sous son seul prénom, Karine, une patiente âgée de 49 ans, respirait par trachéotomie depuis une vingtaine d'années, sans pouvoir parler, à cause de complications liées à une intubation après un arrêt cardiaque en 1996. 

Si à peine une poignée d'interventions identiques ont eu lieu dans le monde depuis une première aux États-Unis en 1989, c'est à la fois à cause de leur extrême difficulté technique, et de l'absence de caractère prioritaire. Un larynx dysfonctionnel est très handicapant, mais ne met pas en danger la vie des patients. 

Quelques jours après la greffe, réalisée les 2 et 3 septembre à Lyon, elle a pu prononcer quelques mots d'une voix encore très faible. Elle suit depuis des séances de rééducation des cordes vocales, de la déglutition et de la respiration avec une orthophoniste pour recouvrer toutes ses capacités. Son traitement immunosuppresseur a été renforcé à la suite d'un début de rejet, mais elle a pu rentrer chez elle dans le sud de la France le 26 octobre. 

Elle n'a donc pas participé lundi à la présentation de l'intervention, mais a expliqué par écrit s'être portée volontaire, il y a dix ans, "pour retrouver une vie normale". "Mes filles ne m'avaient jamais entendue parler", confie-t-elle en assurant être armée de "courage" et de "patience" pour faire face aux douleurs et au travail de réapprentissage. 

27 heures d'opération au total

C'est le professeur Philippe Céruse, chef du service ORL et chirurgie cervico-faciale de l’hôpital de la Croix-Rousse, qui a initié le long processus qui vient d'aboutir à cette greffe inédite en France. Le prélèvement du larynx est "l'un des aspects les plus complexes" d'une telle opération, car cet organe "est innervé par de tout petits nerfs et vascularisé par de toutes petites artères et veines qui s’entrecroisent", explique le médecin lyonnais. 

Formé par un chirurgien colombien qui avait réussi l'opération en 2010, le Français s'est entraîné avec une équipe d'experts sur des cochons ou des cadavres, a obtenu les autorisations nécessaires, et a commencé à chercher des patients éligibles. "Karine" est identifiée dès 2019, mais le Covid interrompt tout. C'est le 1ᵉʳ septembre dernier qu'un don de larynx compatible permet de procéder à l'intervention, qui a duré 27 heures en cumulé.

Douze chirurgiens et une cinquantaine de personnels du CHU de Lyon ont participé à cette première, sous la coordination du professeur Céruse et de son confrère Lionel Badet, chef du service d'urologie et de chirurgie de la transplantation de l'hôpital Edouard Herriot. L'équipe se dit aujourd'hui "fière" de cette "prouesse", mais reste tout de même prudente. "C'est la patiente qui dira si c'est un succès", relève Philippe Céruse, estimant qu'il faudra 12 à 18 mois pour qu'elle retrouve la motricité de son larynx "le temps de la repousse nerveuse". Il attendra donc qu'elle "se porte parfaitement bien" avant de se lancer dans les deux autres greffes du larynx, pour lesquelles il dispose d'un budget. 

En attendant, les équipes de transplantation de Lyon – qui ont déjà réalisé la première greffe mondiale d'une main en 1998 - continuent de travailler sur d'autres organes non vitaux, mais dont les dysfonctionnements sont synonymes "de mort sociale", comme le souligne le professeur Badet. Et de projeter qu'après les bras, les avant-bras et le larynx, ce sera le tour "dans les deux ans qui viennent des greffes d'utérus et de pénis"


Frédéric SENNEVILLE avec AFP

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