Témoins passifs face à une agression : une étude remet en cause le "bystander effect"

Publié le 23 juillet 2019 à 16h04, mis à jour le 25 juillet 2019 à 10h32
Témoins passifs face à une agression : une étude remet en cause le "bystander effect"

Source : iStock-

HELP ! - Que feriez-vous si vous étiez témoin d'un accident ou d'une agression ? Plusieurs études ont montré à quel point les passants ont tendance à ne pas intervenir, surtout quand ils sont nombreux. Mais des chercheurs, après avoir visionné des heures d'images de vidéosurveillance, remettent en cause ce phénomène d'apathie appelé "bystander effect".

Qu'on se rassure : si nous sommes un jour confrontés à une situation d'urgence, plus il y aura de témoins, mieux ce sera. C'est en tout cas la conclusion d'une grande enquête récemment publiée dans la revue American Psychologist.

Pour mener ces travaux, des chercheurs des universités de Lancaster et de Copenhague, ainsi que de l’Institut néerlandais pour l’étude du crime et de l’application de la loi, ont compilé une multitude d'images de vidéosurveillance provenant des centres urbains d'Amsterdam (Pays-Bas), du Cap (Afrique du Sud) et de Lancaster (Royaume-Uni), en ciblant plus particulièrement les zones de divertissement et les quartiers d'affaires. Ils ont ainsi observé que dans 9 incidents sur 10, au moins un spectateur faisait quelque chose pour aider. En outre, plus il y avait de passants, plus il y avait de chances qu’au moins un témoin apporte son secours.

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Le "Bystander effect" ou "apathie du spectateur"

Cette étude vient battre en brèche un vieux mythe, longtemps véhiculé par la psychologie populaire selon laquelle, au contraire, plus il y a de témoins, plus on est inhibé pour intervenir. Ce phénomène porte même un nom : le "bystander effect" (ou "apathie du spectateur"). Ce concept a émergé en 1964 après le meurtre de Kitty Genovese. Cette New-Yorkaise de 28 ans fut assassinée en pleine rue alors qu'elle rentrait du travail, sous le regard impassible de plus de 30 témoins qui auraient assisté, depuis leur domicile, à son agression. 

Il n'en fallait pas plus pour que des scientifiques s'emparent de ce cas et interrogent cette absence de réaction. Sauf qu'en 2007, la revue American Psychologist publiait un article de trois chercheurs qui ont repris l’affaire dans le détail. Et apparemment, des passants étaient bien intervenus en tentant d'effrayer l'auteur ou en téléphonant à la police. Une nouvelle analyse a ensuite montré que plus il y avait de passants, plus une victime était susceptible de recevoir de l'aide, du moins lorsque tous les spectateurs ne pouvaient pas se voir (comme dans le cas de l'affaire Genovese).

"Une intervention dans 90,9 % des cas"

Notre dernière étude déconstruit encore un peu plus le mythe. Les chercheurs ont d'abord étudié 1 225 vidéos montrant "une agression dans un espace public, du simple désaccord aux altercations plus violentes”. Puis, ils ont réduit leur échantillon à 219 vidéos, sur la base de plusieurs critères : pas de présence de policiers ou de professions médicales; pas d'incident grave, tel qu'un vol qualifié ou un trafic de drogue; et une qualité technique suffisante pour décoder les comportements.

Enfin, pour être considéré comme un comportement aidant, le spectateur devait "agir envers l'agresseur ou la victime de manière à apaiser le conflit". Les actes d'assistance devaient comprendre des "gestes apaisants", "le blocage du contact entre les parties en conflit", "repousser ou éloigner un agresseur du conflit" et "consoler ou apporter une aide concrète à une victime". Et leurs conclusions sont nettes : lors d'un conflit moyen de plus de 3 minutes avec environ 16 spectateurs, au moins l'un d'entre eux a été utile dans 90,9% des cas. 

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Ce qui a poussé les scientifiques à déduire que "contrairement à la notion selon laquelle la non-implication est la norme en milieu urbain, les niveaux d’intervention élevés de cette étude suggèrent bien le contraire en cas de conflits publics dans les centres-villes. Ils ont toutefois reconnu que leurs résultats répondaient à la question : "Est-ce que je serais aidé?", et non pas à celle de savoir si davantage de spectateurs rendent plus difficile l'aide. En d’autres termes, s’il est plus probable que la victime reçoive de l’aide (d’au moins une personne) avec un plus grand nombre de témoins, il se peut qu’en même temps, chaque personne se sente plus inhibée pour apporter son soutien.


Virginie FAUROUX

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