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Punaises de lit : peut-on vraiment mesurer le phénomène ?

Publié le 4 octobre 2023 à 19h12, mis à jour le 8 octobre 2023 à 10h43

Source : JT 13h Semaine

Des élus LFI affirment avoir alerté depuis de longues années sur la prolifération des punaises de lit, sans être entendus.
Des chiffres sont avancés, comme la hausse des interventions des professionnels, de 200.000 en 2017 à plus d'un million l'an passé.
Si le phénomène s'aggrave, les chiffres pour le quantifier restent toutefois sujets à caution.

Problème de santé publique, les punaises de lits deviennent un sujet hautement politique. Dans les rangs de la France insoumise, on réclame par exemple la création d'un "service public de la désinsectisation". Les élus LFI, Mathilde Panot en tête, multiplient les sorties et incriminent le gouvernement, accusé d'inaction. La députée du Val-de-Marne évoque un problème croissant, ce dont témoigneraient les chiffres des interventions menées par les entreprises de désinsectisation. De 200.000 en 2017, nous serions passés en 2022 à 1,1 million, un volume plus de 5 fois supérieur.

Des remontées pas exhaustives

Mathilde Panot n'a pas inventé ces chiffres, dont on retrouve la trace assez aisément en ligne. Ils proviennent de la Chambre syndicale 3D (CS3D), une organisation qui "réunit les principaux acteurs de l’hygiène antiparasitaire (protection contre les parasites et les nuisibles)". Contactée par TF1info, elle indique représenter environ 80% des entreprises du secteur, ce qui suggère une vision assez fine de la situation à l'échelle nationale. Néanmoins, le CS3D estime qu'il faut se montrer prudent avec ces chiffres, qui ne sauraient décrire l'ampleur des contaminations. 

Ces réserves s'expliquent par le fait que "tout le monde ne fait pas appel à des professionnels" lorsque des punaises de lits sont repérées. Certains particuliers tentent de s'en débarrasser par leurs propres moyens, à l'aide d'insecticides divers ou de techniques présentées en ligne. Le coût des interventions, généralement facturées plusieurs centaines d'euros, peut dissuader les personnes touchées de faire appel à des entreprises spécialisées. Si la tendance mise en avant par la CS3D est à l'augmentation, il est vraisemblable que les chiffres présentés par Mathilde Panot soient sous-évalués. 

Si l'on cherche à croiser ces données avec d'autres indicateurs, d'autres obstacles se présentent. Une étude nommée "PULI", menée par le réseau Sentinelles (Inserm – Sorbonne Université) et qui portait sur la période 2019-2020, nous permettait de quantifier la prolifération des punaises de lit par un biais médical. Ces travaux consistaient en effet à effectuer un suivi des consultations chez les médecins généralistes en France métropolitaine pour un motif lié aux punaises de lit. Un rapport "sous le feu des projecteurs depuis quelques jours", reconnaît l'Inserm, mais qui n'a pas bénéficié d'une mise à jour lors des années qui ont suivi. Impossible donc de déceler une quelconque évolution à travers le temps.

Aucun outil de suivi fiable n'est disponible

Pour mesurer la progression des infections, les signalements effectués par les particuliers à l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil) auraient pu constituer un indicateur pertinent. Malheureusement, l'institution n'est en mesure de fournir des données que pour la période du premier semestre 2023. Quid des évolutions observées par rapport aux années passées ? Les chiffres ne permettent pas de comparaisons fiables "en raison d'un changement d’outil de suivi statistique", regrette l'Anil dans les colonnes de Libération.

Les éléments mis en avant par une enquête de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), complémentaires, nous éclairent sans toutefois pouvoir tirer de conclusions. Elle soulignait cet été qu'entre 2017 et 2022, "plus d’un foyer français sur dix a été infesté par des punaises de lit". Une observation réalisée à partir de la consultation de 2.000 foyers français décrit comme représentatifs de la population. Problème : des "sources

d’incertitudes sont [...] associées aux données recueillies". L'Anses note qu'il est "nécessaire de rappeler que cette analyse s’appuie sur des données d’enquête déclarative présentant un degré de fiabilité assez faible, en particulier concernant la réalité de l’infestation par des punaises de lit". 

Dans près d'un cas sur deux, la présence des insectes n'est attestée par aucune entreprise spécialisée. Un écueil majeur puisque "certaines situations d’infestations [...] peuvent ne pas relever des punaises de lit", ajoute l'Anses. Dans le même temps, "par contraste, souffrir d’une infestation peut être vécu comme stigmatisant, poussant certains individus [...] à déclarer l’absence d’infestation de façon erronée". À l'heure actuelle, aucune source ne permet donc d'effectuer un suivi régulier et précis de la présence des punaises de lit dans les foyers français. Et ce malgré un faisceau d'indices laissant à penser que leur présence s'est accentuée au cours des dernières années. 

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Thomas DESZPOT

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