L'Anses confirme ce mardi qu'il existe bien un risque de cancer lié aux nitrites présents dans la charcuterie.Les Français dépassent les recommandations de consommation, mais peu d'entre eux sont véritablement en danger.
Le rapport, très attendu, livre enfin ses conclusions, et elles sont sans appel. Après plusieurs mois de travaux, l'Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale (Anses) évalue dans un avis diffusé ce mardi les risques liés à la consommation de nitrates et de nitrites, des additifs controversés utilisés entre autres pour conserver les charcuteries. Elle confirme qu'un lien existe entre l'exposition à ces substances et le risque de cancer.
Ce rapport, prévu initialement courant 2021, rejoint les évaluations du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a classé la viande transformée, notamment la charcuterie, comme cancérogène en 2015. Celle-ci favoriserait, entre autres, les cancers colorectaux, dont 120.000 cas ont été diagnostiqués en cinq ans.
Que sont les nitrites et les nitrates ?
Les nitrites se forment à partir de nitrates, des substances présentes naturellement dans les sols. Leur concentration peut être renforcée par les activités agricoles, et elles se retrouvent principalement dans les produits végétaux, surtout les légumes à feuilles comme les épinards ou la laitue, et l'eau que l'on consomme. Au contact d'enzymes bactériennes dans notre bouche, les nitrates se transforment en nitrites, et si ces derniers sont en trop grande quantité, cela entraîne la formation de "composés nitrosés" dans l'organisme, dont certains eux cancérigènes.
Nitrates et nitrites peuvent aussi être rajoutés dans les produits, en particulier dans la viande transformée, sous la forme d'additifs alimentaires pour leurs propriétés de conservation et antimicrobiennes. Ils permettent en effet d'éviter tout développement de bactéries pathogènes, et donc de maladies comme la salmonellose ou la listériose. Ce sont les nitrites que l'on retrouve majoritairement dans la charcuterie, qui concentre 45 à 65% de l'exposition totale des consommateurs à ces substances. Elles donnent leur fameuse couleur rose au jambon, pourtant gris au naturel.
Que démontre le rapport ?
Reprenant pour partie les conclusions du CIRC, l'Anses confirme le lien entre la présence de nitrates et les cancers colorectaux dans l'eau et dans la viande transformée. Le risque est aussi confirmé lors de présence de nitrites dans la viande transformée, en particulier dans le jambon cuit, les saucisses et les saucissons cuits. Les produits fabriqués par les artisans bouchers ne sont pas épargnés par le fléau, ni même les produits estampillés "sans nitrite" et préparés à base d'"extraits végétaux" ou de "bouillons de légumes", puisque ces substituants contiennent des nitrates qui sont convertis ensuite en nitrites.
Mais l'agence sanitaire reconnaît que réduire ou supprimer les nitrites dans les produits de charcuterie sans prendre de mesures de compensation est trop dangereux, ces substances restant les seules capables à l'heure actuelle de lutter contre les risques microbiens. Par ailleurs, il existe des associations suspectées mais pas encore prouvées entre la présence de nitrates et nitrites et des cas de cancers du pancréas, de l'estomac, de la vessie, la prostate ou encore des seins.
Quelles sont les recommandations de l'agence ?
La consommation en charcuterie des Français est particulièrement haute : en moyenne, ils en consomment 40 grammes par jour, alors que la recommandation monte au maximum à 25 grammes. Soit une demi-tranche de jambon, ou entre deux à cinq tranches de saucisson sec, en fonction de leur épaisseur. De manière générale, l'Anses préconise de ne pas dépasser 150 grammes par semaine et de varier son alimentation, en consommant cinq portions de fruits et légumes par jour.
Pas de raison de basculer dans la psychose pour autant : près de 99 % de la population française ne dépasse pas les doses journalières admissibles (DJA) concernant les nitrites et les nitrates dans leur consommation. Mais plus on augmente son exposition à ces substances, plus la probabilité de cancers augmente. C'est pourquoi l'agence sanitaire préconise un recours aux additifs "aussi bas que raisonnablement possible", tout en réussissant à limiter le risque de contamination par des bactéries avec d'autres moyens.
"L'Anses recommande dans son avis aux industriels de diminuer la concentration en nitrites : si on la réduit dans le jambon cuit, il faut aussi limiter la date de consommation, de façon à préserver la sécurité du consommateur", explique dans le reportage du 13H de TF1 en tête de cet article Laurent Guillier, coordinateur de l'expertise Anses. "Nous allons continuer à essayer de continuer à poursuivre cette réduction, mais en veillant à chaque fois ne pas mettre en danger le consommateur à cause de risques microbiens", confirme Bernard Vallat, président de la fédération française des industriels charcutiers traiteurs.
Et maintenant, que va faire le gouvernement ?
Dans la foulée de la publication de ce rapport, le gouvernement a annoncé qu'il va mettre en œuvre une feuille de route pour réduire l'ajout des additifs nitrés dans les produits alimentaires. "Un plan d’actions coordonné sera mis en place afin d’aboutir à la réduction ou la suppression de l’utilisation des additifs nitrés dans tous les produits alimentaires où cela est possible sans impact sanitaire et cela le plus rapidement possible", indique un communiqué.
Une première réunion réunissant les acteurs de la filière sera organisée avant la fin du mois, ce qui donnera lieu à un plan présenté à l'Assemblée Nationale à l'automne. Il écarte en revanche une interdiction stricte du recours aux nitrites, renvoyant au faible taux de Français dépassant les DJA pour les nitrites et les nitrates. "L’utilisation des nitrites et nitrates est autorisée par la réglementation européenne qui prévoit des taux d’incorporation maximum de 150 mg par kilo. En France, les filières charcutières sont déjà en-deçà de ces seuils avec un maximum de 120 mg par kilo", ajoute-t-il.