Tabac, alcool, cannabis... Pourquoi leur consommation recule chez les jeunes

par A. LG
Publié le 13 mars 2023 à 16h03, mis à jour le 13 mars 2023 à 16h43

Source : JT 20h Semaine

La consommation de cannabis, d'alcool et de tabac est en baisse chez les jeunes de 17 ans.
Les deux années de crise sanitaire liée au Covid-19 permettraient en partie d'expliquer cette tendance.
Les moments de sociabilité propices aux expérimentations ont en effet été limités durant cette période.

Les substances addictives ont moins la cote auprès des jeunes. C'est en substance ce qui ressort de la dernière étude de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) publiée vendredi 9 mars. Si la crise sanitaire liée au Covid-19 faisait redouter une remontée de la consommation de drogues, d'alcool et de tabac chez les adolescents, il n’en est rien. 

"On constate une baisse généralisée des usages de substances psychoactives" chez les jeunes de 17 ans, s'est félicité lors d'une conférence de presse le directeur de l'OFDT, Julien Morel d'Arleux, qui souligne notamment un net recul du tabagisme.  

Le cannabis deux fois moins consommé

Dans le détail, en 2022, moins d'un jeune de 17 ans sur deux (46,5%) a déclaré avoir déjà fumé au moins une cigarette, soit près de 13 points de moins qu'en 2017, date de la précédente étude, et 15,6% d'entre eux ont déclaré fumer quotidiennement, soit une baisse de près de 10 points en cinq ans, analyse le rapport.

Avec près d'un adolescent sur cinq déclarant n'avoir jamais bu d'alcool et moins d'un sur deux déclarant n’avoir jamais été ivre, l'OFDT constate un "recul généralisé" de la consommation d'alcool, même si "la pratique des alcoolisations ponctuelles importantes (API) persiste et se généralise". La même tendance baissière est observée pour le cannabis, deux fois moins consommé sur une base régulière ou quotidienne, ainsi que pour les autres drogues qui enregistrent une baisse notable par rapport à 2017.

Pas "d'effet de rattrapage" après le Covid-19

L'OFDT souligne que les données recueillies en 2022 surviennent après deux années de crise sanitaire liée au Covid-19, pendant lesquelles les moments de sociabilité favorables aux expérimentations de drogues ont été limités du fait des confinements successifs et des restrictions sociales, ce qui contribue à expliquer la baisse importante des usages. 

Cependant, si les jeunes ont diminué leur consommation de produits psychoactifs pendant cette période, leur état de santé s'est détérioré, en particulier dans le champ de la santé mentale. Les troubles liés à l'anorexie, à l'obésité et aux syndromes anxiodépressifs ont fortement augmenté. Il n'y a cependant pas eu "d'effet de rattrapage", se réjouit l'OFDT, et la baisse de la consommation de produits addictifs semble "durablement inscrite dans les comportements de la population adolescente". Parmi les facteurs d'explication : l'évolution des sociabilités des jeunes, le changement de leur perception des drogues, l'efficacité des campagnes de prévention et de l'action des adultes.

"Concernant le tabac, on observe que ce n'est plus forcément le 'passage obligé' chez les jeunes et on voit les effets positifs de la loi Evin, du fait qu''il n'y ait plus de publicité, des lieux sans tabac, qui ont permis de changer l'image que les jeunes en ont", commente de son côté Marie Öngün-Rombaldi, déléguée générale de la Fédération Addiction. Evoquant à travers ces derniers chiffres "la confirmation d'une tendance qui est observée depuis 2014", cette dernière estime qu'il y a de manière générale "une prise de conscience" grâce entre autres à "l'intervention précoce" et aux "programmes de prévention en milieu scolaire". Et de détailler : "contrairement à ce qui faisait il y a 30 ou 40 ans, cela se déroule sur douze séances et il y a aujourd'hui un binôme enseignant-formateur, ce qui permet dès le plus jeune âge de travailler sur le renforcement psychosocial pour trouver les ressources en nous-mêmes ou dans l'entourage pour surmonter la tentation de se tourner vers telle ou telle substance".

A noter que cette courbe descendante a été documentée dès 2019 par l'European School Project on Alcohol and other Drugs (ESPAD) puis l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2022. Mi-décembre, une étude collaborative dirigée par l'OMS Europe avait en effet conclu au même résultat de cause à effet post-Covid. "Le fait que les occasions de rencontres et de moments festifs avec les pairs ont été limités, a restreint les possibilités d’initiation et de consommation de substances, d’où des niveaux de consommation plus faibles, même pour l’alcool, que l’on consomme rarement seul à cet âge", avaient déjà expliqué les chercheurs.  

L’usage de la cigarette électronique a triplé

Deux nouvelles pratiques ont toutefois gagné en popularité auprès des jeunes. C'est notamment le cas de la cigarette électronique, dont l'usage a triplé en cinq ans et a même été multiplié par six pour les seules filles, ou encore de l'usage de cannabidiol (CBD), qui faisait partie du questionnaire pour la première fois, expérimenté par plus de 17% des jeunes interrogés.

Pour finir, l'OFDT a pointé dans son étude des disparités de consommation des produits addictifs selon le statut scolaire des jeunes, avec des "niveaux d’usage fréquent plus importants parmi les adolescents en apprentissage et ceux sortis du système scolaire par rapport aux élèves scolarisés dans le secondaire". Pour Stanislas Spilka, un des contributeurs de l'étude, "il y a là une inégalité sociale qui se joue", avec des jeunes en apprentissage, "profils socialement plus fragiles", qui intègrent un monde d'adultes.

La différence est la plus flagrante pour le tabac, avec 10% des élèves des lycées généraux qui en consomment quotidiennement, contre 22% dans les lycées professionnels, plus de 38% chez les apprentis et 43,5% chez les jeunes sortis du système scolaire. Les apprentis sont plus de 18% à consommer régulièrement de l'alcool, soit trois fois plus que les élèves des lycées généraux et technologiques, et près de 54% à s'adonner au "binge drinking" contre 35,5% dans les lycées généraux. Enfin, les élèves déscolarisés sont plus de 16% à consommer régulièrement du cannabis, contre un peu plus de 3% des lycéens. 

Méthodologie : pour cette étude, l'OFDT a interrogé 23.000 jeunes de 17 ans en mars 2022 dans le cadre de la 9e étude Escapad menée lors de journées d’appel de préparation à la défense.


A. LG

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