NUTRITION - Les articles vantant les mérites de certains aliments pour guérir du cancer pullulent sur les réseaux sociaux. Il n'existe pourtant pas de remède naturel miracle, ces informations erronées reposent sur des bases scientifiques biaisées et peuvent mettre en danger les patients. Eclairage.
"L'ail tue 14 types de cancer et 13 infections. Pour les médecins n'en prescrivent pas ?", "Les cellules cancéreuses meurent en 42 jours seulement à cause de ce jus", "le melon amer contre le cancer". Sur les réseaux sociaux, de nombreux aliments sont présentés comme des remèdes miracles contre le cancer. Dans la plupart des cas, une caution médicale et scientifique est apportée, notamment au travers d'études. De quoi donner envie d'y croire.
"Tout le monde rêve de trouver un antidote au cancer", avance Paule Latino-Martel, coordinatrice du réseau NACRe qui regroupe des équipes de recherche publique sur la nutrition et le cancer. "Et les malades se raccrochent à ce qu'ils peuvent", abonde Raphaëlle Ancellin, biologiste à l’Institut National du Cancer. Si un médecin conseille de boire du jus de carotte, pourquoi ne pas essayer ? D'autant plus qu'il s'agit d'un produit naturel. Mais ces articles partagés des milliers de fois "manquent de rigueur", alerte la biologiste, "il n'existe pas d'aliment miracle" et suivre leurs conseils peut au contraire mettre en danger la santé de malades comme de personnes saines.
"Il ne s'agit pas de fausses informations, elles sont plutôt erronées", précise la chef de projet au département prévention de l'Institut National du Cancer. Prenons l'exemple du melon amer. Plusieurs études scientifiques sont mises en avant comme celle du Dr Ratna Ray de l’université de Saint-Louis (Etats-Unis) ou celle d'une équipe de chercheurs de l'université du Colorado. Comme pour la plupart des études mises en avant pour étayer l'existence d'un aliment miracle, il s'agit d'études in vitro - c'est à dire réalisées sur des cellules cultivées en laboratoires -, et sur des animaux.
"Ce sont deux modèles expérimentaux mais qui ne sont pas extrapolables à l'homme", explique Raphaëlle Ancellin. Impossible donc d'affirmer que cela fonctionnera sur un humain. "Dans le cas des études in vitro, les doses injectées sont souvent très élevées et ne correspondent pas à celle qu'un humain peut ingérer quotidiennement", pose-t-elle en exemple.
Une étude scientifique isolée ne vaut pas recommandation
"Ces études sont une première étape, développe Paule Latino-Martel, mais des études épidémiologiques (sur l'homme, ndlr) sont nécessaires." Pour arriver à des recommandations de santé publique, il faut même plusieurs études épidémiologiques concordantes. Et dans bien des cas, les premières avancées se sont conclues en échec. La coordinatrice du réseau NACRe évoque ainsi des essais sur la bétacarotène. "C'est une molécule naturelle que l'on retrouve dans beaucoup de légumes et de fruits", rappelle-t-elle.
Des scientifiques ont établi que cette molécule pouvait être efficace pour lutter contre le cancer du poumon, en raison de ses propriétés antioxydantes. "Ils ont prescrit des compléments alimentaires à forte dose à des fumeurs, mais les essais ont dû être stoppés. La bétacarotène, comme beaucoup d'antioxydants, devient pro-oxydant à forte dose. Les scientifiques sont allées un peu vite en besogne."
Autre exemple avec l'ail. Là aussi, des études in vitro prouvent que cet aliment stoppe la multiplication des cellules cancéreuses en culture. Fortement consommé dans les pays asiatiques, il y a fait l'objet d'études épidémiologiques. Des études cas-témoin, c'est-à-dire qui compare une population de malades et une population saine, se sont avérées fructueuses. "On a observé une baisse du risque du cancer de l'estomac chez les grands consommateurs d'ail", avance la directrice de recherche en nutrition et cancer. Mais les études cas-témoin sont souvent biaisés. Les patients devaient notamment indiquer leur consommation d'ail avant leur maladie. "Certains ne se souviennent pas bien".
Des études de cohorte effectuées par la suite - qui étudient la consommation d'une population sur le long terme, avant la contraction de la maladie - ont finalement prouvé que la réduction des risques n'était pas significative. "Le Fonds mondial de recherche contre le cancer (WCRF) qui jugeait que la réduction des risques était probable en 2007, a modifié ses conclusions. En 2018, elle a finalement jugé qu'elle était limitée vire non concluante".
L’appât du gain, au détriment de la rigueur scientifique
"On souffre d'un problème d'information du public, soupire Paule Latino-Martel. Trop d'études isolées sont véhiculées. Et bien souvent, les articles sur cette thématique sont réalisés par des personnes qui ne maîtrisent pas le sujet." Or, "depuis quelques années, Internet est devenu le moyen privilégié pour se renseigner, davantage que de se tourner vers son médecin."
Le site Santé-Nutrition.org dont le slogan est "Que ton aliment soit ton médicament" est ainsi tenu par un complet néophyte. Le Nouvel Obs qui lui a consacré un article, indique qu'il est conduit par "un ancien développeur informatique qui se dit 'passionné par la santé et l’alimentation naturelle'. "Je n’ai pas été formé, donc je n’ai pas été formaté. Ma mère nous soignait déjà avec de la lavande, mon arrière-grand-mère se soignait avec de la sauge et tout. Je me forme tout seul, je choisis moi-même de lire tel site ou tel site. L’information, elle est partout sur Internet, pas à l’école où on vous met des choses dans la tête", expliquait-il à nos confrères. Aucune rigueur scientifique mais un gain financier non négligeable : son site d'information lui permet de financer son salaire et celui de deux autres personnes.
Parfois les intérêts commerciaux sont encore plus évidents. "Il peut s'agir de sites liés à une entreprise de compléments alimentaires", avance notamment Raphaëlle Ancellin.
De réels risques pour la santé
Ces informations peuvent également être néfastes pour la santé. "Il est dangereux de manger toujours le même aliment ou le même complément", poursuit-elle. "Cela déséquilibre le régime alimentaire et peut entraîner des carences." La surconsommation d'un aliment peut également être un facteur aggravant de la maladie : malgré les idées reçues, "on ne connait pas de bénéfice associé à la consommation de thé vert pendant les traitements du cancer, alerte le réseau NACRe. A l’inverse, on sait que le thé vert peut augmenter la toxicité de traitements de chimiothérapie et réduire l’efficacité de la chimio- ou de la radio-thérapie." "Une surconsommation de jus de carotte augmente le risque de cancer lié au tabac", poursuit Paule Latino-Martel.
Malgré ces alertes, la nutrition peut avoir un impact positif sur les pathologies. "Il n'y a pas un remède miracle mais nous possédons des données scientifiques qui nous permettent de dire quel type d'aliment peut protéger ou à l'inverse augmenter les risques de développer un cancer", développe la biologiste de l’Institut national du cancer. Les aliments riches en végétaux et en fibres comme les fruits et légumes et les céréales complètes sont recommandés. Là encore sans tomber dans l'excès. A l'inverse, "une alimentation riche en viande et en charcuterie est associé à un risque de développement du cancer du côlon, une alimentation riche en sel augmente les risques de cancer de l'estomac, l'alcool augmente huit localisations de cancer".
Adopter une alimentation saine et équilibrée, faire du sport, limiter la consommation d'alcool et de tabac, des méthodes naturelles pour limiter les risques existent bel et bien. "Et c'est bien plus efficace", conclue Paule Latino-Martel.
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