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Non, une étude du Lancet ne montre pas que les myocardites touchent 10% des vaccinés Covid

Publié le 15 juin 2022 à 18h02, mis à jour le 18 juin 2022 à 11h20

Source : Sujet TF1 Info

La publication d'une étude sur le lien entre vaccinations Covid et myocardites par la revue scientifique The Lancet déclenche des salves de commentaires.
Les risques sont accentués, peut-on lire en ligne, des internautes expliquant même qu'une personne vaccinée sur 10 serait concernée.
Il s'agit d'une lecture erronée des travaux réalisés par les chercheurs, comme le confirme un immunologue.

Certains internautes, ces derniers jours, n'hésitent pas à parler d'un véritable "coup de théâtre". Ils expliquent que "la revue scientifique The Lancet confirme le risque élevé de myocardite du vaccin Pfizer et Moderna". D'autres messages, rebondissant sur ces travaux, affirment même que "900 personnes sur 9000, soit 1 personne sur 10, soit 10%", seraient touchées parmi les vaccinés. 

Pour en savoir plus et y voir plus clair, notre équipe des Vérificateurs a fait appel à l'Inserm, dont nous sommes partenaires depuis plus d'un an pour lutter contre la désinformation autour du Covid. Il en ressort que les résultats des travaux scientifiques menés ces derniers ont été largement incompris et déformés en ligne, les risques encourus restant très minimes pour les patients.

Entre confusions et désinformation

Que nous apprend l'étude publiée dans The Lancet ? Pour l'analyser, TF1info l'a partagée à l'immunologiste Frédéric Rieux-Laucat, directeur de recherche à l’Inserm et directeur du laboratoire des maladies auto-immunes pédiatriques à l’Institut Imagine. Le spécialiste fait remarquer que les travaux des chercheurs mettent en avant un "excès de cas significatif" chez les personnes ayant été vaccinées, mais "nous sommes ici, c'est important de le souligner, dans des fréquences qui sont celles de maladies rares, de maladies génétiques". 

The Lancet écrit noir sur blanc qu'un "total de 411 myocardites ou péricardites (ou les deux) ont été observées parmi un total de 15.148.369 personnes âgées de 18 à 64 ans". Des personnes ayant reçu en cumulé 16.912.716 doses de BNT162b2 (le vaccin Pfizer) et 10.631.554 doses de mRNA-1273 (celui de Moderna). Nous sommes ici très loin des 10% de personnes vaccinées touchées, comme on a pu le lire sur les réseaux sociaux.  

D'où viennent les "900 personnes sur 9000" évoquées par des internautes ? Pas de l'étude dévoilée par The Lancet en tout cas. Pour en retrouver la trace, c'est vers d'autres travaux qu'il faut se tourner : ceux du groupement d’intérêt scientifique EPI-PHARE, créé fin 2018 en France par l’ANSM et la Cnam. En novembre dernier, il dévoilait les résultats d'une étude portant sur les cas de "myocardite et péricardite après la vaccination Covid-19". Problème : les conclusions des experts ont fait l'objet d'interprétations totalement erronées et trompeuses.

132 cas par million de doses

"Un total de 919 cas de myocardites (âge médian de 26 ans, 21% de femmes) et 917 cas de péricardites (âge médian de 34 ans, 38% de femmes) sont survenus parmi des personnes âgées de 12 à 50 ans en France pendant la période d’étude", écrivent les auteurs. "Ces cas ont été appariés respectivement à 9190 témoins (pour la myocardite) et 9170 témoins (pour la péricardite)." C'est à la lecture de ce paragraphe que des internautes ont été induits en erreur, croyant que les quelque 900 cas de myocardites et de péricardites avaient été diagnostiquées parmi un total de 9000 personnes environ. 

"C'est une confusion totale !", lance Frédéric Rieux-Laucat, qui précise que les 9000 personnes citées sont en fait des patients "témoins". Les chercheurs, explique le représentant de l'Inserm, procèdent à ce que l'on nomme un "appariement". Le principe est au fond assez simple : pour chaque cas de myocardite ou de péricardite détecté durant la phase de pharmaco-vigilance, les données de dix personnes au profil similaire sont récoltées et analysées. Leur âge, sexe et lieu de résidence doit être identique, afin que ces patients demeurent comparables. L'étude vise alors à observer la fréquence des myocardites et péricardites chez ce groupe témoin dans les années passées (hors période de vaccination), de manière à déterminer le nombre de cas qui serait jugé habituel en temps normal et à mettre en évidence un potentiel accroissement lié à la vaccination.

La première chose à noter, c’est que la pharmacovigilance fonctionne
Frédéric Rieux-Laucat, directeur de recherche à l'Inserm

Frédéric Rieux-Laucat souligne que nous sommes très loin d'un cas pour 10 personnes vaccinées. "La première chose à noter, c’est que la pharmacovigilance fonctionne, puisqu'elle permet de noter un excès de cas significatif chez les vaccinés. Mais attention : il est de l’ordre de 132 par million de doses", un chiffre fourni par les auteurs de l'étude EPI-PHARE et qui correspond à une vaccination Moderna (nous sommes plutôt à 27 cas par million de doses avec Pfizer). "C’est vraiment très peu, nous sommes au maximum sur des statistiques de l'ordre d'un cas pour 7000 doses", analyse le spécialiste. Ce qui laisse d'ailleurs selon lui "supposer une prédisposition génétique des personnes touchées à développer des myocardites"

Une forme de "terreau" qui pourrait expliquer "un mauvais contrôle des réactions du système immunitaire lorsqu’il est très stimulé, que ce soit post-vaccination ou post infection". 

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Thomas DESZPOT

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