"Une bombe dans l'utérus" : la mobilisation contre de nombreux effets secondaires du stérilet Mirena prend de l'ampleur

Publié le 1 juin 2017 à 14h09, mis à jour le 8 juin 2017 à 9h03
"Une bombe dans l'utérus" : la mobilisation contre de nombreux effets secondaires du stérilet Mirena prend de l'ampleur

BÉNÉFICE/RISQUE - Depuis début mai, le Mirena, ce dispositif intra-utérin hormonal posé à quelques 300.000 femmes chaque année en France, est sous le feu des critiques. De plus en plus de patientes se plaignent d'effets indésirables, parfois nouveaux par rapport aux indications actuelles. Et dénoncent une non prise en considération de la part de nombreux gynécologues. L'Agence nationale de sécurité du médicament s'est saisie du dossier.

"Tout a commencé en 2014, un an an après la pose du Mirena (un stérilet des laboratoires Bayer qui agit en libérant une hormone dans l'utérus, ndlr), mon état psychologique s'est dégradé avec de nombreuses crises d'angoisse, alors que je n'avais pas de problèmes particuliers. Ca s'est aggravé deux ans et demi après avec un état dépressif. C'est quand j'ai eu  des douleurs aux seins que j'ai fait le rapprochement avec mon stérilet. Je l'ai fait enlever en début d'année et en trois mois mon état s'est amélioré". 

Ce témoignage pourrait être celui de centaines de jeunes femmes, tant les maux décrits sur le groupe Facebook "Victimes du stérilet hormonal Mirena" se ressemblent  : pour l'heure, c'est celui de Marie Le Boiteux, psychomotricienne de profession, qui faisait partie des premières patientes à rendre compte de son malaise sur les réseaux sociaux. C'était en février, et elles étaient 200 dans le même cas. Mais depuis un mois, le site connaît un afflux soudain de participantes - et réunit pour l'heure près de 15.000 membres -. 

"Une bombe dans l'utérus"

Conséquence, la quadragénaire préside désormais une association "Stérilet Hormones Vigilance" fondée voilà deux semaines "afin d'avoir une existence légale", nous précise la jeune femme. "Notre volonté n’est pas de mener une action en justice, comme cela s'est fait aux Etats-Unis ou encore en Espagne, même si des contacts ont été pris avec un avocat spécialisé, Me Oudin, qui a notamment assuré la défense des victimes du Dépakine. Ni de faire retirer ce produit du marché", précise-t-elle. 

"On privilégie pour l'instant l'information, car elle est bien souvent mal prodiguée par les professionnels de santé", indique la présidente. "On souhaite par exemple que le stérilet Mirena soit contre-indiqué pour les femmes fragiles psychologiquement, car on sait désormais qu'avec ce dispositif on leur pose une bombe dans l'utérus. On pourrait aussi imaginer la signature d’un consentement stipulant tous les effets secondaires possibles, comme cela se fait avant une opération chirurgicale".

Le profil favorable bénéfice/risque du contraceptif a été confirmé en 2015 par l’Agence européenne du médicament

Laboratoires Bayer

Ces milliers de témoignages exprimés par des patientes utilisatrices du stérilet Mirena ont poussé le fabriquant Bayer (déjà empêtré dans l'affaire des implants contraceptifs Essure) à réagir. Interrogé par LCI,  le géant allemand nous assure suivre la situation de très près et nous renvoie vers un communiqué publié le 12 mai : "La sécurité et l'efficacité du contraceptif intra-utérin Mirena ont été confirmées par des recherches scientifiques, ainsi que par l'expérience clinique, avec environ 300.000 poses par an en France. Par ailleurs, le profil favorable bénéfice/risque du contraceptif a été confirmé en 2015 par l’Agence européenne du médicament dans le cadre de l’évaluation périodique des données de sécurité". Toutefois, précise la société "la sécurité des patientes est notre première priorité. Quelle qu'en soit la cause, les témoignages appellent à une écoute et une juste compréhension de la situation".

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De nouveaux effets indésirables

Et pour cause. Car ce qui pose surtout question actuellement c'est l'apparition de nouveaux effets indésirables, tels que l'anxiété, les vertiges, la fatigue et l'irritabilité. Des symptômes qui viennent s'ajouter à ceux déjà mentionnés dans la notice du Mirena, tels que états dépressifs, baisse de la libido, perte de cheveux, importantes prises de poids, douleurs au sein et au dos, acné, tachycardie et baisse de la vue. . Et encore : certaines patientes estiment que ces effets, sur la notice, sont sous-évalués. 

Selon l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), contacté par LCI, "ces nouveaux effets secondaires ont été rapportés au niveau européen. Ils sont en cours d’évaluation par l’agence européenne du médicament (EMA) et les résultats sont attendus d'ici une quinzaine de jours". "Ce dispositif de contraception est donc mis sous surveillance. Toutefois, à ce jour, au regard des données disponibles, l'augmentation et la nature des déclarations ne remettent pas en cause le rapport bénéfice/risque de Mirena, qui reste positif dans ses indications actuelles", souligne l'ANSM.

Même son de cloche du côté du Collège national des gynécologues et obstétriciens (CNOGF), très surpris de voir un tel emballement pour un moyen de contraception mis sur le marché depuis près de vingt ans. " Le Mirena a bénéficié à plus de 35 millions de femmes à travers le monde, à la fois en raison de son intérêt contraceptif, mais aussi pour traiter par exemple des règles trop abondantes", nous explique le président du CNOGF, le Professeur Israël Nisand. "Ses avantages sont donc bien connus. Par ailleurs, d'un point de vue scientifique, le progestatif contenu dans le Mirena (et qui est libéré dans l'organisme à très faible dose) est exactement le même que celui du Microval, une pilule de seconde génération qui a depuis longtemps fait ses preuves. Comment se fait-il que l'on ne retrouve pas les mêmes effets indésirables pour les deux produits ?" Pour l'heure, la question reste toujours en suspens. 

Autre constat : le silence de certains gynécologues. De nombreuses patientes témoignent sur Facebook de l'attitude de leur docteur, quand elles ont confié leurs difficultés au quotidien.

Certaines racontent même que leurs gynécologues ont refusé de leur enlever le stérilet malgré leurs plaintes, les obligeant ainsi à se tourner vers d'autres professionnels, parfois dans des délais importants. Enfin, l'association SVH dénonce le manque de contrôle des professionnels, censés vérifier, entre 4 à 6 semaines après la pose, que la patiente supporte bien le stérilet. Un manque de contrôle qui pourrait pourtant éviter bien des désagréments aux patientes. 


Virginie FAUROUX

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