RÉCAP' - Vendredi 10 août, le géant des pesticides Monsanto a été condamné à verser la somme gigantesque de 289 millions de dollars à Dewayne Johnson, jardinier américain atteint d'un cancer en phase terminale. Au coeur du procès, la molécule du glyphosate, composante essentielle du produit star de la firme, le Round'up. LCI fait le point, alors que l'Union européenne a autorisé ce lundi le renouvellement de sa licence pour cinq ans.
Après un combat de plusieurs années, l'ex-jardinier Dewayne Johnson a obtenu la condamnation du géant des pesticides Monsanto, l'accusant de ne pas l'avoir prévenu des dangers inhérents à l'utilisation de son produit-phare, le Roundup, que cet employé de la commune de Benicia a abondamment utilisé jusqu'en 2014, date à laquelle il est diagnostiqué d'un cancer incurable du système lymphatique. Une corrélation niée par la firme, qui a fait appel de la décision du tribunal de San Francisco, qui l'a condamné à verser 289 millions de dollars (250 millions d'euros) au jardinier.
Au coeur du procès, le combat contre le glyphosate, substance jugée "cancérogène probable" par l'Organisation mondiale de la santé, et que nombre d'associations cherchent à faire interdire à travers le monde, y compris en France. Une bataille qui fait rage entre les agriculteurs qui n'y voient pas de substitut efficace et les associations et militants écologistes, au milieu desquels l'Etat français est accusé d'être à la botte des uns ou des autres.
Qu'est-ce que le glyphosate ?
Le glyphosate est une molécule pourvue de propriétés herbicides. Seul, il est peu efficace, mais les industriels y ajoutent des produits chimiques pour le rendre plus actif et faciliter son absorption par les plantes. La molécule pénètre par les feuilles et se diffuse jusqu'aux racines. Il s'agit-là d'un herbicide total, autrement dit, il tue toutes les plantes sans distinction - excepté celles génétiquement modifiées pour lui résister. Une méthode radicale qui n'empêche pas de semer ou de replanter environ une semaine après sa pulvérisation pour une simple et bonne raison : cette molécule est inactivée au contact du sol. On la retrouve notamment dans le Roundup, ce désherbant courant produit par Monsanto.
Pourquoi vouloir l'interdire ?
En mars 2015 déjà, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classait le glyphosate comme une substance "probablement" cancérogène. Des études publiées cette même année dans la revue scientifique The Lancet évoquent également des risques de lymphomes (cancer du sang), mais aussi des impacts négatifs sur les organes de détoxification de l'organisme, le foie et les reins, ainsi qu'au niveau du système hormonal. Et ce, même à très faible dose. Mais certains scientifiques estiment que ces études ne sont vraies que pour une ingestion à forte dose : l'OMS a ainsi indiqué en 2016 que le risque cancérogène du glyphosate était improbable. Sans contredire le CIRC, elle explique à titre de comparaison que les ultraviolets sont classés comme cancérogènes alors que l’exposition de la population au soleil ne l'est pas.
Le cas de Dewayne Johnson, durablement exposé à ces substances pendant des années, pourrait-il faire pencher la balance en faveur d'une accélération de l'interdiction ? Sans surprise, la firme Bayer, propriétaire de Monsanto (dont le nom sera bientôt abandonné, ndlr), a fait appel de la décision, répétant que sa molécule était "sûre et non cancérogène".
Pourquoi les agriculteurs s'opposent-ils à une interdiction ?
Les agriculteurs estiment quant à eux que le risque sanitaire n'est pas encore pleinement prouvé. Surtout, l'utilisation de ce désherbant augmente leur rendemain. Il leur évite notamment de labourer, une activité qui nécessite de la main d'oeuvre, du carburant pour les tracteurs et du temps. "Le glyphosate est très utilisé par les agriculteurs, que ce soit pour nettoyer les champs avant les semences ou avant la levée des semences. Il est aussi employé sur les cultures de céréales, de colza, de maïs et de tournesol pour faire sécher les plantes, pratique que l’on appelle la dessiccation", explique ainsi l'association Les amis de la Terre. Ce désherbant est d'ailleurs en tête des ventes, avec pas moins de 8.000 tonnes par an, rien que pour le marché français.
Les politiques divisés
L'interdiction du glyphosate est contestée jusqu'au sein du gouvernement. D'un côté, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique qui multiplie les appels à la prudence et à ce que la France milite pour une interdiction à l'échelle européenne sous trois ans, alors que la Commission européenne discutait, fin 2017, de la prolongation de son autorisation. "La justice et l'Histoire nous rattraperont" si rien n'est fait pour remédier au problème phytosanitaire, avait-il affirmé en août 2017. "Contre le glyphosate et son rôle de perturbateur endocrinien, et peut-être d'antibiotique surpuissant, il y a un faisceau de présomptions qui justifie d'appliquer le principe de précaution", ajoutait-il. De l'autre, le ministre de l'Agriculture Stéphane Travert, rival de Nicolas Hulot sur le sujet qui, prenant le parti de la puissante FNSEA et des agricultures l'utilisant, s'était prononcé pour une reconduction de cinq à sept ans, tandis que Matignon avait évoqué fin octobre un maximum de quatre ans. Malgré le vote du renouvellement de l'autorisation pour cinq ans au niveau de Bruxelles, Nicolas Hulot avait pensé avoir gagné sa bataille en obtenant d'Emmanuel Macron le renouvellement de son engagement de campagne en novembre 2017, à savoir l'interdiction en France "au plus tard dans trois ans". C'était sans compter le rejet par l'Assemblée nationale de l'inscription de ce principe dans la loi, en mai 2018
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