Mais pourquoi certains sont-ils systématiquement en retard ?

par Amandine REBOURG Amandine Rebourg
Publié le 18 septembre 2018 à 16h17, mis à jour le 23 septembre 2018 à 17h16
Mais pourquoi certains sont-ils systématiquement en retard ?
Source : master1305/Thinkstock

IMPOLITESSE DES ROIS - Ils ne sont jamais à l'heure et ont toujours une bonne excuse pour justifier le fait qu'ils nous ont fait patienter de longues minutes. Eux, ce sont les retardataires compulsifs. Cette fâcheuse habitude, qui a des conséquences plus ou moins lourdes au quotidien, peut avoir des explications scientifiques.

L'écrivain André Maurois disait que "le retard est la politesse des artistes". Différentes études ont en effet montré que les retardataires sont, au choix, plus créatifs, plus optimistes ou plus tranquilles que les autres. Mais tout ceci, souvent, au détriment d'un entourage qui perd patience ou doit constamment s'adapter. 

Je sais que c'est de l'impolitesse
Laurent, "toujours en retard"

Laurent est, de son propre aveu, toujours en retard. Il estime que cela fait partie de la "nature de certaines personnes," comme la sienne donc, et qu'il faut l'accepter comme il est. Ses retards ont commencé dès le collège, en raison de réveils trop tardifs mais aussi de sa tenue vestimentaire : "L'accord vêtements-chaussures était difficile à trouver", confie-t-il. Aujourd'hui, rien n'a changé. "Même en partant en avance, je ne suis jamais à l'heure. Le plus fou, c'est que ce n'est pas une mauvaise volonté de ma part. Je sais très bien que c'est de l'impolitesse car le peu de fois où je suis dans les temps, je n'aime pas quand ce sont les autres qui me font attendre", dit-il. Dans le travail, ses retards ne l'ont jamais vraiment pénalisé. "J'ai bien eu quelques sermons, mais comme je suis quelqu'un de très consciencieux et je ne compte pas mes heures..." Mais il reconnaît que son rapport au temps "rend fou [ses] collègues". 

Je pense toujours que je peux faire les choses en 10 minutes, alors qu'il m'en faudrait au moins 20
Julie, retardataire au quotidien

Dans ses souvenirs, Lucie a elle aussi toujours été en retard. "Je pense toujours que je peux faire les choses en 10 minutes, alors qu'il m'en faudrait au moins 20. Au quotidien, je suis en retard parce que je ne calcule pas les marges de problèmes potentiels dans les transports. J'ai une vision temporelle qui n'est pas bonne, donc si j'ai un imprévu de travail ou de transport, c'est cuit !", raconte cette jeune cadre trentenaire, directrice de sa structure qui peut donc, par chance, arriver à l'heure qu'elle souhaite à son travail. 

Une hiérarchisation des retards

Bien consciente d'être toujours en retard d'environ 15 à 20 minutes, la jeune femme relativise : "Ce n’est pas dramatique, globalement ça ne m'empêche pas de vivre". Et puis, sur son échelle des retards, tout ne se vaut pas : "J'essaye d'être ponctuelle pour les rendez-vous chez le notaire ou les rendez-vous médicaux". Même chose pour Laurent, qui lorsqu'il doit par exemple prendre un avion, ne laisse rien au hasard : "J'ai déjà pris une nuit d'hôtel à Orly pour être proche et sûr de ne pas être en retard". 

Comment expliquer cette hiérarchie dans les retards ? Pour les psychologues, le fait que les retardataires sachent être ponctuels pour certains rendez-vous s'explique par le fait que ceux-ci n'impliquent aucun lien affectif. 

Une notion du temps différente, et c'est la science qui le dit

Lorsque Lucie évoque une notion du temps différente des autres, elle n'a pas tout à fait tort. En 2001, Jeff Conte, un chercheur en psychologie de l'université de San Diego, s'était penché sur cet épineux sujet afin de comprendre les mécanismes en marche chez les retardataires. Des travaux dont il avait rendu compte au Wall Street Journal. Sur la base d'une étude de 181 personnes, toutes conductrices de métro, il avait formé deux groupes : ceux qui étaient actifs, compétitifs et très organisés, face à des personnes plus tranquilles, plus décontractées et créatives. Il en était venu à la conclusion que les secondes, davantage "à la cool", étaient plus sujettes au retard que les autres. 

Mais n'allez pas y voir une forme de fainéantise ou de "je m'en foutisme", voire d'irrespect : pour Jeff Conte, l'explication est plus simple que cela. Les retardataires ont bien selon lui une notion du temps différentes des autres. Dans le détail selon ses calculs, les personnes actives et compétitives perçoivent une minute comme l'équivalent de 58 secondes. Les autres, plus décontractées, la perçoive comme l'équivalent d'une minute et dix-sept secondes. 

Il faut se montrer compréhensif

Si on peut maudire certains retardataires, Diana Delonzor, conférencière en gestion du temps, a expliqué au Telegraph qu'il ne faut pas tous les mettre dans le même sac. Elle distingue ceux qui trouvent une certaine motivation dans l'urgence, qui se transforme par la suite en culpabilité. Il y a aussi ceux qui, peu attentifs, ont toujours quelque chose à faire avant de partir. Et puis il y a ceux qui se font désirer, qui trouvent du plaisir dans le fait de faire attendre les autres : quelque chose qui se rapproche de l'égocentrisme. Enfin, d'autres sont des personnes optimistes. "Cela affecte leur perception du temps. Ils croient réellement qu'ils peuvent sortir du travail, aller au pressing, faire des courses et aller récupérer les enfants à l'école en une heure", dit-elle. 

Pour cette spécialiste, il faut savoir se montrer compréhensif face à ces amis toujours "à la bourre". "Il est évidemment impoli de faire attendre les gens, mais cela peut être très déplaisant aussi pour la personne elle-même. Ce qu'il faut comprendre, c'est que lorsqu'on demande à un vrai retardataire d'arriver plus tôt, c'est comme faire remarquer à quelqu'un qui fait un régime qu'il devrait arrêter de manger", soutient-elle. En résumé, soyons indulgents avec les retardataires. 


Amandine REBOURG Amandine Rebourg

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