Audioprothèses : enquête sur le succès et les suspicions de dérives du 100% santé

V. F | Reportage vidéo : Mathilde Verron et Eric Berra
Publié le 28 mars 2022 à 10h10, mis à jour le 28 mars 2022 à 10h34

Source : TF1 Info

Avec le 100% santé, depuis un an, les appareils auditifs sont intégralement pris en charge par la Sécurité sociale.
Résultat : leurs ventes ont augmenté de 80 %.
Mais tous ces clients en ont-ils vraiment besoin ?

Ne rien dépenser pour avoir un appareil auditif, c'était le pari du 100% santé. Un dispositif qui a plus que jamais atteint sa cible. Christian Bonnechère est l'un de ces heureux bénéficiaires. Cela va faire une vingtaine d'années qu'il est appareillé. Jusqu'à il y a un an, il déboursait 1500 euros pour renouveler ses prothèses, mais plus maintenant, même s'il était plutôt méfiant au départ. "Je me suis dit : 'ça va être du bas de gamme, ça va être un appareil d'une génération précédente et je ne pourrais pas profiter de toutes les améliorations'. Or en fait, j'ai un appareil de bonne qualité ; enfin, c'est ce que j'ai ressenti quand je l'ai testé", reconnaît-il dans la vidéo du 20H en tête de cet article. 

Pendant deux semaines, Christian a testé deux appareils : l'un qui lui aurait coûté 2000 euros, l'autre remboursé. Entre les deux, les différences sont fines. Le plus cher est plus performant dans des lieux très bruyants et dispose de certaines options comme la connexion avec son téléphone ou l'absence de pile. Mais esthétiquement, ce sont les mêmes. "On les a aussi fins, aussi discrets une fois placé à l'oreille. On peut avoir des appareils derrière l'oreille ou à l'intérieur de l'oreille. C'est une très bonne base qui couvre vraiment l'essentiel des besoins auditifs des patients", explique l'audioprothésiste Karen Ginisty-Blandin. 

Publicités excessives et démarchages téléphoniques

Ces offres alléchantes ont eu pour résultat de voir le nombre de personnes équipées augmenter de près 80%, en 2021, soit un coût de 270 millions d'euros pour l'Assurance maladie. C'est 100 millions de plus que ce qui était prévu. Aujourd'hui, près de la moitié des prothèses vendues le sont en 100% santé, mais les autorités suspectent des dérives, des sur-appareillages pour vendre un maximum. C'est la crainte d'un rapport de l'Inspection générale des Affaires sociales (Igas). Il pointe du doigt des publicités excessives, parfois même des démarchages téléphoniques. Dans un courrier que le JT de 20H s'est procuré, un audioprothésiste d'une enseigne d'optique incite par exemple un médecin à prescrire des appareils à un patient. Il a jugé bon de l'équiper sans aucun avis médical. 

Denis Ayache, médecin ORL à Paris, n'est pas étonné. Il s'est lui-même fait usurper son identité pour générer de fausses ordonnances d'appareillages. "C'est bien mon en-tête, mon adresse, ma signature et un nom de patient que je ne connais pas", dit-il. Une trentaine de fausses prescriptions lui ont ainsi été signalées. Une escroquerie pour l'Assurance maladie, mais aussi un danger pour les patients, car la baisse d'audition peut avoir des causes graves que seul un médecin peut diagnostiquer. "Ça peut masquer une tumeur, une infection sévère, une maladie évolutive qui nécessitent un diagnostic et un traitement qui n'est pas de mettre un appareil auditif. Ça peut être des médicaments ou de la chirurgie", avance-t-il. Ce dernier a porté plainte. Selon lui, d'autres praticiens auraient été victimes des mêmes pratiques. 

Pour mettre fin à ces abus, l’Igas recommande de "mieux surveiller les pratiques promotionnelles, de renforcer le suivi de l’appareillage par les audioprothésistes", notamment en mettant en place "un questionnaire de satisfaction simplifié". Depuis la mise en place du 100% santé, seul un médecin, un spécialiste ORL ou un généraliste est habilité à prescrire des prothèses auditives.


V. F | Reportage vidéo : Mathilde Verron et Eric Berra

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