SANTE - Dans une récente étude scientifique, des chercheurs français démontrent que la consommation dʼalcool à lʼadolescence, même faible, est un facteur prédictif d'alcoolisme chez les personnes schizophrènes. Or, l'usage de cette drogue aggrave les symptômes de cette maladie.
Délires paranoïdes, hallucinations auditives, incohérence du langage… si les symptômes de la schizophrénie sont bien connus, la maladie en elle-même demeure un mystère et ses causes le sont encore plus. La schizophrénie est une maladie qui affecte la manière de penser, de ressentir, de percevoir et de se comporter. La personne atteinte a de la difficulté à penser clairement, à faire la différence entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. Le malade est totalement "déconnecté", ce qui engendre de graves répercussions sur sa vie sociale, affective ou professionnelle.
Les personnes qui en souffrent ont généralement la particularité de présenter des prédispositions à la toxicomanie . Alors que plus de 80 % des schizophrènes sont des fumeurs, la deuxième drogue la plus consommée est l'alcool (40 %). Une dépendance qui peut avoir des conséquences dramatiques sur la fréquence et l'intensité des épisodes psychotiques et sur l'espérance de vie. Des chercheurs de l'Inserm* ont voulu étudier l'impact de la consommation d'alcool pendant l'adolescence sur le risque d'apparition de ce type de dépendance chez les malades schizophrènes adultes.
"Un alcoolique sur deux a des problèmes psychiatriques"
Pour la plupart des drogues utilisées par les patients psychotiques ( cannabis, cocaïne ) il a déjà été démontré que leur consommation précoce précipite l'apparition de psychose chez les jeunes à risque. En ce qui concerne l'alcool, aucun lien n'avait été évoqué. "Or, un dépendant à l'alcool sur deux a des problèmes psychiatriques. Ces deux troubles étant associés, ils apparaissent en même temps, à la fin de l'adolescence. On a voulu confirmer ce lien chez l'animal", explique à metronews Mickael Naassila directeur de recherche à l'Inserm*, dont l'étude va être publiée dans la revue Addicition Biology.
Pour se faire, les chercheurs ont lésé l'hippocampe de rats âgés de sept jours, l'équivalent du début de l'adolescence. Cette région du cerveau joue un rôle central dans la mémoire et est souvent mise en cause chez les patients schizophrènes. Ce procédé vise à reproduire l'évolution de la schizophrénie chez les humains. Les rongeurs ont ensuite été divisés en deux groupes. Dans le premier groupe, les rats ont grandi et s'ils présentaient bien à l'âge adulte des symptômes similaires à ceux de la maladie (retrait social, agressivité), ils ne souffraient d'aucune addiction à l'alcool.
Un risque évitable
Dans le deuxième groupe, les rats adolescents ont été exposés à des solutions alcoolisées pendant 15 jours. Ils buvaient quotidiennement l'équivalent d'un ou deux verre chez les humains. Cette solution leur a ensuite été retirée pendant plusieurs jours puis de nouveau administrée. "Cette fois, ils en consommaient jusqu'à s'intoxiquer. Ce qui nous surprit c'est qu'une quantité extrêmement faible d'alcool a suffi pour entraîner ce comportement addictif. Chez les rats non schizophrènes il faut une dose nettement plus élevée pour induire cette dépendance", ajoute Mickael Naassila.
En clair, la consommation d'alcool pendant l'adolescence est non seulement un facteur de risque d'alcoolodépendance chez les sujets schizophrènes adultes mais elle favorise également une plus grande vulnérabilité à ces effets neurotoxiques. Cette dépendance n'est pas à négliger car à terme, elle peut conduire à un risque de non-adhésion aux traitements. "Chez un jeune prédisposé à la psychose il faut absolument dépister une consommation d'alcool, même faible. Chose que les psychiatres sont loin de faire fréquemment. De fait, la prise en charge n'est pas optimale", conclut Mickael Naassila.
* Institut national de la santé et de la recherche médicale