Stéphane Bancel, PDG de Moderna : "D’ici l’été, les personnes qui veulent un vaccin auront accès à un vaccin"

par Cédric INGRAND
Publié le 17 novembre 2020 à 17h10

Source : TF1 Info

INTERVIEW - Au lendemain de la publication des résultats des essais de phase 3 de son vaccin anti-Covid, le PDG de Moderna était l'invité de LCI pour préciser les contours de cette annonce. Notamment le calendrier de distribution.

Au fur et à mesure de l'avancée des tests, les candidats-vaccins anti-Covid affichent un à un les résultats de leurs essais cliniques. Après Pfizer/BioNTech la semaine dernière, c'est l'entreprise biotech américaine Moderna qui vient de recevoir les premières conclusions de ses tests à grande échelle de phase 3. Principal enseignement : le vaccin à base d'ARN modifié afficherait une efficacité de 94,5%. 

Le PDG de Moderna, le Français Stéphane Bancel, était en direct sur LCI ce mardi pour détailler les contours de cette annonce et le calendrier de distribution du vaccin, alors que les USA lui ont déjà précommandé des centaines de millions de doses, et que les négociations avec l'Union Européenne sont toujours en cours, et semblent achopper sur le prix. Résumé de l'interview en cinq points clé. 

Sur les résultats des essais cliniques

"Ce que nous savons aujourd'hui, c'est que le vaccin protège contre la maladie. Ce que nous savons depuis dimanche (date de réception des premières conclusions des essais cliniques, ndlr), c'est que le vaccin a 94,5% d'efficacité contre la maladie. Sur tous les participants à l'étude (30.000 environ), 95 personnes ont contracté la maladie, et onze ont développé des cas graves. Ces onze personnes avaient reçu le placebo, et pas le vaccin. Donc, si vous êtes vacciné, vous avez 94% de chances de ne pas contracter la maladie, et si vous la contractiez, vos symptômes seront légers."

"Nous n'avons pas encore toutes les données triées par catégories de personnes, ce que l'on sait c'est que dans l'étude on a 25% de personnes de plus de 65 ans, on a un grand nombre de personnes diabétiques, avec une hypertension artérielle, une obésité, et toutes ces données-là seront dans l'analyse finale de l'étude, d'ici une semaine ou deux."

Sur l'efficacité du vaccin

"C’est très dur pour les vaccins de connaitre la durée précise pendant laquelle ils vous protègent. On a aujourd’hui six mois de recul, et on voit que les quantités d’anticorps ont l’air de bien tenir, on pense - mais je parle avec beaucoup de prudence - que l’on a une protection pendant au moins six mois, mais il n’est pas impossible que ce soit douze mois ou plus. Il reste à voir comment cela évolue selon les types de populations, peut-être qu’un jeune de 25 ans n’aura pas besoin de rappel, et sera protégé pendant 3, 4 ou 5 ans, mais il est possible qu'une personne de plus de 65 ans, si elle a en plus des facteurs de comorbidité, comme du diabète, ait besoin d'un rappel tous les ans."

Sur ses effets secondaires

"On a relevé des effets bénins, cela veut dire des effets qui passent d'eux-mêmes, qui ne nécessitent pas de traitement ou d'hospitalisation, ce sont des choses typiques des vaccins. Il y a des effets secondaires locaux, des douleurs au site de l’infection, d’est similaire au vaccin contre la grippe, il peut aussi y avoir une rougeur au point d’injection. Du côté des effets plus systémiques, il y a des personnes qui ont un mal de tête, qui partira tout seul ou avec de l'aspirine, et il y en a moins de 1,4% qui rapportent une légère fièvre qui part d’elle-même. Ce sont des effets secondaires qui existent mais ne sont pas dangereux, et que l’on retrouve dans beaucoup de vaccins commercialisés aujourd’hui." 

"Dans tous les vaccins, 99% des effets secondaires se manifestent dans les six semaines qui suivent l'injection. Maintenant, vous dire qu'il ne peut pas y avoir d'effets secondaires dans la durée, c'est impossible, car en science on ne peut pas prouver un négatif. Donc vous dire qu'il n'y aura pas une personne sur un million qui souffrira d'un effet secondaire dans la durée, c'est impossible. C'est vrai pour n'importe quel produit médical, n'importe quel médicament."

On a commencé à travailler le 7 janvier, alors que le virus n'avait pas encore de nom. Les équipes ont travaillé 7 jours sur 7, parfois jour et nuit, on sait que chaque jour compte.
Stéphane Bancel, PDG de Moderna

Sur le mode de vaccination

"C'est un virus nouveau, il faudra une vaccination et un rappel quatre semaines plus tard. Sur les conditions de conservation, on a des données démontrées scientifiquement : on peut le conserver six mois dans un congélateur à -20°, ce sont des conditions de stockage qui existent dans les chaînes de distribution pharmaceutiques, contrairement à d'autres produits (comme le vaccin de Pfizer/BioNTech, ndlr) qui ont besoin de congélateurs spéciaux à -70°." 

"Nous avons aussi des données qui nous montrent que le vaccin peut se conserver 30 jours à des températures de frigo normal, entre 2 et 8 degrés, comme, par exemple, pour l'insuline et d'autres produits pharmaceutiques, tel que le font les pharmacies et les hôpitaux. Enfin, quand vous sortez le vaccin du frigo, on a 12 heures de stabilité à température ambiante. On peut donc penser qu'il vous soit administré par votre médecin ou en pharmacie, il reste des aspects logistiques à mettre en place. Mais on n'a jamais fait une campagne de vaccination aussi rapide à l'échelle de la planète."

Sur le calendrier de distribution

"Au niveau mondial on vend le vaccin entre 32 et 37 dollars la dose, les États-Unis vont les payer à 25 dollars la dose, mais c'est parce qu'ils ont passé une commande qui peut atteindre 600 millions de doses. Les prix en Europe sont encore en discussion avec l’Union européenne, il y a un accord-cadre, mais le contrat final n’est pas encore signé. Ça a pris plus de temps que je l’aurais espéré, nos équipes travaillent avec l’équipe européenne."

"Sur la mise à disposition du vaccin, le calendrier devant nous : l’étude va être terminée dans 7 à 15 jours, il nous faudra quelques jours pour vérifier la qualité des données et les soumettre aux agences réglementaires. Donc fin novembre ou début décembre on fera le dépôt des dossiers (de demande d'autorisation de mise sur le marché, ndlr) aux États-Unis, et en Europe. Les agences pourront passer en revue les données cliniques en quelques semaines, et on espère des autorisations mi-décembre pour commencer à envoyer les flacons."

"Pour les pays développés où il y a beaucoup de personnes âgées, qui sont les plus à risque, je pense que d’ici l’été, les personnes qui veulent un vaccin auront accès à un vaccin. On va aussi démarrer bientôt une étude chez les adolescents, une étude séparée pour laquelle il nous faut d'abord les résultats complets des études sur les adultes. Le but c'est d'avoir ces données pour les 12 à 17 ans, pour leur permettre de se faire vacciner à l'été prochain, et d'avoir une rentrée scolaire 2021 normale."


Cédric INGRAND

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