CROYANCE - Dans l'inconscient collectif, le vendredi 13 est considéré comme une date-clef, jour de chance ou de malchance selon les sensibilités. Mais d'où vient l'origine d'une telle superstition et pourquoi certains y adhèrent plus que d'autres ? Deux psychologues éclairent nos lanternes.
Nous sommes un vendredi 13. Pour les plus superstitieux d'entre nous, le simple fait que nous soyons "un vendredi" et "le treizième jour d'un mois" les persuadent qu'ils vont, au choix, vivre un remake d'Une journée en enfer ou devenir millionnaire au loto. Les zones grises de la vie de tous les jours n'existant plus, se cachent en réalité, d'un extrême à l'autre, des croyances qui datent de la nuit des temps.
Selon Sébastien Garnero, sollicité par LCI, le "vendredi 13" reste un jour "symboliquement chargé dans les religions monothéistes, tandis qu'il est marqué par le symbole du chiffre 13 dans les traditions païennes et polythéistes" : "L’une des origines les plus probables de cette superstition remonte à cette association entre la mort du Christ le vendredi après le dernier repas de la Cène entre Jésus et ses 12 apôtres, le treizième étant Judas le traître et la suite que l’on connaît aboutissant à la crucifixion". Dans cette même veine, poursuit-il, "le Chapitre 13 de l’Apocalypse annonce l’Antéchrist ainsi que la venue de la Bête. C'est aussi un vendredi que Adam et Eve, tentés par le diable, auraient été chassés du jardin d’Eden. Ajoutons que le déluge et l'arche de Noé ont, eux aussi, eu lieu un vendredi."
"Paraskevidékatriaphobie"
Bref, autant de références expliquant la pérennité d'une telle superstition, suffisamment prise au sérieux pour qu'en psychologie, on ait donné à la "phobie" du Vendredi 13 le nom imprononçable de "paraskevidékatriaphobie". Et cela n'a rien à voir avec les traumatisés du film d'horreur Vendredi 13 (Sean S. Cunningham, 1980) : "Quand elle est intense, cette phobie tient plus du trouble anxieux que d'une simple superstition", souligne le psychologue.
D'autres, en revanche, attendent, le Vendredi 13 comme le messie, aux aguets de l'épiphanie. Un schéma binaire traduit en fait les différentes croyances d'époques et de pays ("Dans l’Egypte ancienne, on associait le nombre 13 à la prospérité", note Sébastien Garnero), mais surtout la capacité à "retourner une croyance en son contraire" : "C'est un mécanisme qui trouve son origine dans cette formule mathématique connue de tous : moins par moins donne plus, donc : 'vendredi' (-) x '13' (-) = positif. D'un point de vue anthropologique, on appelle cela la "transmutation, soit le fait de transmuer une pensée négative en pensée positive."
Un pont avec le magique et le sacré
Mais nul besoin d'être érudit ou matheux pour être superstitieux. Selon Sébastien Garnero, "dans la vie de tous les jours, nos superstitions servent à se mettre à l’abri d'un flot d’angoisses, soit par des rituels ou bien par des stratégies d’évitement comme 'ne pas sortir de chez soi et fermer ses volets un vendredi 13'. La psychologue Laurie Hawkes, également contactée par LCI, y perçoit un "reliquat de l’enfance, de la pensée magique caractéristique de cet âge", à la manière des 'si je marche sur le trait du trottoir il arrivera malheur à maman' ; 'si je prends mon porte-bonheur, tout ira bien' etc." "Il y a, derrière la superstition, un pont avec le magique et le sacré" poursuit Sébastien Garnero. "C'est comme une fenêtre ouvrant sur notre imaginaire créatif, où tout devient possible. Il y a aussi ce besoin essentiel d’une quête de sens pour chacun, de se recueillir, de décompresser face à la tension interne et le stress de notre société rationnelle d’aujourd’hui centrée sur l’objectivation, la productivité et la performance plus que sur le lien social entre les humains."
Et quid des non-superstitieux ? Pour Laurie Hawkes, deux options expliquent un tel scepticisme : "Soit ils ont mûri et dépassé cette pensée magique : ils privilégient la pensée logique, s’amusant alors des superstitions ou les observant avec intérêt ou détachement, restant calmes par rapport à cela. Soit les procédés conjuratoires n’ont pas marché sur eux. C’est donc souvent avec colère ou dédain qu’ils rejettent toute superstition. Et la conviction naïve des superstitieux les agace. Pour moi, c'est la preuve que toutes les superstitions que certains nourrissent restent autant de façons d’avoir prise un tant soit peu sur les événements de la vie de tous les jours, de conjurer des angoisses face à tous les imprévus." Bref, de laisser une part d'irrationnel nous envahir, aussi.
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