Les déserts médicaux ne concernent pas que les humains : les déserts vétérinaires se multiplient en France.Face au trop-plein de demandes, les praticiens peinent à soutenir le rythme et sont surmenés.Ils sont trop peu nombreux en ville, mais surtout à la campagne.
La nuit vient à peine de tomber, et le téléphone ne laisse déjà aucun répit à l'équipe du standard, déjà débordée. Chaque jour, le service d'urgences à domicile francilien VétoAdom, situé à Montrouge en Hauts-de-Seine, traite 50.000 appels, 24 heures sur 24. "Mon chat essaie d'uriner, il n'y arrive pas", s'inquiète un homme au bout du fil. "Il y a un risque d'obstruction urinaire, c'est une urgence", réagit le Dr Pierre Fabing, casque sur les oreilles. "Ça ne s'arrête jamais, on a des appels en permanence", explique-t-il dans le reportage du 20H de TF1 en tête d'article.
Ce soir-là, c'est lui qui supervise ce dispositif qui regroupent 45 praticiens, un équivalent de SOS Médecins pour les animaux. Depuis la crise sanitaire, ses interventions se multiplient. "Il y a très peu de services d'urgence maintenant, donc on se déplace de plus en plus loin. On va quasiment à une heure autour de Paris. Avec le Covid notamment, il y a eu des vagues d'adoption, et ainsi le nombre d'urgences a grimpé en flèche juste après", analyse le vétérinaire.
Seule une dizaine de services d'urgence en Île-de-France
"Autant 25% d'adoptions (en plus, NDLR), ça peut se faire en quelques jours, autant une augmentation du nombre de vétérinaires, ce n'est pas le cas", regrette la cogérante de VétoAdom, Dr Julie Monot. Lorsqu'elle prend le volant pour sa première intervention, en début de soirée, la praticienne ne sait pas à quelle heure elle sera rentrée chez elle. Le premier trajet se limite heureusement ce soir-là à 30 minutes, mais le chat qu'elle est venue soigner, qui risquait une occlusion intestinale, a la chance de vivre dans un appartement de Paris intra-muros.
La situation se complique en effet dès que l'on sort de la capitale : il faut parfois rouler 100 kilomètres pour soigner son animal. Le gouvernement veut donc augmenter le nombre d'élèves vétérinaires, de 480 à 840 diplômés par an, d'ici à 2030, notamment grâce à l'ouverture d'une nouvelle voie d'accès post-bac pour les études de vétérinaire depuis la rentrée 2021. Mais en attendant, même dans la région parisienne, "il y a des déserts vétérinaires, surtout dans le nord du Val-d'Oise et le sud de la Seine-et-Marne, alors qu'on est en ville", déplore Dr Julie Monot.
On compte à peine une petite dizaine de services ouverts 24 heures sur 24 dans toute l'Île-de-France. Bien trop peu, pour une zone où vivent deux millions d'animaux de compagnie. Mais la situation est évidemment bien pire à la campagne : à Cussy-les-Forges, dans l'Yonne par exemple, le manque d'effectifs est criant.
Une seule clinique à 100 kilomètres à la ronde dans l'Yonne
Le Dr Marc Arbona soigne les chiens, les chats, et tous les animaux d'élevage dans l'un des plus grands déserts vétérinaires du pays. Sa clinique est la seule à 100 kilomètres à la ronde, si bien qu'il passe jusqu'à trois heures par jour sur la route : "Cela représente entre 45.000 et 70.000 kilomètres par an". Or ce rythme quotidien n'est pas sans danger : "Il faut savoir que la première cause de mortalité chez les confrères qui font de l'ambulatoire, c'est-à-dire du déplacement, c'est la route. Sûrement à cause de la fatigue, je pense que ce sont essentiellement des endormissements au volant", poursuit le praticien.
À bord de son véhicule, il est appelé ce jour-là pour une naissance de veau qui ne se déroule pas comme prévu. La césarienne devient inévitable. "C'est complètement de la médecine d'urgence", lance-t-il, recouvert d'une blouse en plastique, en préparant le flanc de la mère. "Si le vétérinaire n'est pas là dans un cas comme celui-là, la vache meurt d'épuisement dans les cinq, six ou sept heures, à force de trop pousser", souligne l'éleveur. "Est-ce que les vétérinaires d'une autre clinique, plus loin, accepteraient de venir ?", s'interroge-t-il. Le veau est finalement sain et sauf : tout juste extrait, il est déposé dans le foin, et tente tant bien que mal de s'ériger sur ses petites pattes tremblantes.
En France, seul un vétérinaire est autorisé à procéder aux accouchements dans les élevages, mais 20% uniquement des praticiens exercent à la campagne, où vivent pourtant l'immense majorité des animaux. À peine l'opération terminée, le Dr Marc Arbona consulte à nouveau son téléphone, qu'il doit garder allumé à chaque instant. La prochaine urgence l'attend déjà, à l'autre bout du département.
Dans son atlas démographique annuel de la profession, l'Ordre national des vétérinaires notait qu'au 31 décembre 2021, le nombre de vétérinaires inscrits à son tableau avait augmenté de 667 praticiens en un an, portant le nombre total à 20.197.
En cinq ans, les effectifs se sont épaissis de 10%. Mais plusieurs centaines de primo-inscrits manquent encore pour répondre correctement aux besoins, estime-t-il, mettant en garde contre "l’épuisement émotionnel des vétérinaires" : "L’addiction au travail n’est pas une réponse durable au problème démographique identifié", plaident les professionnels.
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