Une instance a-t-elle été créée "en catimini" pour limiter la liberté d'expression des médecins ?

Publié le 23 août 2021 à 18h37
La mise en place de cette entité nouvelle a suscité de multiples affirmations trompeuses au cours des dernières semaines.
La mise en place de cette entité nouvelle a suscité de multiples affirmations trompeuses au cours des dernières semaines. - Source : Alain JOCARD / AFP

MOBILISATION - Une ordonnance prise courant juillet a suscité de multiples spéculations ces dernières semaines. Les médecins, entend-on, seraient désormais muselés par un "Conseil national de la certification périodique". Des affirmations trompeuses.

La liberté d'expression des médecins remise en cause ? C'est ce que dénoncent depuis quelques semaines des internautes, réagissant à la signature d'une ordonnance le 19 juillet dernier par Olivier Véran. Le texte, dénoncé à travers une vidéo par un homme se présentant comme chirurgien, contribuerait à créer un Conseil national de la certification périodique (CNCP), organisme présenté comme dépendant du ministère de la Santé.

Une décision passée "en catimini" dénonçait, dans une vidéo, un participant à la manifestation parisienne du 21 août contre le pass sanitaire. Un signal d'alerte faisant écho à un billet de blog intitulé "Macron contrôle désormais la médecine en France", et qui était relayé depuis une dizaine de jours. Si une telle ordonnance a bien été signée, son contenu est interprété, par ceux qui la critiquent, de façon trompeuse.

Assurer une formation continue

Que sait-on du texte ? Publiée au Journal officiel, l'ordonnance a également fait l'objet d'explications sur le site gouvernemental "Vie publique". Son objectif ? La mise en place d'une "procédure de certification indépendante de tout lien d'intérêt permettant, à échéances régulières au cours de la vie professionnelle, de garantir le maintien des compétences, la qualité des pratiques professionnelles, l'actualisation et le niveau des connaissances" des professionnels de santé. Un document qui permet, apprend-on par ailleurs, de déterminer "les principes structurants applicables à la certification périodique, dont les modalités d'application seront largement définies par voie réglementaire après concertation avec l'ensemble des parties prenantes". Comme pour toute ordonnance, un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement.

S'agit-il de museler les médecins ? Non. L'objectif du futur Conseil national de la certification périodique est présenté ainsi : il doit permettre une "actualisation des connaissances et des compétences", ainsi que l'amélioration "de la qualité des pratiques professionnelles et de la relation avec le patient". Est enfin mentionnée la "prise en compte de la santé individuelle du praticien". L'ordonnance précise par ailleurs la périodicité de cette obligation, "tous les six ans", et dresse une liste des professions concernées. Il s'agit des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes, mais aussi des pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes et pédicures-podologues. 

Présenté cet organe comme un outil de contrôle sous la direction du ministère de la Santé se révèle erronné, puisqu'il est prévu que les référentiels soient "élaborés par les conseils nationaux professionnels", que ce soit l'Ordre des médecins, celui des pharmaciens... Le tout, "sur la base d'une méthode arrêtée par le ministre chargé de la Santé sur proposition de la Haute Autorité de santé et après avis du Conseil national de la certification périodique". Nous sommes donc ici loin d'une ligne directrice fixée par un ministre depuis son bureau.

"La certification périodique est un outil [...] qui constitue une garantie supplémentaire de sécurité et de qualité des soins dispensés", a assuré à 20 Minutes l'Ordre national des infirmiers, ajoutant qu'il s'agit "d'un outil au service des patients". Et de noter sur son site que si la mise en place est prévue au 1er janvier 2023, un délai de neuf ans a été évoqué pour laisser aux professionnels de santé concernés le soin de réaliser leur première certification. Derrière cette mesure et ce nouvel organisme, il faut donc, avant tout, voir de la part des autorités sanitaires une volonté de compléter les dispositifs de formation continue. Parler d'une ordonnance signée "en catimini" se révèle aussi trompeur, puisque l'Ordre des médecins a été depuis l'origine consulté en vue de la mise en place de ce Conseil.

Parmi les missions du CNCP, notons qu'il lui faudra veiller à ce que les acteurs mobilisés au cours de la procédure de certification ne présentent pas liens/conflits d’intérêt. Il devra par ailleurs s'assurer "que les actions prises en compte au titre de la certification répondent aux critères d'objectivité des connaissances professionnelles, scientifiques et universitaires et aux règles déontologiques des professions concernées", complète le site spécialisé Actusoins. 

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Thomas DESZPOT

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