Réseaux sociaux : pourquoi il faut faire tomber la dictature du "like"

Publié le 19 juillet 2019 à 16h25, mis à jour le 19 juillet 2019 à 17h21
JT Perso
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Source : Sujet TF1 Info

L’ŒIL DU PSY - Instagram teste une nouvelle façon d’afficher les mentions "j’aime" sous les photos publiées par ses utilisateurs, en réaction à l'impact négatif de la "dictature du like" sur la santé mentale des internaute. Un sociologue et un thérapeute applaudissent des deux mains.

Instagram va tester une nouvelle façon d’afficher les mentions "j’aime" sous les photos publiées par ses utilisateurs. Comment ? En les masquant. Le réseau social veut ainsi mettre fin à la "dictature du like" qui pèse sur la santé mentale des internautes. Une dictature, vraiment ? "Oui, des apparences, nous confirme le sociologue Rémy Oudghiri : les chiffres sont probants. Aujourd’hui, selon l’Observatoire de Sociovision, 44% des gens disent se comporter de façon très différente sur les réseaux sociaux et dans la vie de tous les jours. Et le chiffre atteint 61% chez les 15-25 ans ! C’est dire si, notamment chez les plus jeunes, la conscience d’une double identité est vive."

Mais plus que cette double identité, c'est surtout l'importance du bouton "like", signe surplombant d'approbation sociale, qui est pointée du doigt. Selon une étude américaine, ce bouton affecterait même le cerveau des ados, jouant un rôle dans leur comportement pour déterminer ce qui est cool ou non. "Chez ces jeunes, expliquait en 2016 une journaliste du New York Times dans un article commentant les résultats cette étude, les images avec beaucoup de vues généraient une plus grande activité dans les régions neuronales du cerveau impliquées dans le processus de récompense, la cognition sociale, l’imitation et l’attention". Au risque de créer bien des dégâts

Alors, le fait que Instagram décide de mettre en stand-by cette politique des apparences triomphantes en cachant les like constitue "une véritable aubaine pour les rapports humains", selon le thérapeute Alexis de Maud’huy, également sollicité par LCI : "Le critère des like se cumule à celui du nombre de followers et de retweets et amplifie la terreur des commentaires négatifs pour créer une anxiété de performance. Bien sûr, les like sont différents selon les plateformes, selon que ce soit ceux des amis sur Facebook ou des followers pas forcément proches sur Twitter. Mais, si les like masqués ne concernent pour l'heure que Instagram, ce n’est pas anodin".

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En effet, selon le thérapeute spécialiste des réseaux sociaux, l'absence de like se vivrait "plus mal" sur Instagram que sur Facebook (qui concerne essentiellement des "amis") ou sur Twitter (qui rassemble davantage des gens autour de l'info, le "meme", le détournement parodique) : on s'y exhibe soi, aux proches mais aussi à ces "autres", followers plus ou moins anonymes qui commentent, jugent et incarnent la pression sociale imposant ces diktats modernes que sont la réussite, le succès, la beauté. "Instagram a été dénoncé comme le réseau social le plus néfaste pour la santé mentale car c'est celui qui participe le plus à cette confusion en nous transformant en directeur artistique de notre marque personnelle, de notre couple, de notre famille...", commente Alexis de Maud’huy. 

Pour le sociologue Rémy Oudghiri aussi, rien d'étonnant à que l'on masque les "like" sur Instagram et non sur d'autres réseaux sociaux : "Sur Twitter, vous adoptez votre masque de combat, donc c’est souvent assez différent de ce que vous êtes en privé. Sur Instagram, vous êtes dans une mise en scène de vous-même, où l’esthétique constitue une dimension stratégique. C’est une image construite, pensée, mise en valeur. C'est le personnage poseur que vous voulez être et non la personne que vous êtes vraiment." De fait, chaque Instagrammeur/euse accorde une importance fondamentale au jugement des autres. Détester votre photo dûment choisie, c'est vous détester puissance mille. 

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"Les réseaux sociaux, et singulièrement Instagram, jouent un rôle déterminant dans ces évolutions", poursuit le sociologue. "Nombreux sont ceux qui rêvent d’une vie 'instagrammable'. C’est-à-dire une vie presque parfaite, où l’on est beau, heureux, en bonne santé, doué en amitié, etc. Le résultat, c’est que les gens sont moins heureux, se sentent plus seuls (22% des Français souffrent de solitude selon un récent sondage) et éprouvent une pression sociétale." Les like sur Instagram sont en cela plus anxiogènes, ajoute le thérapeute : "Ils renvoient à l’image que vous avez de vous et à celle que vous renvoyez aux autres".

On ne mesure pas à quel point l'absence de like, comprise comme un acte d'hostilité, peut créer des disputes dans les couples et les familles

Alexis de Maud'huy, thérapeute

Lorsque l’on parle de "dictature du like", dire que seuls les jeunes seraient concernés est donc faux. Les grands adultes sont les premiers à se laisser envahir par la susceptibilité d'un petit enfant de 5 ans lorsqu'ils ne connaissent pas autant de like que prévu : "En cela, nous sommes tous concernés. On sous-estime grandement les risques, on ne mesure pas à quel point l'absence de like, comprise comme un acte d'hostilité, peut créer des disputes dans les couples et les familles. D'autant que l'algorithme de Facebook, qui est aussi celui de Instagram, valorise ceux qui font des like car ils interagissent et génèrent du contenu." 

D'où la nécessité aussi de masquer les like pour que ceux qui appuient dessus ne se sentent plus influencés - en d'autres termes, ne "likent" pas de façon pavlovienne -, sous pression. "Instagram cherche à limiter les risques", considère le sociologue. "Les gens prennent de plus en plus conscience de l'impact négatif des réseaux sociaux sur leur bien-être : perte de temps, isolement, relations superficielles, fausses informations, etc. Je pense que nous sommes toujours dans une phase d’apprentissage, et être bien, c’est arrêter de courir après un bonheur impossible, celui des stars ou d’Instagram. Accepter l’idée que la perfection n’est pas de ce monde." Pas sûr toutefois qu'en masquant ses like, Instagram nous ouvre réellement les yeux quant à notre condition de moutons de Panurge suiveurs de mode. 


Romain LE VERN

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