RECHERCHE - Présenté par Nicolas Dupont-Aignan comme le nouveau traitement miraculeux contre le coronavirus, l'ivermectine est un médicament testé depuis le mois d'avril. Sans avoir fait ses preuves…
C'est un vieux médicament, peu coûteux, et que certains défendent en traitement contre le coronavirus. Non, on ne parle pas de l'hydroxychloroquine mais d'un autre médicament. Il s'agit de l'ivermectine. Anti-parasitaire commercialisé depuis plus de trente ans, il est présenté par ses défenseurs comme le nouveau remède miracle. Parmi eux, Nicolas Dupont-Aignan. Le député nationaliste a décrit ce mardi 23 février un "traitement précoce" qui permettrait à ses yeux de "soigner les malades", et éviter un confinement. Malheureusement, à ce jour, son efficacité contre la maladie reste encore à démontrer.
Un traitement peu onéreux
Ce n'est pas la première fois que cette molécule fait parler d'elle. Son nom, déjà bien connu dans certains pays, émerge en France depuis le début d'année. Cité par l'IHU Méditerranée-Infection de Didier Raoult dans une vidéo publiée le 20 janvier, il l'a aussi été par une autre chercheuse qui décrit une molécule capable de "karcheriser" le coronavirus "en une seule dose". France Soir s'était également emparé du sujet, accusant les autorités sanitaires d'une "scandaleuse indifférence" face à une prétendue "efficacité prouvée de l'ivermectine".
Pourquoi ce site évoque-t-il un prétendu scandale ? Car, comme pour l'hydroxychloroquine, il s'agit d'une molécule très peu onéreuse, souvent utilisée dans les pays aux systèmes de santé affaiblis. D'ailleurs, de nombreux médias, dont l'AFP, ont déjà traité le sujet en Amérique latine, où la promotion du médicament est particulièrement intense depuis plusieurs mois. La rhétorique est bien évidemment encore la même : la molécule serait ignorée parce que peu rentable pour "Big Pharma".
Il s'agit en effet d'un anti-parasitaire à usage vétérinaire ou humain très répandu. Utilisé contre la gale ou les poux, il est commercialisé dans plus de 90 pays. Mais c'est le coronavirus qui l'aura rendu célèbre. Notamment après de premiers résultats publiés dès avril par une chercheuse australienne. Réalisées en laboratoire, donc dans des éprouvettes, les recherches montraient en effet des résultats exceptionnels. Les cellules infectées par le Covid-19 et ayant reçu une seule dose d'ivermectine voyaient leur charge en ARN viral se réduire de 5.000 fois en 48 heures par rapport à celles traitées par placebo. L'engouement dans le pays fut tel que le Herald Sun de Melbourne consacra sa Une à ce médicament.
Aucune étude concluante
L'enthousiasme fut de courte durée. Car ces essais en laboratoire ont des limites. S'ils sont le premier pas nécessaire à une phase de test, il est très fréquent que les observations ne se reproduisent pas chez l'humain. C'est ce qu'il s'est passé. Les résultats constatés en culture n'ont pas pu être répétés à cause d'une concentration trop haute de la molécule qui la rendait dangereuse. "La concentration à laquelle l'ivermectine a un effet thérapeutique sur le SARS-CoV-2 in vitro est 35 fois plus haute que le pic de concentration obtenu après l'administration de la dose orale recommandée chez l'homme pour le traitement antiparasitaire habituel", explique ainsi la Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique dans une foire aux questions.
De plus, les cellules utilisées par les chercheurs australiens posent souci. "Le modèle utilisé dans cette étude est non pertinent pour explorer une infection" au coronavirus, peut-on lire. Depuis, plusieurs études encourageantes ont eu lieu. Sans qu'aucune n'aboutisse. "La plupart des études cliniques publiées récemment sur le sujet sont peu concluantes", résume la SFPT. La "grande majorité" sont en effet soit "des prépublications non validées par leurs pairs, soit des études ayant des biais méthodologiques".
Même constat du côté de l'Inserm. L'Institut national de la santé et de la recherche médicale a relevé qu'à l'heure actuelle, la majorité des travaux sur le sujet "n'ont été publiés qu'en préprint", c'est-à-dire qu'ils n'ont pas encore été relus par des pairs, ou sont "limités par des biais méthodologiques". Sur ce deuxième point, l'Inserm cite une étude à "la limite méthodologique importante" parue en janvier dans la revue Chest, et qui suggère une mortalité plus faible chez des patients traités précocement par ivermectine, en comparaison avec un groupe de sujets non traités. Sauf que "les deux groupes sont difficilement comparables, car les patients traités avec l'ivermectine étaient également plus nombreux à avoir aussi reçu des corticoïdes (dont plusieurs études ont déjà démontré les bénéfices pour les patients atteints de formes sévères de la maladie)".
Des observations renforcées par des méta-analyses, telle que celle de la "Covid-19 Living Network Analysis". À l'heure actuelle, cette plateforme proposée par le BMJ et McMaster University considère comme "très bas" le niveau de preuves de l'efficacité de l'anti-parasitaire.
Autant de raisons pour lesquelles cette molécule est ignorée par plusieurs pays. Par exemple aux États-Unis, à la question "dois-je prendre de l'ivermectine pour prévenir ou traiter le coronavirus", la Food and Drug Administration est catégorique : "Non." Idem pour la France où, "à l'heure actuelle, l'efficacité de l'ivermectine ainsi que la sécurité de l'utilisation restent encore à prouver dans le cadre de l'infection au SARS-CoV-2". C'est aussi le cas dans des pays où le système de santé est plus appauvri, comme au Mexique. "Le remdesivir, le tocilizumab, l'ivermectine, l'hydroxychloroquine, etc., etc., ont été exclus" de la liste des potentiels traitements par le gouvernement car "jusqu'à présent il n'y a pas suffisamment de preuves de leur efficacité pour réduire la mortalité, l'hospitalisation, la durée d'hospitalisation ou les complications".
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