Cet été, Meghan Markle a été vue avec un "patch anti-stress", commercialisé par une entreprise américaine.Si cet autocollant promet de réduire l'anxiété, il est bon de s'interroger sur sa réelle efficacité.Nous avons posé la question à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
C'est un détail anodin qui a fait couler beaucoup d'encre. Le jeudi 10 août dernier, Meghan Markle a été photographiée dans les rues de Californie, enveloppée dans une tenue luxueuse. Sauf que ce n'est pas son style qui a marqué les esprits, mais un mystérieux petit cercle bleu et blanc sur son poignet. Un "patch anti-stress" vendu 80 dollars le pack de 20 par une entreprise américaine qui promet un effet immédiat de relaxation. Que sait-on de son efficacité ? Nous avons posé la question à Anna Beyeler, chercheuse à l'Inserm au Neurocentre Magendie.
Une composition secrète et des études absentes
Sur son site, la marque NuCalm vante un concept simple. Elle assure que cette "technologie" transmet au cerveau des "fréquences électromagnétiques" capables d'activer le "système nerveux parasympathique". Une première affirmation qui étonne d'emblée notre interlocutrice. Car si ce système est bien responsable du contrôle des fonctions automatiques de notre organisme, dont le niveau de stress, il ne peut pas être considéré "comme une unité uniforme". "Il ne s'agit pas uniquement d'un nerf, mais d'un système complexe, composé de plusieurs nerfs crâniens", argue Anna Beyeler, relevant cette incohérence.
Par ailleurs, c'est la méthode en elle-même qui interroge. "L'entreprise se cache derrière le secret industriel pour ne donner aucune explication concrète sur le fonctionnement de son produit", s'étonne la responsable de l'équipe "Circuits neuronaux de l’anxiété". Si la chercheuse n’a pas eu accès au produit, une journaliste du Guardian a pu l'analyser. En découpant le patch en deux, elle a pu révéler qu'il n'y avait rien à l'intérieur.
Du vide, à l'image du reste des éléments présentés par l’entreprise. Tandis que le site de la marque utilise un jargon qui se veut savant, les données scientifiques manquent à l'appel. Les documents présentés par NuCalm sur son site ne relèvent pas d'études à proprement parler, mais plutôt de publications sans aucune valeur scientifique. "La littérature scientifique est absente du site", confirme Anna Beyeler. Ce qui pousse certains professionnels à accuser l'entreprise de "science washing". Cette pratique consiste à vendre des produits avec une terminologie impressionnante, mais dénuée de sens scientifiques. "Le site contient de nombreuses descriptions très précises de mécanismes biologiques et de neurotransmetteurs, mais des hypothèses farfelues sur les bienfaits du produit y sont ajoutés. Cela s'apparente à de la charlatanerie", analysait ainsi Kristofer Rau, professeur de neurosciences, dans les colonnes du Guardian.
En lieu et place de données factuelles, on trouve par contre plusieurs témoignages de clients. Des récits qui pourraient satisfaire un consommateur, mais pas un scientifique. Au contraire, il s’agit aux yeux d'Anna Beyeler d'un "signal d'alarme". "Faire appel à l'expérience personnelle d'individus pour la généraliser à une population, c'est l'exact opposé de la méthode scientifique." Non pas parce que ces clients satisfaits, comme l'épouse du prince Harry, pourraient mentir. Mais parce que leur expérience risque d'être le résultat d'un effet placebo. Comme le rappelle l'Inserm, cela se produit "lorsque l'effet psychologique ou physiologique associé à la prise d'une substance inerte (comme une pilule de sucre ou une solution saline), qui n'a aucun effet pharmacologique documenté", engendre des effets bénéfiques pour l'individu. Un phénomène qui pourrait se retrouver même hors du cadre médical. "Tout comme lorsqu'un soignant vous parle et qu'il vous donne un médicament dont il détaille les effets, ici l'effet positif pourrait être créé par le marketing autour du patch", relève la chercheuse Anna Beyeler. Une hypothèse qui est aussi celle du psychiatre Guillaume Fond. Dans les pages d'Allodocteur, il ajoutait que "plus on paie cher un produit, plus on s'attend à ce qu'il fonctionne".
Des "charlatans" 2.0 passés par la bourse de Wall Street
Et quid d'éventuels risques ? "Si cet accessoire ne représente probablement aucun risque en tant que tel puisqu'il ne fait rien, il peut engendrer un certain nombre de problèmes", nous répond Anna Beyeler. D'abord, le risque financier. Dans les pages du Guardian, une maquilleuse américaine de 37 ans racontait par exemple avoir dépensé pour 2000 dollars d'abonnement (1887 euros) sur le site NuCalm en 2020. Puis, le risque pour les patients réellement atteints de troubles psychiatriques, qui pourraient cesser leur traitement. "À mes yeux, prétendre qu'on a une solution thérapeutique et le faire croire aux personnes malades, c'est un vrai problème", relève la chercheuse en neuroscience. Auprès de TF1info, elle rappelle qu'à l'heure actuelle, la seule méthode qui a fait ses preuves contre les troubles de l'anxiété est la pharmacothérapie, généralement associée à des psychothérapies. D'autres approches innovantes font quant à elle encore l'objet d'essais cliniques en France.
Quant aux personnes qui souffrent d'anxiété sans que cela soit une pathologie, des études au stade préliminaire sont, elles aussi, en cours, avec des travaux sur l'impact de la respiration et de la fréquence cardiaque. "Améliorer les solutions pour lutter contre l'anxiété et développer des appareils est une stratégie, mais elle doit se faire en respectant les protocoles scientifiques." En attendant, la chercheuse a un conseil pour ces personnes, qui ne nécessite ni application, ni abonnement mensuel pour lutter contre l’anxiété : "Une bonne hygiène de vie". "Apprendre à gérer son stress, c’est important. Mais ce ne sont pas des pastilles ou des patchs qui peuvent le contrôler."
#Découverte du mécanisme cérébral🧠 impliqué dans la réponse face au #danger ⚠️ De nouvelles pistes pour traiter les patients atteints de troubles de l’anxiété, en ciblant directement les régions du cerveau qui en sont à l’origine. Pour en savoir plus 👉 https://t.co/rKRHhmvAcN pic.twitter.com/xxMMLIIElE — Inserm (@Inserm) July 29, 2021
En résumé, avec l'absence d'études scientifiques évaluées par des pairs, le risque d'effet placebo et un fonctionnement occulte, il est impossible de confirmer l'efficacité de ces produits. D'autant que tous les indices laissent penser qu'il ne s’agit pas d'une "révolution" mais d'un accessoire inefficace promu grâce aux seuls codes du marketing. Ce n'est d’ailleurs peut-être pas une coïncidence si le fondateur de la marque, Jim Poole, n'est pas neuroscientifique, mais un pur produit du monde des affaires. Après avoir obtenu un Master en Business Administration, il a arpenté les gratte-ciels de Wall Street avant de créer NuCalm en 2009. Un business juteux dans une société où la prévalence des troubles psychiatriques augmente de façon continue depuis plusieurs décennies.
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