ASTRAZENECA – Dans les cabinets de ville, la vaccination ouverte aux patients de 50 à 65 ans atteints d'une comorbidité a démarré au ralenti. En effet, les médecins ont été moins nombreux à recommander des doses du sérum suédo-britannique la semaine dernière. Voici pourquoi.
L’ouverture de la vaccination contre le Covid-19 dans les cabinets médicaux avec le vaccin britannique AstraZeneca était très attendue. Lancée jeudi 25 février, la campagne, qui vise les personnes âgées de 50 à 65 ans atteintes de comorbidité, tarde à atteindre son rythme de croisière : en pratique, moins de médecins ont commandé des doses une deuxième fois. On vous explique pourquoi la campagne ne prend pas encore chez les généralistes.
Des patients "pas très enclins à se faire vacciner"
Pour se préparer à vacciner leurs patients, les médecins ont dû se signaler dès la mi-février auprès des pharmacies, chargées de réceptionner les 540.000 doses du vaccin AstraZeneca. Chaque généraliste ayant passé commande entre le 15 et le 17 février a alors reçu un flacon de dix doses. Ces premières commandes passées ont "permis d’expédier un flacon pour chacun des plus de 28.800 médecins volontaires, mais aussi, de fournir deux flacons additionnels à chacune des 11.226 officines ayant au moins un médecin rattaché", précise la Direction générale de la Santé (DGS). En début de parcours, les médecins étaient donc près de 29.000 à prendre part à la campagne de vaccination. Sauf qu’une semaine plus tard, à l’occasion de la deuxième commande passée entre le 22 et le 24 février et prévoyant cette fois deux flacons de dix doses par médecin, ils n’étaient plus que 19.000 volontaires, dont 5000 qui ne s’étaient pas manifesté la première fois, toujours selon la DGS.
Si les généralistes ont été moins nombreux à passer une nouvelle fois commande auprès des officines, c’est d’abord parce qu’ils n’ont pas pu écouler leurs dix doses. En effet, les patients considérés comme prioritaires n’ont pas été suffisamment à répondre présent. Depuis son cabinet de Chilly-Mazarin, dans l’Essonne, le docteur Fabien Quedeville constate que "ses patients ne sont pas très enclins à se faire vacciner". C’est d’ailleurs ce que craignait Claude Bronner, médecin à Strasbourg et président du syndicat Union généraliste, il y a quelques jours : "En tant que médecin, vous réservez vos doses, vous les laissez chez le pharmacien jusqu'aux rendez-vous, c'est tout simple dans l'absolu. […] Encore faut-il avoir suffisamment de patients ensuite pour écouler les doses quand le flacon est entamé".
Un délai de 48 heures pour utiliser un flacon ouvert
Sur les trois premiers jours de la vaccination, 119.000 doses ont été injectées à des patients sur les 280.000 livrées. Soit 30% des commandes passées, résume Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officines (USPO), qui explique ce que deviennent les doses inutilisées : "Elles restent dans les frigos des pharmaciens parce qu’ils n’ont pas reçu d’appels de médecins ou dans les frigos des médecins parce qu’ils n’ont pas réussi à donner des rendez-vous". Pour Jacques Battistoni, président de la Fédération Française des Médecins Généralistes (MG France), qui témoigne d’une bonne gestion des stocks et de la demande, le constat est différent : "À titre personnel, j’ai reçu 30 doses. J’en ai utilisé 10, je compte en utiliser 10 ce vendredi et puis 10 autres la semaine suivante. Il ne me reste que deux places pour prendre rendez-vous et j’ai rempli mon planning pour vendredi. Et beaucoup de médecins sont dans ma situation." Pour Gilles Bonnefond, au contraire, les rendez-vous sont désespérément vides, poussant certains médecins à "déroger à la règle" fixée par la Haute autorité de santé (HAS) et à contacter des patients non-prioritaires mais déjà inscrits sur liste d’attente. Car lorsqu’un flacon est ouvert, ses dix doses doivent être utilisées dans les 48 heures sous peine d’être inefficaces ensuite.
C’est en effet une contrainte non négligeable : sachant que le vaccin AstraZeneca se conserve seulement pendant 48 heures au frigo, une fois le flacon ouvert, le médecin a donc deux jours pour trouver dix patients à vacciner. Ce qui exige à la fois de faire vite et de libérer du temps dans "un planning déjà très chargé", témoigne le docteur Fabien Quedeville : "Cela veut dire qu’il faut libérer dix plages horaires dans les 48 heures". Le généraliste, qui s’est fait connaitre en prenant position contre un éventuel reconfinement de la population, ne souhaite pas vacciner ses patients aujourd’hui. "Je n’ai pas beaucoup de demandes, je trouve l’organisation compliquée mais je doute aussi de l’efficacité du vaccin", confie le médecin, qui juge "l’étude d’AstraZeneca mal faite et biaisée". Selon lui, si les patients n’affluent pas chez leur médecin, c’est qu’ils n’ont pas suffisamment confiance dans ce vaccin, le troisième à avoir été autorisé en France. Une "mauvaise presse" que déplorait Alain Fischer, le "Monsieur vaccins" du gouvernement le 25 février.
Toujours est-il que sur la totalité des doses du vaccin AstraZeneca qui ont été livrées, 250.000 doses reposent encore dans les frigos des officines, attendant d’être commandées par les généralistes. "Elles ne bougent pas", confirme Gilles Bonnefond. Alors, comment faire pour que la campagne de vaccination passent la surmultipliée dans les cabinets de ville ? Pour certains, elle doit justement dépasser les cabinets et inclure les pharmacies. C’est ce que demande le président de l’USPO : "J’ai des doses dans le frigo et je n’ai pas le droit de les injecter. Le Covid-19 demande un travail immense : il faut que tout le monde participe". Suivant les recommandations de la Haute autorité de santé, la DGS précise mardi 2 mars que "des travaux sont en cours pour préparer l’élargissement rapide de la vaccination à d’autres effecteurs, notamment les pharmaciens".
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