VACCINS - Des internautes assurent que la protéine "spike" créée par les vaccins à ARN messager serait "toxique et dangereuse pour l'homme". Cette affirmation est basée sur une manipulation de données publiques ainsi que sur différentes études mal interprétées, d'après leurs auteurs.
Mise à jour :
Au lendemain de la publication de cet article décryptant un article paru dans France Soir, de nombreux internautes nous ont interpellé afin de vérifier d'autres études, qui serviraient, elles aussi, d'argument pour montrer que la protéine spike est "dangereuse". Nous les avons passées au crible. Notre analyse est à retrouver en fin de cet article.
Chaque jour, l'équipe des Vérificateurs reçoit des questions d'internautes via une adresse mail dédiée : lesverificateurs@tf1.fr. Plusieurs lecteurs et auditeurs nous ont ainsi sollicités, car ils s'interrogent sur un article, qu'ils nous demandent de vérifier, à propos d'une prétendue "toxicité" de la protéine "spike" utilisée par les vaccins contre le coronavirus.
Le texte publié par France Soir ce 1er juin "alerte" ainsi sur la technologie utilisée par les vaccins à ARN messager de Pfizer/BioNTech. Celle-ci envoie en effet dans la cellule de la personne inoculée une instruction génétique lui demandant de produire cette fameuse protéine de pointe - "spike" en anglais - qui se trouve normalement à la surface du coronavirus. Or, selon un chercheur cité par le blog, celle-ci serait "toxique et dangereuse pour l'homme".
Une manipulation des données de toxicologie
Leur analyse est en fait tirée d'une interview donnée par un certain Byram Bridle, le 28 mai dernier. Spécialisé en immunologie virale, il est docteur au Collège vétérinaire de l'Ontario, d'après le site de l'Université de Guelph, au Canada. Tout d'abord, il assure dans cette interview, traduite par France Soir, que les tests réalisés pour les vaccins à ARNm sur des animaux "et dont les études n'ont jamais été rendues publiques", montreraient que les nanoparticules d'ARNm "ne restent pas localement au site de ponction dans le tissu musculaire" mais se répandraient "de cellules en cellules".
Sur quelle source "jamais rendue publique" s'appuie-t-il ? Le lien proposé par France Soir (ici) renvoie en réalité au document officiel partagé par Pfizer aux autorités sanitaires de tous les pays. On peut en effet le retrouver sur le site de la Food and Drug Administration (FDA), l'administration américaine des médicaments, ou celui des autorités japonaises. Un rapport rendu public … en décembre 2020 !
Plus exactement, ce document est le rapport de toxicologie des études réalisées par le laboratoire Pfizer sur des rats. Or, on y découvre en effet que des protéines "spike" ont été retrouvées dans certains organes des rongeurs, comme le foie ou les ovaires (page 6 ici). Comment l'expliquer ? Il suffit en fait simplement de connaître le principe de ces essais.
Réalisés sur les animaux, ils ont en effet pour but de connaitre la dose idoine de protéine à administrer à l'humain. Pour ce faire, les chercheurs réalisent exactement l'inverse chez l'animal testé. C'est-à-dire que les doses injectées dans les rats sont très élevées, afin de voir des dégâts potentiels. Et déceler les fragilités, les points de vigilance. Le but est donc justement de trouver les toxines et la manière dont elles évoluent, afin de connaître la limite à laquelle la dose devient toxique, avant de la tester chez l'humain.
L'effet de la protéine de pointe chez les animaux infectés ne peut donc absolument pas être extrapolé à celui chez l'homme. Au contraire. Il est tout à fait normal qu'on puisse en retrouver chez les rats lors des essais de toxicité, sans que cela soit ensuite le cas lors des essais cliniques chez l'humain. Ces derniers ont au contraire montré, comme nous l'expliquait l'Inserm dans un précédent article, que l'ARNmessager reste au niveau musculaire, et à une durée de vie très courte, estimée chez l'homme entre quinze minutes et 24 heures. Même constat à l'Agence européenne des médicaments (EMA). En regardant le rapport en question, l'agence européenne souligne que "la dose relativement élevée utilisée chez les rats" représente une quantité 500 fois supérieure à celle de la dose humaine. Ce qui "soutient un faible risque de distribution aux gonades chez l'homme" (page 54).
Des études "sur-interprétées" selon leurs auteurs
À part ces données toxicologiques citées par France Soir, le virologue canadien a également évoqué plusieurs autres travaux au cours de son entretien. Les premiers sont supposés montrer que la protéine se déplace. Les seconds qu’elle est toxique.
Il évoque ainsi une étude parue dans le Clinical Infectious Diseases le 20 mai dernier. Les chercheurs de l'Université d'Oxford ont voulu observer les protéines "spike" présentes dans des échantillons de plasma de 13 participants après deux doses de Moderna. Ils ont relevé qu'elle était encore "détectable" chez trois d'entre eux, deux semaines après la première injection. Cependant, ces résultats n'indiquent absolument pas que ces quantités sont significatives ou dangereuses. Les niveaux de concentration relevés sont même incroyablement bas. Dans une analyse de ces travaux, le blog Deplatform Disease a calculé que la quantité trouvée par les chercheurs était environ 146.000 fois inférieure aux niveaux qui pourraient éventuellement causer des dommages.
Une interprétation rappelée par l'auteur lui-même. Auprès d'USA Today, David Walt a martelé que son étude confirmait que la consigne donnée par l'ARNm était correctement traduite par le système immunitaire. Il a simplement détecté à ce moment-là "de très faibles concentrations de la protéine chez la plupart des individus vaccinés". Rien d'alarmant. Auprès de nos confrères, il a regretté que le Dr.Bridle "surinterprète" ses résultats.
L'autre source supposée quant à elle montrer que la protéine est toxique est parue dans la revue Circulation Research. En injectant un pseudovirus - qui possède la protéine de pointe - à des hamsters, les chercheurs ont relevé qu'elle affectait certaines cellules situées dans les vaisseaux sanguins des poumons. Cependant, comme le notent les auteurs, cette publication examine les mécanismes suite à une infection, et non pas suite à une vaccination. Ils relèvent même en conclusion que "les anticorps générés par la vaccination (…) protègent non seulement l'hôte de l'infectivité" du covid-19, mais également "de ces lésions" observées chez le hamster ! Soit, l'exact inverse que ce qu'assurait le virologue canadien. Là aussi, l'un des auteurs de ces travaux a réfuté cette mauvaise-interprétation sur Twitter, encourageant "tout le monde" à se faire vacciner.
Aucun des travaux cités ne souligne donc une quelconque dangerosité de la protéine spike, créée par le vaccin à ARNmessager. Ni dangereuse, ni toxique, la seule manière de la décrire est, à l'instar des CDC américains, comme un "morceau inoffensif" de virus.
Vous souhaitez nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N'hésitez pas à nous écrire à l'adresse lesverificateurs@tf1.fr
Sur le
même thème
Tout
TF1 Info